Ancien judoka de haut niveau, Stéphane Nomis est devenu président de la Fédération Française de Judo, succédant à Jean-Luc Rougé en novembre dernier. Président jusqu’en 2024, le nouvel homme fort du judo français entend amorcer un travail de fond afin de permettre à sa fédération d’entrer pleinement dans l’ère moderne.
Quelles ont été vos premières actions en tant que président de la Fédération Française de Judo ?
Dès le début de ma mandature, il était important d’agir sur la question des violences, un sujet qui a agité notre fédération ces derniers mois. Nous avons donc mis en place une commission et tout un ensemble de process afin d’éradiquer au maximum ce sujet-là. C’est un sujet qui a fait parler en mal de la Fédération Française de Judo, il était donc essentiel d’agir très rapidement. Devenir président d’une fédération, c’est beaucoup de tâches administratives, il faut récupérer les dossiers, comprendre comment tout fonctionne… ce sont de manière générale des premiers jours très chargés.
Quels axes forts souhaitez-vous développer durant cette mandature ?
La grande priorité est de mettre la Fédération Française de Judo au service de ses clubs et des territoires. Il est essentiel de nous recentrer sur les acteurs que sont les licenciés, les professeurs de clubs et les comités. Nous nous devons de leur apporter les outils afin qu’ils soient plus efficaces et pour leur simplifier la vie au quotidien. Si nous améliorons cette base, alors notre fédération ira mieux. Afin d’y parvenir, nous devons notamment nous focaliser sur la digitalisation, qui est un sujet que je connais très bien. Apporter des outils informatiques, numériques et digitaux à tous les échelons est vital.
Autre axe fort : la formation. On doit former l’ensemble des acteurs du judo français. Je pense aux professeurs dans les clubs, aux bénévoles, aux dirigeants de clubs et de comités, et aux arbitres. Nous allons mettre en place un grand nombre de formations à destination de tous ces acteurs. L’objectif, à terme, est de permettre de moderniser notre fédération.
Nous allons également axer notre attention sur le haut niveau puisque nous avons deux éditions des Jeux Olympiques au cours de cette mandature, avec Tokyo 2021 et bien évidemment Paris 2024. Notre objectif sera de faire d’excellents résultats en 2024. Je souhaiterais que le judo soit la première nation pourvoyeuse de médailles pour la France lors de ce rendez-vous. Mais pour cela, il faudra déjà être bon à Tokyo.
Justement, vous avez rencontré les judokas et judokates de l’INSEP dès le mois de décembre. Quel a été votre message ?
Il était important de les rencontrer rapidement. Je souhaitais leur faire passer le message que tout est possible. Nous avons une équipe de France féminine extraordinaire et une équipe de France masculine un peu moins forte, mais qui a du potentiel. Aujourd’hui, il me semble nécessaire de trouver le petit déclic pour que l’équipe de France dans son ensemble soit la plus forte possible. Pour cela, nous allons certainement faire des changements dans l’organisation du staff et de leurs entraînements. Nous allons également faire une étude de la concurrence. L’objectif est tout simplement de mettre nos athlètes dans les meilleures conditions.
« Dès Tokyo, nous pourrons voir si nous sommes sur la bonne voie pour Paris »
Vous parliez de Paris 2024. La génération qui sera capable d’y briller est-elle déjà identifiée et performante ?
Dès Tokyo, nous pourrons voir si nous sommes sur la bonne voie pour Paris. Obtenir des médailles, cela se joue à des détails, mais je pense que nous avons une bonne équipe de France et surtout une très belle génération qui arrive derrière en vue de 2024. C’est donc à nous, fédération, de faire en sorte de mettre nos athlètes dans les meilleures conditions. Si c’est le cas, je suis sûr que nous aurons une très belle équipe en 2024.
Ces judokas et judokates de haut niveau vont-ils également jouer un rôle dans ce projet de modernisation mis en place ?
Bien sûr, avoir des têtes d’affiche est important, à la fois des nouvelles et des anciennes. Cela permet aux enfants de s’identifier, plus on connaît ces têtes d’affiche, plus la perception du judo sera meilleure. Des champions émergent régulièrement et nous espérons donc que ces jeunes prometteurs vont se rapprocher des têtes d’affiche actuelles en termes de palmarès, mais aussi de notoriété vis-à-vis du grand public. Lors de mes échanges avec les judokas et judokates, à l’INSEP, je leur ai d’ailleurs confié qu’il était important qu’ils jouent également un rôle dans la reconquête de nos licenciés. Nous avons besoin de leurs victoires, mais aussi de leur implication au service des territoires.
« Depuis la rentrée, nous estimons la perte à 150 000 licenciés »
Vous parlez des licenciés. Justement, quel impact a eu la Covid-19 sur la Fédération Française de Judo ?
Depuis la rentrée, nous estimons la perte à 150 000 licenciés. Nous avons donc un grand travail devant nous afin de reconquérir ces licenciés. La période liée à la Covid-19 a été très difficile à vivre. Les sports de combat ont été stigmatisés puisque nous avons repris les derniers… Pour les pratiquants, le contexte n’était pas favorable. La perte de 35 % de nos licenciés est donc évidemment le principal élément lié à la Covid-19. Désormais, nous allons devoir aider et soutenir au maximum les clubs. Il faut trouver les bons outils pour les aider en termes de sponsoring, de communication, et de lien entre eux et les licenciés. Nous sommes en train de mettre beaucoup de choses en place, mais forcément, cela prend du temps, d’autant que mon équipe et moi-même ne sommes en place que depuis plusieurs semaines.
Une fois que nous aurons fait ce travail de reconquête, j’estime que nous serons capables d’aller chercher un grand nombre de nouveaux licenciés. Pour cela, la modernisation dont je parlais est essentielle. Des disciplines, à l’image du MMA, sont ultra modernes et attirent les jeunes. Le judo doit s’adapter s’il ne veut pas donner une image de sport vieillot et peu innovant. Le but, à terme, est de redevenir la troisième fédération française en nombre de licenciés. C’est mon objectif.
Quels sont les initiatives et changements majeurs qui attendent le public en 2021 ?
En vue de 2021, nous sommes en train de travailler une nouvelle charte graphique, mais aussi sur une nouvelle organisation de la communication. Je pense notamment à un tour de France qui devrait voir le jour. Il y a beaucoup de projets et d’initiatives qui devraient nous permettre de dynamiser le judo.
Dans quel état d’esprit êtes-vous au moment d’entamer cette année cruciale pour le judo français ?
Avant les élections, je me suis rendu dans 90 départements. J’ai pu voir des acteurs extrêmement motivés et désireux de faire changer les choses, d’innover dans les territoires pour que notre fédération retrouve une vraie dynamique. C’est quelque chose d’essentiel si nous voulons avancer dans le bon sens. Savoir que les territoires nous suivent dans cette volonté de modernité, c’est crucial. Je suis vraiment heureux d’être à la tête de cette fédération et que mon équipe l’ait emporté. Nous avons une équipe incroyable, j’ai rencontré des personnes à la fédération qui sont motivées, professionnelles et compétentes. Je suis un éternel optimiste, je pense que tout est possible si l’on s’en donne les moyens. Nous avons tout en main pour faire de notre travail à la tête de cette fédération une vraie success-story pour les quatre prochaines années.