Léa Van Der Zwalmen : « Le Jeu de Paume est un sport en devenir »

Léa Van Der Zwalmen

À 27 ans, Léa Van Der Zwalmen est l’actuelle numéro 2 mondiale féminine en Jeu de Paume. Et désormais, depuis décembre dernier, présidente du club de Bordeaux de ce sport peu populaire, mais dont elle est amoureuse.

Comment se porte le club de Jeu de Paume de Bordeaux actuellement ? 

On est installé au domaine de Rocquevielle depuis l’été 2020. On a été pris de plein fouet par le confinement. Cela a stoppé notre élan de manière assez brute. On a eu du mal à se développer. Depuis décembre, nous avons une nouvelle équipe en place, dont moi à la présidence. Notre objectif est de mettre le club sur de meilleurs rails. Financièrement, on est un peu à la ramasse. Au niveau des membres réguliers, on en compte une trentaine alors que pour avoir une activité pérenne, il faudrait au moins tripler ce nombre. Cela a été compliqué, mais depuis décembre, on note vraiment un nouveau souffle. J’essaye donc de mettre en place de nombreux leviers. Instaurer une nouvelle dynamique, relancer la vie de club, faire découvrir la pratique à un nouveau public, dont aux femmes et aux enfants. J’ai récemment noué un partenariat stratégique avec l’école Tivoli de Bordeaux. Nous sommes un sport qui dépend de la Fédération Française de Tennis, mais on manque cruellement d’exposition. J’essaye de faire parler de nous parce qu’il y en a très peu qui connaissent le Jeu de Paume comme sport à part entière. Beaucoup l’associent à la Révolution française. Ils ne savent pas que c’est une pratique à laquelle on peut encore jouer aujourd’hui.

Qu’est-ce qui vous a amené à prendre la présidence de ce club ? 

Cela fait cinq ans que je suis passionnée et que je joue de manière semi-intensive.  Je suis arrivée à Bordeaux en septembre 2020 parce que cela m’intéressait d’intégrer un club en pleine construction. Ce challenge-là me plaisait bien. À la base, j’étais juste joueuse, membre du club. Je m’entrainais avec le numéro 5 mondial homme. C’était une super opportunité pour moi. Quand j’ai vu que le club n’allait pas forcément dans la bonne voie, je me suis dit qu’à la prochaine opportunité, il fallait que je saisisse ma chance, de mettre en place les idées que j’avais pour pouvoir remettre en place le club dans un chemin plus pérenne. Au moment où le comité s’est retiré en décembre, je me suis proposée à reprendre le club avec une feuille de route claire et une équipe passionnée.

Pour cette première année en tant que présidente, est-ce que vous avez des objectifs à cocher en particulier ? 

Le principal est de recruter des membres. On a mis en place une offre de découverte inédite qui permet la pratique inédite du Jeu de Paume pour trois mois en illimité pour 60 euros. Avec cela, on communique en masse en essayant de récupérer des membres. Le deuxième, c’est de créer du lien, des partenaires stratégiques, que ça soit avec des écoles ou avec des entreprises. L’idée, c’est d’avoir 2-3 sponsors qui puissent nous accompagner dans notre projet de transformation. Le troisième volet, c’est le fait de dynamiser la vie de club avec des événements pour les membres réguliers, que ce soit des rencontres inter-clubs ou des grosses compétitions telles que la Coupe de Bordeaux. Je veux augmenter le taux d’occupation qui est d’environ 30% actuellement, ce qui est faible. D’ici juillet, j’aimerais monter à 50 %. L’association perd de l’argent, notamment parce qu’on a des coûts fixes assez élevés. Il faut que l’on trouve de nouveaux moyens pour faire rentrer de l’argent, tels que des partenariats avec des entreprises qui viennent faire des séminaires ou proposer le club comme espace de co-working.

Comment vous entendez-vous avec les autres clubs de l’Hexagone ? 

En France, il ne reste plus que trois salles : Paris, Fontainebleau et Bordeaux. Cela représente environ 300 participants. On s’entend très bien, notamment avec Pau qui est notre voisin. Ce club est un peu particulier, car ils jouent au Jeu de Paume sur un terrain de trinquer. Actuellement, il y a un projet de restauration à Pau. Comme ils n’ont pas de vrais terrains de Jeu de Paume pour le moment, ils viennent régulièrement à Bordeaux, environ une fois par mois. À chaque fois, c’est un moment très convivial où on joue toute la journée. De temps en temps, on y va aussi. Comme c’est le club le plus proche, on a une entente étroite. Avec Paris et Fontainebleau, c’est un peu plus compliqué de faire des choses régulières. Entre présidents, il y a de bons canaux de communication et d’échanges. Les liens sont plutôt forts entre nous. Comme on est très peu de clubs, c’est dans notre intérêt de s’entraider et d’œuvrer pour la Paume en France.

« Je mets un peu ma carrière entre parenthèses pour sauver un club qui n’est clairement pas en bonne forme »

Qu’en est-il des fédérations de Jeu de Paume et de Tennis ? 

La discipline est régie par le Comité Français de Courte Paume (CFCP). Elle-même, c’est un sous-comité de la Fédération Française de Tennis. Il y a peu de moyens, malheureusement. Ce n’est donc pas facile de mettre des choses en place, tels que des programmes élites ou des programmes jeunes ou l’organisation de tournoi. Ils font au mieux. Avec la FFT, nous n’avons pas trop de contact.

Est-ce que vous percevez un intérêt croissant pour le Jeu de Paume ? 

Totalement. C’est un sport en renouveau, en plein essor. Notamment en France parce qu’aujourd’hui, nous n’avons que trois salles, mais il y a deux projets qui sont en cours de rénovation. Potentiellement, on aura plus de cours dans les cinq à dix prochaines années, ce qui est une très bonne nouvelle. À l’échelle mondiale, d’autres projets ont lieu à Sydney, Washington, en Italie, aux Pays-Bas… Ces constructions de terrains via des passionnés sont le signe que le Jeu de Paume est en pleine ascension. On est sur un sport en devenir.

En tant que joueuse, qu’est-ce qui vous attend dans les prochains mois ? 

De grosses échéances en perspective. J’ai à peu près un tournoi par mois. Je suis amené à faire pas mal de déplacements à l’étranger. Mi-avril, j’ai les championnats du monde féminin, en simple et en double en Angleterre. La numéro 1 mondiale est l’équivalent de Serena Williams. À l’inverse de moi, elle est professionnelle, elle joue à plein temps. Elle est également mariée à l’ex champion du monde masculin. On n’est pas vraiment dans la même catégorie. Avec mes nouvelles fonctions, je n’ai pas pu m’entraîner autant que je l’aurais souhaité. Faire une finale serait un beau parcours, mais je ne pense pas avoir mes chances cette année en simple. Par contre, en double, je serai avec une très bonne joueuse à mes côtés. Il y a moyen de créer la surprise. Je mise vraiment sur ce titre en double, car la France n’a pas ramené de titre de champion du monde depuis les années 1950. Je serai très fière de faire cela pour mon pays. Mi-mai, je serai à Washington pour l’US Open. Début juillet, j’y retourne pour l’équivalent de la Davis Cup pour les moins de 27 ans. Je vais faire de mon mieux pour jongler avec ma casquette de joueuse, de présidente en mode bénévolat et de chef de projet pour CGI.

Justement, est-ce que le fait d’avoir autant de casquettes à gérer va vous pénaliser ? 

C’est quelque chose qui me motive d’être sur autant de fronts. Cela me booste. Les journées sont trop courtes pour tout ce que j’ai à faire. C’est un rythme très soutenu, pas facile à gérer et de jongler avec les différentes fonctions. J’ai la chance d’être très bien entourée, que cela soit au travail ou au club. Je mets un peu ma carrière entre parenthèses pour sauver un club qui n’est clairement pas en bonne forme. C’est un choix personnel dont je suis plutôt fière au vu des premiers résultats du club. Les membres, notamment les nouveaux, apprécient de venir. C’est un peu comme une deuxième maison. Pouvoir créer ou contribuer à un espace convivial comme celui-là, c’est quelque chose de très satisfaisant pour moi. C’est ma manière de m’épanouir autre que de pouvoir jouer et ramener des titres. Je vais poursuivre sur cette voie jusqu’à ce que le club soit stable. Je me reconcentrerai sur la partie sportive après.