Jean-Luc Rougé : « Paris, lieu de rendez-vous de tous les judokas français »

Marie Eve Gahie (FRA) competes against Saki Niizoe (JPN) during the Paris Grand Slam at AccorHotels Arena on February 10, 2019 in Paris, France. (Photo by Aude Alcover/Icon Sport)

Le Grand Slam de Paris se déroule les 8 et 9 février, à l’AccorHotels Arena de Paris. Pour l’occasion, le Président de la Fédération française de judo, Jean-Luc Rougé, dévoile les nouveautés du tournoi et ses attentes concernant les Français quelques mois avant les Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo.

 
Comment le Grand Slam de Paris s’est-il imposé comme un tournoi majeur à l’international ?
Le premier tournoi à Paris, c’était en 1971, cela fera 50 ans l’année prochaine. Dans le passé, il n’y avait pratiquement que des compétitions qui se faisaient pays contre pays, en équipes de 10 avec un garçon par catégorie (match aller, match retour, triangulaires ou matches à quatre équipes). Il n’y avait que les garçons à cette époque, les filles ne combattaient pas. On participait à ces tournois et, en y participant, la Fédération française de judo de l’époque a pensé à créer un tournoi. Quand le tournoi de Tbilissi (Géorgie), un des plus grands de l’époque, s’est arrêté, on a repris leur place parce que c’était la place qui nous paraissait la plus intéressante dans la saison. Au départ, comme c’était une nouveauté, on avait invité quelques pays pour les compétitions individuelles. Pour que le Japon vienne – parce qu’il fallait qu’on fasse venir de belles équipes – on a payé son déplacement. Comme le nombre de pays était limité, plein de Français participaient. Au lieu de faire un tableau à élimination directe comme aujourd’hui, c’était des poules, comme ça les Français pouvaient rencontrer plusieurs adversaires, les Japonais… C’était intéressant parce que c’était une compétition qui servait aussi d’entraînement. Petit à petit on s’est développé, pour certainement battre un record cette année. On a déjà 110 pays engagés, c’est énorme. On se demande comment on va pouvoir tout faire en deux jours de compétition, mais on va se débrouiller.
 
Il y a aussi eu le passage réussi de Coubertin à Bercy…
Nous nous sommes toujours remis en question. Juste avant les années 2000, nous étions à Coubertin, à cheval avec l’Open Gaz de France de tennis. Nos fédérations internationales nous obligeaient à avoir des semaines complètes, et on avait du mal, le tennis était obligé de décaler le début du tournoi d’un jour pour commencer le mardi, le temps d’installer et de préparer les cours, alors que nous finissions le dimanche. Du coup, le terrain de tennis était monté sous les tapis de judo. On était en coordination avec eux, on travaillait ensemble, mais je leur ai dit que ce n’était plus possible et que l’un des deux devait aller à Bercy. J’ai dit que j’étais prêt à les aider financièrement, parce qu’avec la manière dont on travaillait à l’époque, on perdait de l’argent. On m’a dit que ce n’était pas possible, du coup j’ai dit : « Si vous ne voulez pas, moi je prends le risque. » On a pris le risque, Coubertin, c’était 1 800 places en spectateurs payants, parce qu’il y a des places réservées aux combattants. Bercy, en face, c’est presque 10 000. On pensait qu’il y allait avoir un silence de mort, que ça allait être ridicule. Mais on a fait une très bonne publicité, et la première année, on était à 7 000 spectateurs. Et là, on est pratiquement complet. C’est devenu, depuis un moment maintenant, le lieu de rendez-vous de tous les judokas français et quasiment de tous les judokas mondiaux. On essaye de s’améliorer sans arrêt.
 

 

« Une soirée pour que le public rencontre les sportifs »

 
Y aura-t-il des nouveautés cette année à Paris ?
Cette année, pour que le public puisse rencontrer les sportifs, on va faire une soirée. On va démonter le tapis d’échauffement, et comme il y a de nombreux écrans, on va refaire le match comme ça se fait au football, avec un commentateur, avec des champions qui seront là. Les spectateurs pourront manger, boire, lors d’une soirée conviviale, en parlant judo, en interviewant d’anciens champions, des champions actuels. On refera une entrée pour le samedi soir, ce sera limité à 750 places pour des raisons de sécurité. Et ce sera 10 euros l’entrée. On veut continuer la fête le soir, faire durer l’ambiance à Bercy après la journée.  De plus, sur le podium, on va changer aussi des choses. Jusqu’à maintenant, il y avait derrière le podium une bâche avec les partenaires. Là, on va mettre un grand écran, de 20 mètres sur 6 mètres où on passera des images. Et pendant la journée, comme c’est parfois difficile de comprendre les compétitions avec 5 tapis, il y aura tout l’ordre des combats annoncé derrière. Il y aura aussi des animations dessus, on essaye de faire mieux chaque année.
 
Qu’attendez-vous des Français pour cet événement ? Considérez-vous ce tournoi comme une grande répétition générale avant Tokyo 2020 ?
Bien sûr, nous sommes dans la dernière ligne droite avant les Jeux olympiques. La sélection se fait selon le classement mondial, un classement qui est serré, et chacun va essayer de gagner sa place, car il y a de moins en moins de places pour les JO, surtout pour les garçons avec la parité désormais. La qualification pour les garçons, c’est vraiment une lutte acharnée. Le tournoi de Paris donne de gros points pour la qualification, tout comme le tournoi en Allemagne 15 jours après. C’est une petite concurrence qui nous déplaît un peu, parce que les gens essayent toujours de se qualifier dans le tournoi qui est le moins fort. Paris est très fort, mais il y a le prestige de Paris et d’avoir gagné le tournoi de Paris. Même pour un garçon comme Krpálek, que j’ai connu avant qu’il soit champion du monde. Il est venu me voir pour me dire : « J’ai gagné le tournoi de Paris, pour moi, c’est comme un championnat du monde. » C’est la réputation du tournoi de Paris. Pour les filles, on a une superbe équipe. Malheureusement, Amandine Buchard s’est blessée, elle a pris un coup dans l’œil et c’est dangereux de la faire combattre. Elle ne devrait pas être présente, on ne veut pas lui faire prendre de risques. Au classement mondial, elle est numéro 1. Elle pourrait perdre sa place si elle est blessée trop longtemps, mais on connaît son potentiel. Chez les filles, on est pratiquement bon dans toutes les catégories. On a même une concurrence acharnée dans certaines catégories, où on a plusieurs filles dans le Top 10 mondial. C’est très bien, mais on ne peut envoyer qu’une seule athlète par pays et par catégorie aux Jeux olympiques. Chez les garçons, on a quelques espoirs dans 3 ou 4 catégories, dans les autres on en a moins. On est « normal », en dehors de Teddy Riner qui est un super champion. C’est déjà pas mal d’avoir un athlète comme ça, tout le monde voudrait l’avoir. Pour le reste, on verra ce que ça donnera, on a un peu plus de difficultés.
 

 

« On va certainement créer une compétition supplémentaire »

 
Comme c’est le cas actuellement, s’il y a plusieurs athlètes d’un même pays dans le Top 18 mondial, ce sera à la Fédération de trancher pour décider qui envoyer à Tokyo…
C’est ça, c’est la règle, on va choisir celui qui est dans la plus grande progression. On prendra toujours celui qui a les bons résultats les plus récents quand ils sont à égalité. On considère la meilleure forme la plus proche des Jeux olympiques. Ce sera décidé au mois de mai, mais on a des commissions de sélection. La commission de sélection est faite avec tous les entraîneurs qui s’occupent d’une catégorie d’âge ou de poids, plus le Directeur technique national et le Directeur du haut niveau. Vous avez deux élus, mais le Président, il assiste. Je suis un peu le garant, je n’ai pas le droit de vote. C’est moi qui l’ai souhaité pour que je puisse prendre le dossier de manière sereine s’il y a un recours, parce que je ne suis pas concerné par le vote. C’est peut-être une particularité, mais nous invitons aussi d’anciens champions, qui assistent et qui posent des questions aux entraîneurs.
 
Quels sont les axes de travail à la Fédération cette année ?
On est en train de changer notre système pédagogique. Les jeunes sont moins intéressés par la compétition qu’avant, on essaye donc de faire des systèmes d’animation beaucoup plus ludiques. Par exemple, on va certainement créer une compétition supplémentaire, sur un classement national, mais où les points internationaux ne comptent pas. On aura un numéro 1 français sans prendre en compte l’équipe de France. Tous les clubs pourront participer à cette compétition qui sera d’un niveau moindre. Il fallait absolument qu’on fasse quelque chose parce qu’entre le haut niveau et la base des athlètes qui font de la compétition, il y a une marche énorme, bien plus importante que par le passé. Cela fait que les athlètes n’ont aucune chance de gagner et sont vite dégoûtés. On voudrait faire quelque chose à leur niveau, et de manière différente, avec des tournois dans toute la France.
 
Que souhaiter au judo français et à la Fédération pour cette nouvelle année ?
C’est un peu rétrograde ce que je vais vous dire, mais le souhait, c’est qu’on essaye de rester en dehors de la mode, comme on l’a toujours été, avec les aspects éducatifs avant tout. Que notre objectif soit avant tout éthique et participe à la formation des citoyens de la France de demain. C’est une mission de service public à laquelle nous tenons beaucoup, c’est le sens de notre fédération. On n’a pas été créé comme une fédération sportive, mais comme un système d’éducation. On tient bien à cela, c’est une mission prioritaire, surtout en ce moment.
 
 

Le programme du Grand Slam de Paris

 

 

 
Informations et résultats disponibles sur www.parisgrandslamjudo.fr
 

Par Simon Bardet