Snowboard – Julia Pereira De Sousa : « Je suis un peu perdue »

PARK CITY,UTAH,USA, 31.JAN.19 - SNOWBOARDING - FIS Freestyle Ski and Snowboard World Championships, Snowboard Cross, qualification. Image shows Julia Pereira de Sousa Mabileau (FRA). Photo : Gepa / Icon Sport

Médaillée olympique à seulement 16 ans, Julia Pereira De Sousa est l’une des chefs de file de l’équipe de France de snowboard cross. Et si l’année post-olympique a été difficile, cette passionnée est bien décidée à retrouver le chemin des podiums après une préparation physique optimale cet été. Entretien rafraîchissant avec une athlète qui garde la tête sur les épaules.

 
Julia, quel bilan faites-vous de la saison dernière ?
Ce n’était pas une super saison. Après les Jeux olympiques, je n’étais pas au top de ma forme, j’ai eu une mononucléose. J’avais vraiment envie de bien faire, de montrer que les Jeux ce n’était pas le coup d’une seule course et que j’étais régulière. C’est loupé. J’étais vraiment au plus bas, ça m’a mis un vrai coup au moral aussi. Donc ce n’est pas un très, très bon bilan, même si je reste 16e du classement général de la Coupe du monde en ayant fait une saison vraiment nulle. Je me dis qu’en étant là, présente et motivée, avec la bonne préparation physique que j’ai faite cet été, il y a tout pour que ça se passe bien. On verra !
 
La préparation s’est donc bien passée ?
Tout s’est bien passé. Sur le premier stage neige, je suis tombée et ça m’a fait louper un stage, mais rien de grave. Je suis en pleine forme. La préparation physique s’est super bien passée, vraiment. Je suis prête !
 

« Ça reste le plus beau jour de ma vie »

 
L’hiver dernier, il y a eu la maladie et il a aussi fallu digérer cette médaille olympique…
Digérer la médaille, ça a été compliqué. Je ne m’y attendais pas et c’est vrai qu’il y a eu beaucoup de facteurs qui ont fait que ça m’a un peu perturbée. Mais ça reste le plus beau jour de ma vie. Ça m’a perturbée, mais c’est quand même « ouf » comme sensation. Il y avait un peu un mélange de tout.
 
Est-ce que cela a été facile de retourner dans un « anonymat » relatif après les Jeux ?
Franchement, je ne me suis même pas occupée de ça, je suis vraiment restée concentrée sur moi. Parce que, sur le coup, je n’étais pas bien. Je n’étais pas en forme avec la maladie. Je n’étais vraiment pas bien, donc j’étais vraiment « focus » sur moi et pas sur ce qui se passait autour. Ce que je sais, c’est que je ressors grandie de cette expérience et que les prochains Jeux et les prochaines saisons, ça ira vraiment bien, parce que je sais à quoi m’attendre. Je sais comment j’ai réagi à de gros événements, à des victoires. Je suis un peu plus préparée.
 
Quels seront les objectifs cette saison ?
Je vais me mettre les mêmes objectifs que j’avais pour la saison des Jeux. Avec l’année dernière, je ne sais pas du tout où je vais. Le « down » de l’année dernière m’a perturbée, plus le changement physique dû à la préparation de cet été. Je ne sais pas du tout où je mets les pieds, c’est vraiment bizarre comme sensation. Du coup, je reste sur l’objectif de viser un Top 10 sur toutes les courses, de me rapprocher le plus des plus fortes. Après, s’il y a podium, c’est bien. J’y verrai plus clair après quelques courses. Pour l’instant, je suis un peu perdue, mais ce qui est sûr, c’est que, comme toutes les saisons, je donnerai le maximum.
 

« Me rapprocher un peu de la maison, une priorité »

 
Quel est ce changement physique dont vous parlez ?
J’ai pris du poids, parce que j’ai pris du muscle. Quand tu es petite, on te retient un peu au niveau de la préparation physique, tes muscles ne sont pas forcément prêts à encaisser tout ce que l’on encaisse pendant une préparation. J’avais aussi des petits soucis de dos, donc il y avait plein de trucs qui faisaient que parfois, on ne me laissait pas complètement libre sur la préparation physique. Cet été, c’est la première fois que je fais vraiment la préparation comme je dois la faire. Si je suis capable de soulever tant de kilos, je soulève tant de kilos. Si je suis capable de faire plus, je fais plus. Vraiment, on ne m’a pas freinée, j’ai pu m’exprimer complètement.
 
Et vous avez pu ressentir des sensations différentes à l’entraînement ?
C’était compliqué parce que le premier stage que j’ai fait était à Saas-Fee (en Suisse) et c’est un peu particulier. C’est bien parce qu’il y a un boarder qui se rapproche vraiment de ce qu’on a en Coupe du monde. C’est super bien pour s’entraîner. Mais commencer par un stage comme ça c’était un peu compliqué. Avec le Bac, j’avais raté les premiers stages de juin. Je ne suis pas allée aux Deux Alpes, je n’ai pas eu le temps de retrouver les sensations. Après avril, je ne suis retournée sur la neige qu’en septembre, donc ça m’a fait un peu bizarre. Je ne me suis pas trop concentrée sur ce que ça pouvait me procurer comme sensations au niveau de mon changement physique. On verra comment ça se passera lors des prochains stages. Mais, je pense que ça peut le faire.
 
Vous continuez donc les études en parallèle du snowboard…
Oui, je fais encore des études. Je suis encore dans le bac déjà. Je n’avais qu’une épreuve de Bac cette année parce que je le fais en quatre ans au lieu de trois. Là, j’ai quitté Albertville pour faire ma dernière année, que je fais au CNED. C’est dû aussi à ma saison dernière, j’ai fait des choix pour apaiser un peu ma tête. Me rapprocher un peu de la maison, c’était une des priorités. Après, le Bac, je n’arrête pas les études, je continue. J’ai plusieurs options. Soit je vais à l’IUT en commerce, soit je vais à SKEMA, une école de commerce réputée. Je ne sais pas encore.
 
N’est-ce pas trop compliqué de penser études et sport de haut niveau ?
Clairement, ce n’est pas facile du tout. Le problème, c’est que je vois tellement de sportifs qui arrêtent leur carrière à cause de blessures, de plein de choses… L’année dernière, ça m’a aussi fait prendre conscience de ça, et en fait, c’est pour assurer un peu mon avenir. Je n’ai pas envie de ne rien faire et de me retrouver après le snow, avec nulle part où aller. Je préfère avoir un petit joker dans la poche. Après, dans l’idéal, j’aimerais vivre de mon sport. Et même après le sport, rester dans les médias, dans ce milieu-là. Au final, même si ça m’a un peu fait bizarre après les Jeux, ça me plait !
 

« A moi de faire changer les choses ! »

 
C’est difficile aujourd’hui de vivre de votre sport ?
En snowboard, c’est très compliqué. Grâce à L’Equipe 21, on est un peu plus médiatisé, mais ce n’est pas non plus la folie. Ils n’ont pas les droits d’image en Suisse et en Autriche, ce sont les deux plus grosses courses. C’est un peu embêtant, mais bon… C’est compliqué, les salaires, ce n’est pas le top. En fait, tu peux vivre de ton sport si tu es vraiment champion et que tu gagnes tout le temps. C’est l’objectif, mais je reste persuadée qu’il faut faire beaucoup de choses à côté pour que ça marche. Il faut être multifonctions. C’est pour ça que continuer l’école en même temps que le sport, ça ne fait pas plus de mal que ça. Si après mes études je suis amenée à faire d’autres choses en parallèle, au moins je serai habituée et je ne serai pas perturbée avec plein de choses dans la tête.
 
La recherche de partenaires privés pour débloquer des fonds supplémentaires, ça fait partie du métier ?
Oui, ça fait partie de mon job. J’avais pensé à prendre un agent après les Jeux, mais c’est compliqué. C’est vrai que c’est dur de trouver quelqu’un qui te plait, en qui tu peux avoir confiance. Donc je gère tout, toute seule. Mon copain m’aide beaucoup pour les sponsors. C’est moi qui gère mon compte Instagram. Vivre de mon sport, j’aimerais vraiment. Avoir de plus en plus de sponsors, j’aimerais vraiment aussi. C’est pour ça que j’essaye de travailler sur mon image en dehors, mais c’est compliqué parce que le snowboard cross n’est pas une discipline qui attire facilement quelqu’un.
 
C’est difficile dans beaucoup de sports en ce moment…
Le ski, c’est déjà un peu différent. Si on part là-dessus, les partenaires de la fédération des skieurs et ceux de la fédération des snowboardeurs, ce ne sont pas du tout les mêmes. On n’est pas du tout au même niveau. Ce n’est pas grave, c’est la vie. C’est à nous de faire changer les choses. A moi de faire changer les choses !
 
L’ambiance dans l’équipe est-elle bonne ?
Oui, elle est bonne. Après, c’est un peu compliqué, comme dans tous les sports individuels. On est ensemble, on vit ensemble au quotidien, mais on est en rivalité tous les jours. Forcément, il y a un petit contraste. Mais après, ça se passe bien, ce sont des filles géniales et je suis très contente d’être dans cette équipe.

Propos recueillis par Simon Bardet