Perrine Laffont : « Avoir tout gagné, c’est quelque chose de beau »

Cet hiver, Perrine Laffont a décroché le seul titre qui manquait à son palmarès, celui de championne du monde de ski de bosses dans la catégorie Single. A seulement 22 ans, l’athlète tricolore empile les succès, en témoigne son nouveau Globe de Cristal remporté sur la Coupe du monde. Entretien avec l’un des plus beaux palmarès du sport français.

 
Perrine, j’imagine que le bilan de cette saison particulière est très positif, avec un Globe et le titre mondial
C’est sûr que c’est un bilan très positif, je suis très contente. Le gros objectif de la saison, c’était la médaille d’or aux championnats du monde. C’est chose faite. Le Globe, c’est la cerise sur le gâteau.
 
Comment avez-vous vécu cet hiver, en pleine crise sanitaire, sans public, avec de nombreuses restrictions ?
C’est vrai que cela n’a pas été facile, ça a même laissé un petit goût bizarre sur la saison. Mine de rien, on n’a pas fait beaucoup de compétitions, on n’en a fait que 7 alors qu’on en avait presque 15 sur le calendrier au départ. On a fait à peine la moitié des étapes de Coupe du monde, donc on a l’impression qu’on a passé l’hiver à s’entraîner plus qu’autre chose. Finalement, on a eu beaucoup d’entraînements, l’hiver est passé vite, et on a l’impression de ne pas avoir fait grand-chose, c’est ça qui est bizarre. Cette crise sanitaire a mis une atmosphère étrange sur la Coupe du monde, tout le monde s’évitait un peu, on était tous cloîtrés dans nos chambres. On s’est un peu coupé du monde en évitant de sortir et de voir des gens. Là, ça fait du bien de retrouver une vie un peu plus normale.
 
Vous devez être soulagée de pouvoir retrouver vos proches…
C’est exactement ça. Du coup, là, je retourne voir mon frère que je n’ai pas vu depuis septembre. J’ai hâte !
 

« Quand la saison se termine, c’est toujours la course ! »

 
La crise sanitaire n’a pas été trop embêtante pour vous concernant vos partenaires ?
J’ai eu de la chance, tous mes partenaires ont continué à me suivre. Pour certains, il y a eu des baisses de budget, ce qui est normal avec la crise sanitaire. J’ai aussi eu la chance de signer un nouveau contrat avec EDF, c’est vrai qu’ils n’ont pas trop été impactés par la crise. C’est une chance d’avoir pu continuer à compter sur mes partenaires, même en temps de crise.
 
A quoi ressemblent les vacances d’une championne de 22 ans ? Avez-vous vraiment le temps de vous reposer, avec vos études en marketing en parallèle ?
Pour moi, quand la saison se termine, c’est toujours la course ! Il y a les rendez-vous avec les partenaires, les tournées médias. J’ai pas mal de choses à faire concernant la partie un peu plus « business » du ski. Et après, il y a l’école, mais je pense qu’on ne va pas beaucoup en voir la couleur cette année encore, étant donné que c’est l’université et que nous ne sommes pas prioritaires pour retourner en classe. Je pense que ça va encore être en distanciel, et je rattaque début avril.
 
Le côté business ne doit pas être simple à gérer, surtout quand on arrive si jeune sur la Coupe du monde…
Au début, c’est vraiment le flou. On apprend un peu sur le terrain, et j’ai eu la chance de connaître d’autres athlètes qui étaient passés par là. Il y a notamment Guilbaut Colas, qui m’a beaucoup aidée dans la gestion des partenaires. J’étais accompagnée de ma mère, on apprenait sur le terrain et on se faisait la patte petit à petit. Ensuite, j’ai appris à me structurer, maintenant j’ai une avocate qui gère mes partenaires avec moi, j’ai un attaché de presse, donc pour moi les choses sont plus simples. Ils m’aident à gérer tout ça.
 
Vous évoquez votre maman, qui vous accompagnait sur la Coupe du monde à vos débuts. Elle a dit au Parisien que vous lui rappeliez Martin Fourcade, par votre capacité à poser les choses et par votre force mentale…
C’est vrai qu’il y a des similitudes, et nous venons tous les deux des Pyrénées.
 

Même au niveau des partenaires, il y a des points communs…
C’est vrai qu’il y a même la MGEN !
 
Avez-vous déjà pu échanger avec lui ?
Avec Martin, oui, je le connais un peu. Je l’ai croisé à plusieurs reprises.
 

« J’ai toujours été très bien entourée »

 
A 22 ans, avec ce titre mondial en Single, vous avez désormais tout gagné. Est-ce que vous vous rendez compte de l’exploit que ça représente ?
Je ne pense pas m’en rendre compte. J’ai la tête dans guidon, dès que j’ai fini quelque chose, je passe à autre chose. Quand j’atteins un objectif en sport, je pense déjà à l’après. Je pense que c’est pour ça que je ne me rends pas trop compte. C’est quand je serai à la fin de ma carrière et que je ferai le bilan que je réaliserais.
 
Ne craignez-vous pas de voir arriver une lassitude psychologique, une envie moindre de gagner à force d’empiler les succès ?
Peut-être que ça arrivera un jour. Mais il y a la passion du ski qui est là. Il n’y a pas que les victoires et les résultats, il y a aussi l’amour du ski, les voyages. Je pense que ça va aider à ne pas se lasser. Quand je me lasserai, ce sera le temps d’arrêter. J’ai une préparatrice mentale qui m’aide à gérer tout ça, avec laquelle je discute beaucoup.
 
Cela vous a aidé après votre médaille d’or aux Jeux Olympiques de 2018…
C’est vrai qu’en 2019, j’ai connu une petite lassitude. On avait beaucoup échangé avec ma préparatrice mentale, j’ai beaucoup parlé avec mon staff aussi. Et finalement, je suis bien repartie.
 
La saison prochaine, un bel objectif arrive avec les Jeux de Pékin…
C’est clair, ça va être un bel événement et j’ai hâte d’y être. Je vais prendre le temps de me reposer et de digérer la saison, et après, on pensera à la suite.
 
Tous les espoirs français reposent sur vous côté féminin. Qu’est-ce qui explique cela ?
Je ne sais pas. Me concernant, j’ai toujours été très bien entourée, j’ai rencontré les bonnes personnes au bon moment. C’est peut-être ce qui a fait que ça a bien marché pour moi.
 
Vous côtoyez l’équipe de France masculine de ski de bosses ?
On est tout le temps ensemble avec les garçons, nous sommes dans le même groupe. On se motive mutuellement, et c’est bien pour nous de pouvoir nous entraîner avec les garçons.
 
En Single, vous êtes invaincue depuis mars 2019 en Coupe du monde. Faites-vous attention à ce genre de statistiques ?
Oui, ça m’intéresse, c’est toujours un bon challenge. Donc je les regarde un petit peu quand même. D’avoir tout atteint aujourd’hui dans le ski, c’est déjà quelque chose de beau. Je pense que je vais prendre le temps de profiter de ça, car ça n’arrive pas tout le temps. Et on verra un peu plus tard pour se fixer d’autres objectifs.
 
Avec votre palmarès, est-ce que l’on peut vous imaginer porte-drapeau de la délégation olympique française lors des prochains Jeux Olympiques ?
Clairement, j’aimerais l’être, ça serait énorme ! C’est vrai que ça pourrait le faire avec mon palmarès, mais ça va aussi un peu dépendre des autres.
 

Simon Bardet