Maxence Muzaton : « Je ne pratique pas le ski pour la notoriété »

Le skieur de La Plagne a fait le buzz grâce à un incroyable sauvetage après une chute, dimanche à Cortina d’Ampezzo, dans la descente des Mondiaux. Rentré chez lui à Mercury, en Savoie, il a appris avec soulagement les résultats de ses examens et avoue qu’il aurait préféré faire parler de lui par ses performances sportives.

 
Maxence, comment allez-vous ?
Je suis plutôt soulagé : je souffre d’une légère entorse du ligament latéral externe du genou gauche, d’une contusion osseuse du genou droit et d’une entorse du coude. C’est inespéré, cela aurait pu être beaucoup plus grave. J’ai déjà été opéré trois fois des genoux donc je sais ce que c’est. On parle de repos en semaines et non en mois. C’est sûr que c’est un gros soulagement.
 
Cela veut dire que vous espérez reprendre avant la fin de la saison ?
On va voir, c’est le corps qui décidera. Pour le moment, j’applique une machine de froid sur mon genou pour l’empêcher de chauffer. Je vais aussi remettre du poids sur les jambes pour les réactiver, refaire du vélo. L’idée, c’est d’alterner la reprise du sport et beaucoup de soins pour remettre le corps d’aplomb. Je n’ai pas de plan ni de date de reprise, je vais gérer ça avec la cellule réathlétisation d’Albertville. Ce qui est sûr, c’est que je veux être à 100 % de mes moyens pour reprendre, je ne veux pas brûler les étapes.
 
L’image de votre incroyable chute a fait le tour de la planète ski. Comment avez-vous vécu ce moment ?
J’aurais préféré faire parler de moi plutôt pour mes performances sportives mais on ne choisit pas toujours ! (sourire) En fait, je n’ai pas compris sur le coup. Je commets une faute de carre ce qui n’arrive jamais à notre niveau. C’est comme ça, c’est vraiment dommage car ça me sort de ma course. Cela aurait pu finir plus mal si je n’étais pas retombé sur mes skis. J’ai le souvenir d’être dos à la piste et je me dis à ce moment-là que je vais ramasser en touchant le sol. Et puis, de nouveau sur les skis, dans un instinct de survie, je réussis à freiner pour m’arrêter. C’est le seul contrôle que j’ai pu avoir car pour le reste, à 120 km/heure, je n’ai pas contrôlé grand-chose.
 

 
En revoyant les images, vous vous êtes fait peur ?
J’ai surtout mesuré la chance que j’ai. J’étais complètement déséquilibré, j’aurais pu taper violemment la tête. C’est un ensemble de choses qui fait que ça finit très bien. Je n’ai pas eu le temps d’avoir peur. Chuter fait partie de notre sport, notamment en descente. Chaque fois qu’on chute, on le paie cash, on ne ressort jamais indemne. C’est comme ça mais c’est sûr que je m’en sors bien. Je me suis fait trois fois les ligaments croisés du genou : en 2011, en 2016 et j’ai été opéré de nouveau il y a deux ans. Cela avait été un gros coup dur.
 
Vous avez l’impression d’être devenu populaire grâce à ce sauvetage spectaculaire ?
Qui dit buzz, dit toucher un plus large public. Tu parles à beaucoup de personnes qui ne me connaissaient pas jusque-là et qui associeront mon nom à un sauvetage miraculeux. Après, un buzz, ça ne dure pas forcément longtemps. Je ne pratique pas le ski pour la notoriété mais pour moi. J’ai la chance de pouvoir voyager, me faire plaisir et en faire mon métier. Après, on n’est pas professionnels, simplement semi pro. Il faut des résultats pour bien gagner sa vie. Ce n’est pas le foot, on n’a pas de salaire. On a des sponsors et j’ai en plus un contrat d’État avec les douanes. On est compétiteur, il n’y a que le chrono qui compte. Mes ambitions se basent sur des résultats, pas sur un buzz pour un sauvetage miraculeux.
 
Quel est votre regard justement sur vos résultats ?
J’ai attaqué cette saison avec des ambitions. J’ai fini la saison dernière 11e descendeur mondial : je fais 5e à Kitzbühel à 8 ou 9 centièmes de la 2e place et 5e à Bormio. J’ai réalisé une saison complète, je n’étais jamais loin de jouer le podium. Cette saison est difficile avec la pandémie, il y a déjà eu beaucoup de casse. À Gamirsch (juste avant les Mondiaux), je suis dans le coup mais je sors à 15 secondes de l’arrivée. Cette saison n’est pas à la hauteur de mon niveau. Mais je ne veux pas me démobiliser, ni lâcher, ça finira par sourire.
 

 
En 2010, vous avez été sacré champion du monde junior en Super-G. Comment votre carrière a évolué depuis ?
Je m’épanouis plus en descente, j’ai plus de sensations dans cette discipline. J’ai eu du mal sur le super G. En équipe de France, il n’y a que 8 places pour courir en Coupe du monde. Elles sont prises devant par les gars qui marchent fort. Sinon, mon meilleur résultat, c’est une 2e place en combiné à Wengen en 2017.
 
Décrocher un podium en descente est envisageable ?
Oui bien sûr : je suis compétiteur, je travaille pour ça. Donc ce n’est pas utopique de viser le podium, je vise l’excellence. Mon objectif, une fois que j’aurais récupéré à 100 %, c’est de retrouver la bonne confiance de la saison passée et de bien préparer la saison prochaine qui sera olympique en plus.
 
Vous avez déjà goûté aux JO, vous avez envie d’y retourner ?
Oui, cela fait partie des grands événements de notre sport. D’autant qu’après les JO (à Pékin en 2022), s’enchaîneront les Mondiaux de Courchevel-Méribel en 2023. À PyeongChang (en 2018), cela n’avait pas été génial pour moi (23e de la descente et 18e du Super-G) mais c’était une belle expérience à vivre même si nous, les descendeurs, on était excentrés de là où tout se passait. J’espère que je pourrais refaire les Jeux avec d’autres aspirations.

Propos recueillis par Sylvain Lartaud