En cette période de Coupe du Monde, Pascal Mercier, vice-présidente de la Fédération française de rugby en charge de développement du rugby féminin, revient sur les objectifs de la FFR sur ce sujet.
Quelle est la dynamique du rugby féminin français, comment évolue-t-elle ces dernières années ?
Il y a un réel engouement pour le sport féminin en général. La Fédération française de rugby a su prendre le wagon et continue de se développer avec une augmentation importante des effectifs. Nos premiers chiffres évoquent une croissance des licenciées féminine de 38%, ce qui est évidemment exceptionnel. La Coupe du Monde est très suivie avec en moyenne 3 millions de téléspectateurs et on a encore battu un record avec plus de 3,5 millions de téléspectateurs sur TF1 pour le quart de finale contre l’Irlande.
Depuis juin 2024, la progression continue en dépassant les 50 000 licenciées. Le nombre d’équipes engagées en compétitions a, lui aussi, augmenté, on est passé à plus de 600 équipes, nous avons presque 40 nouvelles équipes par an. Concrètement, en l’espace de dix ans, on a multiplié par trois le nombre de pratiquantes.
Que met en place la Fédération Française de Rugby pour consolider cette dynamique ?
Le développement du féminin est un vrai axe stratégique pour la Fédération française de rugby. En l’espace de deux ans, nous avons beaucoup agi pour le développement de la pratique. Le Plan Marshall de 60 M€ permet de moderniser les infrastructures avec un critère de féminisation prioritaire. Je pense aussi aux à des partenariats forts, comme Axa France qui s’est engagé pour le XV féminin et très récemment pour l’Elite 1 en tant que partenaire titre.
Un soutien financier pour tous les clubs qui portent des projets de développement de la pratique féminine est mis en place via le « Label Club engagé ». Je souhaite aussi évoquer l’activitation du plan « Rugby pour Elles », qui nous a permis d’avoir une hausse de 85% de licenciées en quatre ans. Désormais, nous savons qu’il reste encore beaucoup à faire.
L’ambition de la FFR est claire : atteindre 100 000 licenciés. En termes de calendrier, quand espérez-vous atteindre cet objectif ?
L’objectif de 100 000 licenciées est fixé pour 2033. Un Plan d’Orientations Stratégiques a été voté avec des objectifs précis et des actions à mettre en place pour atteindre ces objectifs. Quantitativement, l’objectif est de 70 000 pratiquantes et de 30 000 dirigeantes, entraîneures et arbitres.
Le développement du rugby féminin passe donc aussi par la prise de responsabilités des femmes au sein des clubs ? La dynamique est-elle positive sur ce sujet ?
La loi de mars 2022 impose à chaque fédération d’avoir 50% d’hommes et de femmes au sein du CODIR. En 2028, les ligues régionales devront faire de même. La Fédération française de rugby montre l’exemple sur ce sujet avec une mixité parfaite au COP. Nous avons de plus en plus de femmes qui prennent des responsabilités au sein des clubs, à la présidence des clubs et pas comme secrétaires, comme c’était souvent le cas avant.
Nous sommes convaincus que la mixité est une force pour faire évoluer les structures (clubs, départements, ligues). Cela décoiffe un peu les dirigeants à l’ancienne qui veulent tout faire seuls dans le club, mais c’est indispensable. Avoir des approches différentes, évaluer le projet du club, le faire évoluer, cela passe par une variété de personnes impliquées. Pour renforcer cette dynamique-là, la Fédération française de rugby a obtenu le droit de décliner la formation du CNOSF « Le club des 300 » auprès de ses dirigeantes. En juillet dernier, la première promotion a ainsi vu le jour au sein de la FFR.
La FFR tend à développer les écoles de rugby et leurs antennes. Est-ce un terreau idéal pour le développement de la pratique au féminin ?
Les antennes des écoles de rugby permettent à des jeunes pratiquants, garçons ou filles, de devoir se déplacer moins loin pour pratiquer, donc c’est forcément intéressant. L’environnement du club, l’accueil, l’encadrement sont les clés de la fidélisation de nos pratiquantes. Il faut ouvrir des antennes pour privilégier la proximité, mais tout mettre en œuvre pour que l’environnement donne envie aux joueuses de revenir la semaine d’après.
En matière de haut niveau, l’Elite 1 a grandement évolué depuis peu, avec le passage à une poule unique et une médiatisation renforcée. Quel bilan tirez-vous de ces évolutions ?
Nous sommes très satisfaits de l’évolution du championnat Elite 1. Le passage à la poule unique est une très belle réussite, tant sur le niveau sportif des rencontres que sur la médiatisation. La diffusion des matchs sur Canal + a amené une belle visibilité sur l’élite féminine et a permis à un public plus important de découvrir ce qu’est cette pratique. Nous avons un beau spectacle avec des athlètes qui s’entrainent fort pour être performantes.
Pouvoir jouer dans des stades de Top 14 dans un environnement de haut niveau et devant les caméras est vraiment une belle plus-value pour le sport féminin. Ce travail commun entre la LNR, Canal + et la FFR est très important pour la mise en avant de notre sport pratiqué par des femmes.
Certains clubs ont augmenté les sponsors grâce à ces diffusions. Les clubs d’élite se structurent de mieux en mieux et accompagnent les joueuses dans leur projet de vie en leur facilitant l’accès aux études, aux formations, voire des partenariats avec des entreprises pour avoir des emplois du temps aménagés qui permettent d’avoir un métier et de pouvoir s’entrainer plus.
Le XV de France féminin dispute actuellement la Coupe du Monde. Depuis le début de ce Mondial, quel impact percevez-vous ?
Comme évoqué plus haut, la médiatisation est importante et les audiences sont bonnes avec 3 millions de personnes en moyenne. En Angleterre l’ensemble des matchs de poule à regrouper 7,1 millions de téléspectateurs sur la BBC. Dès la 1ère semaine, c’est 77 millions de vidéos vues dans le monde.
Je parle beaucoup des réseaux de la TV parce que c’est indispensable pour montrer au grand public que le rugby pratiqué par les femmes est un spectacle de qualité avec des jeunes femmes motivées, passionnées et très engagées.
On s’attend à avoir l’arrivée de jeunes filles dans les clubs, il faudra qu’on les accueille bien. La Coupe du Monde peut aussi créer des vocations, Aurélie Groizeleau va siffler un quart de finale de Coupe du Monde avec un parcours atypique qui peut donner envie à des jeunes filles de se lancer dans l’arbitrage. Arbitrer dans un stade devant 40 000 spectateurs doit être une belle émotion. En Angleterre, il y a 19 femmes entraineures impliquées dans les staffs. Cela ne s’est jamais produit avant, là aussi, c’est très positif.
Nous avons aussi, à la FFR, lancé une campagne #SoyonsBleues sur des nouveaux codes pour revendiquer le rugby au féminin. Avec des diffusions dans le métro sur les réseaux sociaux en affichage public…nous avons affirmé que le développement du féminin est une priorité pour nous.
Quels sont les projets futurs que vous souhaitez développer afin de continuer à renforcer le rugby féminin ?
Le premier axe, c’est d’augmenter le nombre de pratiquantes. Cela passe par des formes de pratiques adaptées aux effectifs et aux particularités régionales, je pense par exemple au cross rugby. Il faut aussi donner envie de nous rejoindre dans les clubs. La Coupe du Monde est une énorme opportunité pour montrer aux jeunes filles que c’est possible, qu’elles seront bien accueillies dans les clubs et qu’elles peuvent rêver en grand.
Notre deuxième, c’est d’améliorer la féminisation en recrutant et en développant les compétences. Nous avons la volonté de travailler sur la formation des femmes pour devenir entraineure, l’INEF travaille aussi sur des formations à distance pour s’adapter aux emplois du temps. Il est nécessaire de donner envie aux jeunes de prendre le sifflet. Je prends l’exemple d’un challenge M15F qui va être arbitré par des jeunes filles, on espère développer des vocations.
Enfin, le troisième axe est de rester parmi les meilleures nations du monde et d’aller chercher un titre à 7 ou à XV dans une compétition majeure. Travailler sur la filière avec une détection forte, avoir un suivi très poussé sur les plus gros potentiels, mais aussi permettre à plus de jeunes filles de s’entrainer plus : ce sont des objectifs forts que nous voulons réaliser collectivement.