Mélissa Gal : « Au début, je me battais avec mes skis »

Icon Sport

La jeune fondeuse haut-savoyarde (22 ans) vient d’enchaîner les JO de Pékin, avec à la clé une 10e place au team sprint avec sa partenaire Léna Quintin, puis une médaille d’argent en relais aux Mondiaux U23 en Norvège. Et dire que, issue d’une famille de footeux, elle a commencé la discipline sans savoir skier.

Mélissa, on imagine que vous êtes rentrée de Norvège où se déroulaient les Mondiaux avec le sourire…
Ah oui (rire). Remporter une médaille en relais, c’était un objectif, surtout que nous avons fini 4es l’an dernier. Nous avions donc à cœur de revanche même si ce n’était pas la même équipe qui était alignée. On a réussi à tous élever notre niveau, c’est une performance collective partagée avec donc beaucoup d’émotion. Pour moi, c’est un accomplissement puisque c’était ma dernière course dans cette catégorie. Cela vient souligner ma performance individuelle dans le classique : j’ai pris la 7e place mais à une quinzaine de secondes du podium et 30 secondes de la première. Sur 29 minutes de course en tout (10 km), c’était très serré. C’était l’une de mes plus belles courses.

Le grand public vous a découverte tout sourire à Pékin. Vous semblez être animée d’une joie de vivre permanente.
Je suis comme ça, je suis joyeuse. Voir le bon côté des choses peut être un point fort dans notre sport qui demande persévérance et exigence. J’essaie de ne pas me faire submerger par l’événement, et c’est ce que j’ai réussi par mon côté joyeux.

Vous parlez de l’enchaînement JO-Mondiaux U23 ?
Oui car je n’avais pas de pression pour les JO, j’ai su que j’y allais 2 semaines avant. Finalement la pression, je l’ai eue en début de saison, entre fin novembre et décembre. Je savais que j’étais regardée et que mes résultats allaient conditionner ma sélection. Mais j’ai eu un petit souci de santé (un zona), cela s’est ressenti sur ma récupération, j’avais du mal à dormir. Bref, les résultats n’ont pas été à la hauteur. Clairement, à ce moment-là, je n’étais pas aux Jeux.

Comment vous y êtes-vous finalement retrouvée ?
Par le jeu des quotas, la France a récupéré une place de plus. C’est moi qui ai hérité du 5e quota. Je ne m’y attendais pas du tout et en même temps, j’étais très flattée. Je pense que c’est ma polyvalence sur tous les formats de courses et les deux styles (skating et classique) qui m’a permis d’être choisie. À ce moment-là, le staff de l’équipe de France m’explique que je serai remplaçante de l’équipe et que je serai un soutien moral. Finalement, toutes les filles ne faisaient pas toutes les courses. Il restait des places au départ et il m’a donné ma chance de concourir.

Aux JO, vous avez donc participé à une course internationale seniors quasiment pour la première fois ?
Oui, j’avais fait juste une étape de Coupe du monde l’an dernier à Falun en Suède. J’avais un peu d’appréhension mais je me suis appuyée sur une bonne équipe, soudée, et j’ai profité de l’événement, en réalisant ma chance d’être là. Je voulais tellement vivre à fond que je n’ai pas eu de peur, j’ai juste apprécié chaque moment, les superbes infrastructures, la piste. Même si on a vraiment vécu dans une bulle, c’était une expérience en dehors de tout. C’était grandiose.

Cela n’a pas dû être simple de se replonger dans les U23 après tout ça ?
Je n’ai pas eu le temps de cogiter. On avait seulement 2 jours de laps de temps. Je me suis donc recalée au niveau horaires. Et le reste a suivi. Et puis, c’était pour moi un des plus gros objectifs de ma saison. C’est pour ça que je suis contente d’avoir tenu le coup physiquement et matché avec les meilleures filles mondiales de mon âge. C’est une base solide pour la suite.

Quelle est la suite justement ?
Tout va dépendre si je suis sélectionnée en Coupe d’Europe ou en Coupe du monde pour le dernier week-end de la saison. Ce sera soit en Italie soit en Suède. Je pourrais me retrouver à Falun, au même endroit que pour ma première en Coupe du monde. Ce serait un joli signe. Sur le long terme, j’ai pour objectif de m’installer sur ce circuit parmi les 30 premières et de jouer des classements généraux. Ensuite, la saison se termine par les Championnats de France, à Prémanon, puis sur le plateau des Glières et dans les Vosges. J’ai un programme chargé car je m’aligne sur toutes les courses. Il n’y a pas beaucoup de filles qui sont polyvalentes, Léna (Quintin) par exemple fait seulement du sprint (1,2 km) et la plupart ont une préférence prononcée pour le skating ou le classique. Moi, j’aime bien les deux.

Comment vous vous êtes mise au ski ?
En fait, à la base, je jouais au foot au club d’Ambilly et j’adorais ça. Toute ma famille adorait ça : ma mère jouait en seniors, mon père coachait les goals du club, ma petite sœur et mon petit frère jouaient aussi. J’ai toujours eu l’esprit de compétition et l’envie de réussir au haut niveau. J’ai passé des sélections départementales mais pas en équipe de France. Un jour, à la suite d’une épreuve de demi-fond au collège, des copains de classe m’ont proposé de venir essayer le ski de fond au club du Pays Rochois. Le siège se trouve à La Roche-sur-Foron et les entraînements se déroulent au plateau des Glières. J’avais 11 ou 12 ans et les débuts ont été très difficiles. En fait, je ne savais pas skier. Mais l’ambiance était bonne donc j’ai continué. Au début, je me battais avec mes skis, ce n’étais pas intéressant. J’ai persévéré et comme je suis perfectionniste, j’ai travaillé pas mal d’heures avec mes coaches et finalement ça a payé. J’ai été sélectionnée dans le Comité du Mont-Blanc, puis j’ai bossé et bossé encore pour entrer en équipe de France.

Vous avez réussi à combler toutes vos lacunes en quelques années ?
Techniquement, il y a toujours à travailler, on peut s’améliorer sans cesse, c’est pour ça que cela demande beaucoup de boulot mais aujourd’hui je n’ai plus de retard sur les autres. Quand j’y repense, j’ai été sélectionnée en équipe de France U18 au bout de ma 4e année de pratique, c’est une petite prouesse (rire).

Avez-vous réussi à convertir aussi vos parents ?
(rire) Non ! Juste ma mère a skié un peu avec moi mais pas mon père. Quand ils peuvent venir, ce sont mes premiers supporters au bord de la piste. Il n’empêche qu’ils ont tous arrêté le foot, plus personne ne fait partie du club. Quand je rentre chez eux à Reignier (à côté d’Annemasse), l’été, je pratique le ski à roulettes sur les routes et par ici, ce n’est pas courant. On se demande ce que je fais, on me regarde d’un drôle d’œil (rires).

Vivez-vous du ski ?
Ouh là non ! J’ai des sponsors privés qui m’aident et me permettent de payer ma préparation. Mon essence, mes courses, ce sont mes parents qui me les financent. Une de leurs amies me prête un appartement à La Clusaz où je passe tout l’hiver pour m’entraîner. Je me dis parfois que je me suis peut-être trompée par rapport au foot et que j’aurais dû persévérer dans ce sport. Mais ce que je vis, c’est incroyable. Cette vie me procure tellement d’émotions. Mettre des skis pour aller me promener tous les jours dans la nature, c’est génial. Je ne regrette rien… »

Propos recueillis par Sylvain Lartaud