Président de la Fédération française de pétanque et de jeu provençal, Michel Le Bot se confie après l’accueil, au Boulodrome du Douaisis, des championnats du monde féminins de pétanque.
Quel est votre bilan de l’organisation des championnats du monde féminins au Boulodrome du Douaisis ?
Je suis ravi. Les retours que j’ai eus de la part de ceux qui ont regardé le championnat du monde sur la chaîne YouTube de la Fédération française de pétanque et de jeu provençal sont très positifs. Le spectacle et la qualité de la réalisation ont été très appréciés. Sur place, les délégations présentes ont toutes reconnu la qualité de notre travail. C’est simplement le deuxième championnat du monde organisé par la FFPJP avec ses propres équipes. Avant, ce n’était pas le cas.
Tout le monde s’est mobilisé dans le même sens : les équipes de la fédération, les équipes de Douaisis Agglo, ainsi que les bénévoles présents afin de mettre en œuvre cette belle manifestation. Il y a eu une très belle osmose entre tout le monde pour avoir ce rendu de qualité qui donne une très belle image à notre discipline sportive et à la pétanque féminine.
Concernant l’affluence, je trouve dommage que les femmes ne bénéficient pas d’autant de considération que les hommes. Elles méritent, car leur qualité n’a rien à envier à celle des hommes. Elles méritent d’être regardées et d’être vues. Malheureusement, la pétanque n’échappe pas au fait que les mentalités restent encore très braquées sur les hommes. C’est le cas en pétanque, mais aussi dans d’autres sports. De notre côté, au sein de la Fédération, nous avons souhaité mettre les mêmes moyens lors de ce championnat du monde qu’il y a un an à Dijon pour les hommes.
« Le niveau de l’équipe de France ne baisse pas »
En termes d’affluence, ce qui a peut-être manqué, c’est le fait de ne pas avoir d’équipe de France en lice lors de l’ultime journée…
Évidemment, ça joue. Mais je trouve que pour les finales, les tribunes étaient bien remplies. Nous avions entre 1200 et 1300 personnes présentes. Si nous avions eu la chance d’avoir une équipe de France en demi-finale, ça aurait amené encore plus de monde. Cela n’a pas été le cas, c’est un championnat du monde où nous avons pu mesurer l’écart qui existe entre les nations asiatiques et les nations européennes.
Justement, parlons des équipes de France, qui se sont arrêtées en 8es et en quart de finale. Ces performances sont-elles seulement dues à la domination des nations asiatiques ? Ou des changements doivent-ils être apportés concernant ces équipes de France ?
Je vais être très clair : le niveau de l’équipe de France ne baisse pas, c’est le niveau des autres qui augmente. Les nations asiatiques ont réussi à développer une rigueur et une philosophie qui fait leur force. Je peux témoigner des difficultés que l’on rencontre lorsque l’on souhaite amener de la rigueur. Pour la plupart des sportifs, la rigueur, c’est chiant. Or, la rigueur, c’est l’entraînement, la récupération, et surtout la prise de conscience que le talent ne suffit pas. Il faut bosser, jouer et s’entraîner.
Au niveau de l’équipe de France, on a mis en place un cadre, avec des références, pour que chacun prenne conscience qu’il a un rôle à jouer dans le système mis en place. Cela demande une prise de conscience et une rigueur pour que ce système fonctionne. On a commencé ce chemin basé sur la rigueur, il faut le continuer. On est sur la bonne voie, mais il est certain que les fruits, on ne les cueille pas tout de suite.
Ce chemin basé sur la rigueur va-t-il continuer avec les mêmes sélectionneurs pour les différentes équipes de France ?
Pourquoi je changerai ? Dans ce cas-là, pourquoi ne pas changer directement le président de la Fédération ? Dans les autres sports, quand Didier Deschamps ne gagne pas la Coupe du Monde, quand Fabien Galthié ne remporte pas la Coupe du Monde de rugby, on les met à la poubelle ? Non ! On donne du temps au temps.
« Un National, ça ne se brade pas, ça ne se partage pas »
Malgré tout, des changements sont-ils prévus pour 2026 ? Notamment le fait de voir des joueurs et joueuses des équipes de France évoluer ensemble beaucoup plus souvent tout au long de l’année ?
Cela fait en effet partie des pistes de réflexion. À condition, bien sûr, que les Nationaux soient des compétitions qui se jouent jusqu’au bout. Un National, ça ne se brade pas, ça ne se partage pas. Ça se joue. Et là, on entre dans un sujet qui demande une prise de conscience de l’ensemble du monde de la pétanque, pas simplement de la Fédération. Quel est l’intérêt de jouer ensemble dans une compétition où les arrangements, les intimidations et les pressions sont à la mode ?
C’est donc le monde de la pétanque qui doit évoluer pour permettre aux équipes de France de progresser ?
La pétanque est un sport, ce n’est pas un loisir. Or, c’est quelque chose contre lequel on doit toujours se battre aujourd’hui. Cette image de loisir fait du mal à notre sport. Les dirigeants doivent prendre conscience que quand ils organisent une manifestation, ils organisent une manifestation sportive. Ils n’organisent pas une kermesse. Quand les joueurs viennent sur une compétition, ils ne viennent pas sur une kermesse, ils viennent sur une compétition sportive.
On est habitué à avoir des schémas dans notre tête, à dire que la pétanque est belle, car n’importe qui peut battre des champions. Dans quel autre sport est-ce le cas ? Aucun, on est le seul avec cette mentalité-là. Et quand on n’arrive pas à battre des champions, on est prêt à utiliser des moyens qui ne sont pas des moyens sportifs. Commençons d’abord par une introspection. Moi, ça fait quatre ans que je suis président de la Fédération, ça fait quatre ans que je me bats pour mettre la pétanque à la place où elle est dans le concert des grandes nations sportives.
Cette prise de conscience, elle doit être faite par les présidents de clubs, les dirigeants de comités départementaux et régionaux, les joueurs et les licenciés. Tout le monde doit prendre sa part là-dedans. Évidemment, c’est toujours plus facile de dire que c’est la faute du président de la Fédération. Aujourd’hui, il y a un chemin qui se construit.
C’est un chemin douloureux, ce n’est pas un long fleuve tranquille. Surtout avec les réseaux sociaux, quand on voit la capacité qu’ont certaines personnes à trouver des solutions simplistes, assises sur leur canapé. Moi, je ne suis pas assis sur mon canapé, les sélectionneurs de l’équipe de France ne sont pas assis sur leur canapé. Les joueuses et les joueurs de l’équipe de France non plus. Ils doivent défier des nations qui ont compris l’importance de la pétanque dans le concert sportif mondial.
« C’est un long chemin, il va falloir évidemment beaucoup de patience »
Aujourd’hui, il faut donc prendre conscience que ces nations vont continuer à dominer et que pour la France, il va falloir être patient ?
C’est un long chemin, où il va falloir évidemment beaucoup de patience. Ce chemin, il se fera en une fraction de seconde, en 10 ans, en 50 ans ou peut-être jamais. Tout va dépendre de la volonté des gens de vouloir accepter que la pétanque a évolué et qu’elle évolue sans cesse. Je vais vous le dire très honnêtement, des joueurs français de très haut niveau, j’en ai. Des joueuses de très haut niveau, j’en ai. Mais aujourd’hui, ils sont confrontés à des athlètes qui s’entraînent, qui se préparent, qui se fixent des échéances. Et ces échéances, ce n’est pas le National du coin, ce sont des championnats du monde.
Ces pays se préparent pour ça et ils ne sont pas là pour rigoler. Il y a une vraie prise de conscience à avoir à ce niveau-là, une exigence qui doit devenir la norme. Si je vais chercher des entraîneurs, des sélectionneurs ou des directeurs techniques nationaux dans d’autres sports que la pétanque, c’est parce que ça fait longtemps que ces autres disciplines ont intégré cette exigence.
Cette exigence, peut-elle être incarnée par les anciens champions, à l’image d’Angélique Colombet et Philippe Quintais ? Ces anciens champions peuvent-ils avoir un rôle à jouer auprès des équipes de France ?
Anciens champions ou pas, je vais peut-être chercher à avoir des conseils de personnes qui savent ce qu’est la pétanque de haut niveau. Il n’y a pas beaucoup de sports où une demi-heure après avoir arraché sa qualification pour les quarts de finale, on doit disputer ce quart de finale pour espérer décrocher une médaille. Je ne m’interdis pas, pour épauler les sélectionneurs actuels, en lien avec la direction technique nationale, de solliciter des gens dont je pense qu’ils ont la capacité d’apporter des éléments positifs à la structure que je suis en train de mettre en place. Cela pourrait permettre de faire un pas plus grand en pas.
D’ailleurs, en parlant de pas en avant pour la pétanque, en décembre prochain, au siège du Comité national olympique et sportif français, il va y avoir la Soirée des champions. Pour la première fois, un joueur de pétanque français va se voir remettre le trophée des gloires du sport. Cette personne, c’est Philippe Quintais. C’est une reconnaissance unique de la part du CNOSF. En quatre ans, j’aurais réussi à faire qu’un sportif de la pétanque soit représenté parmi les gloires du sport, au milieu des champions olympiques. C’est un pas en avant, à nous d’en faire d’autres, tous ensemble.
