Élu en charge de la valorisation du bénévolat au sein de la Fédération française de rugby, Joël Tomakplekonou se confie sur la situation actuelle du bénévolat au sein du rugby français.
Quelle est la situation actuelle du bénévolat au sein du rugby français ?
On compte environ entre 50 000 et 60 000 bénévoles dans le monde du rugby français. Je parle de bénévoles, mais aussi non reconnus, c’est-à-dire qu’il y a des gens qui viennent donner un coup de main ponctuel, et d’autres qui sont installés dans les clubs depuis des années, voire des décennies. Le chiffre global est plutôt bon, mais on sent malgré tout qu’on fait face à un vieillissement de cette population et qu’il n’y a pas de réel renouveau. De nouvelles populations ne s’engagent pas forcément, car le monde a changé et les habitudes ont changé. On fait face à un changement de mentalité globale. Les gens veulent bien donner un coup de main, mais ne s’attachent pas.
Aujourd’hui, on a la chance, grâce aux valeurs qu’on porte dans le rugby, de conserver un socle important de bénévoles. Mais clairement, on recrute de moins en moins. C’est l’un des grands chantiers concernant le bénévolat, il est nécessaire de travailler sur notre recrutement, notre communication, mais aussi de fidéliser et former les nouveaux bénévoles qui ont besoin de reconnaissance et de valorisation.
Justement, que met en place la Fédération française de rugby pour accompagner les bénévoles ?
La FFR fait partie des premières fédérations à valoriser, même si ce n’est pas encore suffisant, l’engagement de ses bénévoles. Cette valorisation intervient lors de plusieurs événements majeurs, mais je considère que nous pouvons aller plus loin. Nous devons communiquer beaucoup plus sur ce que le bénévolat peut apporter à l’humain, aux femmes et aux hommes qui s’engagent. Concernant la valorisation, elle prend beaucoup de formes. Une valorisation qui se traduit par une médaille, c’est sympa, mais ça ne suffit pas.
Aller plus loin sur ce sujet, c’est ce que nous sommes en train de porter au sein de la Fédération française de rugby. Je suis en train de constituer un groupe de travail avec d’autres fédérations pour que nous puissions porter une parole forte sur l’importance du bénévolat, qu’on permette à ces gens-là qui s’engagent de pouvoir bénéficier d’un temps pour aller se former, qui n’empiète pas sur leur temps de travail.
Comment aller plus loin ? Dans le passé, beaucoup d’associations étaient montrées au créneau pour que des points de retraite soient donnés. Ces propositions ont été rapidement retoquées par le gouvernement. Je pense que l’actualité exclue définitivement cette solution, car c’est très dur à financer. Mais on peut trouver d’autres idées. Celui qui est engagé dans un club quasiment à temps plein pourrait bénéficier d’une formation supplémentaire, celui qui est trésorier du club pourrait solliciter une formation supplémentaire sur la comptabilité, etc. Il y a beaucoup de pistes de réflexion à développer.
Je suis en train de travailler avec France Bénévolat, mais aussi avec la Fédération française de Basketball, la Fédération française de handball et la Fédération française de judo sur ce sujet. Ce sont des acteurs qui ont les mêmes valeurs que nous. Ensemble, on peut plaider la cause du bénévolat sportif auprès du Ministère des Sports.
Ce que met en place la FFR sur le sujet fonctionne-t-il ? La moyenne d’âge des bénévoles parvient-elle à baisser ?
Au sein des clubs, il y a un mélange intergénérationnel qui est extraordinaire. Mais ce sont très souvent les plus anciens qui sont à la tâche. Les jeunes ne s’engagent pas durablement. Comment les recruter, les accueillir et les valoriser ? Notre travail porte sur ces trois notions essentielles. La plus grande difficulté, c’est la fidélisation. Pour les fidéliser, il faudrait que chaque club puisse avoir un bénévole référent qui soit capable de les accompagner. De notre côté, en tant que fédération, il faut que l’on arrive à structurer cela et à accompagner les clubs qui innovent. Il y a beaucoup de clubs qui ont de très bonnes structures, il faut s’inspirer de ce qu’ils font.
Le rugby entend développer son nombre de licenciés, notamment avec une pratique féminine en plein essor. Mais sans développement du bénévolat, cet essor est-il possible ?
Au sein d’un club de rugby, le socle essentiel ce sont les bénévoles. Développer le rugby et développer le nombre de bénévoles, ça va ensemble. Ce sont les bénévoles qui font vivre le rugby amateur partout en France. La Fédération française de rugby en est consciente, s’il n’y a pas de bénévoles, il n’y a pas de rugby. Aujourd’hui, de nombreux clubs ont su se moderniser et se structurer, mais la très grande majorité des clubs vivement essentiellement de l’engagement bénévole.
Pour mettre à l’honneur cet engagement bénévole, quels sont les temps forts développés par la Fédération française de rugby ?
Nous avons créé le Prix du Bénévolat, c’est un événement qui nous tient énormément à cœur. Une fois par an, les Ligues nous font remonter des noms. Ces bénévoles choisis pour leur engagement sont reçus à Paris pour assister à un match du XV de France et bénéficier de la remise du prix par le président de la fédération. La remise du prix se fait à Marcoussis, puis ils vont au Stade de France assister à la rencontre du XV de France. À la mi-temps, ils descendent tous sur la pelouse et sont applaudis par l’ensemble du stade. Pour eux, c’est un moment très fort. Ce Prix du Bénévolat existe depuis de nombreuses années et est très apprécié par les bénévoles.
Nous avons aussi le challenge Rugby Passion. C’est un challenge qui permet à toutes les catégories amateurs de désigner, au sein de leur poule, le club qui l’a le mieux accueilli. De notre côté, on prend toutes ces informations et cela nous permet de désigner les clubs qui ont le mieux accueilli leurs adversaires au cours de la saison. On fini par désigner un vainqueur national que l’on remercie à Paris lors d’un week-end sur Paris comprenant un match du XV de France. Ce challenge Rugby Passion nous permet de remercier les clubs, mais à travers ces clubs, ce sont les bénévoles que l’on vise.
Le 5 décembre, lors de la Journée internationale du bénévolat, nous envoyons dans tous les clubs, soit un total de 2000 clubs, une médaille. Le président de chaque club remet alors cette médaille à un bénévole qu’il aura choisi et qu’il aura désigné comme le plus méritant. C’est un clin d’œil fort en faveur de ceux qui s’engagent pour le rugby.