Après avoir traversé le golfe de Saint-Tropez à la nage et descendu la Vallée Blanche en tandem ski, Tony Moggio (40 ans), tétraplégique suite à un accident de rugby, s’apprête à relever un nouveau défi : parcourir à la seule force de ses bras plus de 700 km en handbike, de Royan à Sète, le long du canal des Deux Mers. Aujourd’hui, devenu conférencier, auteur et sportif accompli, il nous raconte la genèse de ce projet, sa préparation, et le message qu’il souhaite porter.
Du 10 au 25 juin 2026, vous allez parcourir à la seule force de vos bras plus de 700 km en handbike. Comment est née cette idée ?
J’avais fait la mer, j’avais fait la montagne, et je me suis dit que ce serait bien de rester sur terre, de longer un peu le canal du Midi qui est au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Ce défi est très exigeant physiquement et mentalement. Qu’est-ce qui vous pousse à vous surpasser ?
Le jour où on vous dit que vous ne marcherez plus jamais, ça résonne à vie. Cette annonce, je l’entends encore. La motivation, elle vient de là. Elle vient aussi de mes proches, de ma famille, de mon mental. Tout ça me porte au quotidien.
Vous étiez rugbyman avant votre accident. Que représente le fait de continuer à relever des défis sportifs ?
Il y a encore trop de préjugés sur le handicap. Je fais tout ça pour montrer que ce n’est pas parce qu’on est en situation de handicap, qu’on ne peut plus travailler, rigoler ou faire du sport. C’est aussi pour motiver toutes les personnes qui, à un moment donné, se sont retrouvées dans ma situation et qui se disent que c’est terminé, qu’elles ne pourront plus jamais rien faire. Je le fais aussi pour porter un message positif.
Le sport, au-delà de la collectivité, de toutes les belles valeurs, ça réunit et puis ça peut aussi, malgré votre handicap, vous donner des ailes. Avant tout aussi, je le fais aussi pour moi, ça me permet d’exister, de retrouver la petite partie de moi que je croyais morte quand on m’a annoncé que plus jamais je ne me remarcherai plus. Et puis ça me fait tellement de bien de pouvoir me dépasser aussi, que ce soit physiquement ou même mentalement.
Comment vous préparez-vous à parcourir en moyenne 54 km par jour à la force des bras ?
C’est la première fois que je me lance sur plusieurs jours. Il y a une grosse préparation, car c’est compliqué de se préparer quand vous êtes valide, alors imaginez quand vous avez un handicap comme le mien. Donc il faut faire attention à bien s’entraîner, mais ne pas se surentraîner non plus, car les blessures ne guérissent pas de la même manière. Je fais beaucoup de natation, de boxe pour le cardio, de renforcement musculaire et du vélo à bras.
J’ai des coachs pour chaque discipline, un préparateur mental et un suivi diététique pour m’affiner. Le jour J, on sera cinq dans l’équipe : deux pour la partie handicap, deux pour la logistique et moi sur le handbike.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Mon handbike est très lourd à cause des adaptations nécessaires à mon handicap. Il faut une assise confortable, parce que je vais y passer plusieurs heures par jour. Je pense que je n’hésiterai pas à utiliser un peu d’assistance dans les passages difficiles, pour m’alléger. Mais, même avec l’assistance, il faudra quand même pédaler, en sachant que mon handicap est de plus de 80%, je n’ai pas de triceps.
Ce défi, c’est aussi l’occasion de parler d’accessibilité : certains tronçons du canal restent compliqués. Je ferai remonter mes observations aux communes traversées.
Quels sont les lieux qui vous tiennent le plus à cœur ?
Toulouse, bien sûr, ma ville. Le canal du Midi me tient à cœur parce que je suis originaire d’ici, de la région Occitanie, parce qu’il y a ma famille aussi à Béziers, des amis à Sète. Et puis toutes les villes étapes, parce que j’aurai l’occasion de rencontrer ceux qui me suivent sur les réseaux.
Comment le public pourra-t-il vous suivre ?
Les gens pourront venir me voir au départ et à l’arrivée de chaque étape et le long du canal des deux mers. Les plus courageux pourront même m’accompagner sur les premiers kilomètres. Tout sera indiqué sur mes réseaux sociaux.
Avec le recul, que ressentez-vous en voyant le chemin parcouru depuis votre accident ?
Je me dis aujourd’hui, tu fais des défis qui sont quand même incroyables, enfin j’espère qu’ils le sont, mais en tout cas, qui sensibilisent beaucoup, qui apportent beaucoup d’amour, beaucoup de solidarité et je suis assez fier de tout ça. Quand je reçois des messages de personnes qui me disent que mes défis leur redonnent envie de faire du sport, que ça les aide, c’est une vraie fierté. Je reçois aussi des messages un peu plus sombres, avec des appels à l’aide et pour ces messages, ça me donne la force de montrer qu’on peut être touché par la vie très violemment et qu’on peut se relever très vaillamment.
Et pour la suite ?
Peut-être un prochain ouvrage. En général je fais un livre, un défi ou l’inverse. Donc peut-être un livre, pour me donner une période de repos et consacrer du temps à ma famille. Après, j’ai d’autres idées de défis derrière la tête, mais là je reste focus sur mon défi actuel, il va être très dur, il va se tenir au mental. Ça, c’est une certitude parce qu’à un moment donné, les bras ne pourront plus.
J’aime bien parce que vous savez, souvent mon handicap m’impose des limites, mais il ne m’empêche pas de les dépasser. Donc, qu’il continue à me poser des limites et moi je vais continuer à les surpasser, à me sentir bien vivant, bien ancré ici et à contredire un peu toutes les personnes qui pensaient qu’en étant handicapé, on n’est plus capable de faire grand chose.
























