Interdiction des rencontres nocturnes : quel impact ?

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La ministre des Sports a annoncé le 26 juillet dernier la possibilité d’interdire les rencontres sportives nocturnes en période hivernale pour économiser de l’énergie.

Le 26 juillet, Amélie Oudéa-Castéra évoquait, au micro de France Info, la préparation d’un “plan d’adaptation de la pratique sportive aux changements climatiques”. En collaboration avec le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, ce plan pourrait être prêt à la fin de l’année. Encore à la forme embryonnaire, il fait déjà beaucoup parler, notamment en raison de l’une des mesures esquissée par la ministre des Sports : l’interdiction des matches nocturnes.

Un impact économique important

L’économie est parfois décriée pour être trop importante dans le sport. Il n’en demeure pas moins qu’elle reste un enjeu majeur. L’interdiction des matchs nocturnes impactera fortement la diffusion de ceux-ci. En Ligue 1, il y a actuellement sept tranches horaires entre le vendredi soir, 21h, et le dimanche soir même heure. Un atout important pour la commercialisation des droits télévisés, en multipliant les lots et donc les appels d’offre, la Ligue 1 accroît ses droits audiovisuels. L’avenir des trois matchs en Prime time étant incertain, cela pourrait inciter les diffuseurs de Ligue 1, Amazon et Canal+, à revoir les contrats à la baisse. Un scénario catastrophe pour la Ligue 1, pour qui la crise Médiapro est encore fraîche dans les mémoires.

Ce sont les mêmes questionnements qui dominent dans le monde du ballon ovale. La Ligue Nationale de rugby a réagi dans un communiqué après l’annonce de la ministre, mettant en garde sur la fragilisation des équilibres économiques : “À travers la LNR, le rugby professionnel s’impliquera pleinement dans les travaux initiés par le ministère des Sports et le ministère de la Transition écologique avec l’ensemble des différentes parties prenantes sur la participation du sport à l’effort sociétal demandé par le gouvernement. Les sujets à évoquer sont nombreux, et cette démarche devra veiller à respecter les équilibres économiques et d’organisation des compétitions, dont les matches en soirée sont un élément très important.” 

Repenser le sport, un enjeu primordial 

Les épisodes caniculaires à répétition, la sécheresse inquiétante, les rapports alarmants des scientifiques sont des appels urgents à l’action. Changer nos modes de vie devient plus que jamais indispensable. Le sport, partie intégrante de notre société, doit accompagner et participer à ces changements.

L’interdiction des matches nocturnes peut faire partie de cette réflexion. Selon Antoine Miche, président de l’association Football écologie France, un terrain de sport est éclairé entre 1 000 et 2 000 heures par an, majoritairement en hiver. Cela représente 80 000 kWh (en sachant que la dépense moyenne d’un Français sur un an est de 2 223 kWh en 2020), pour un budget autour de 10 000 euros, qui pourrait monter à 20 000 avec la hausse du prix de l’énergie. Une mesure d’exemplarité du sport professionnel, pour mobiliser les consciences sur les questions environnementales. Mais est-ce que cela suffit alors que le Mondial 2022 se jouera au Qatar dans des stades climatisés ouverts, que les routes du tour de France sont arrosées abondamment en période de sécheresse, que les sportifs prennent l’avion très régulièrement ? Non, éteindre la lumière dans les stades ne suffira pas.

La mesure est très débattue : que fait-on des matches à 17h en hiver lorsqu’il fait déjà nuit ? Quid des matchs lorsque la météo impose d’allumer les projecteurs ? Ne faudrait-il pas aussi réglementer les matches qui se jouent à 13h, en août, sous 34° ? Si elle ne fait pas l’unanimité, elle a l’avantage de mettre au centre du débat les questions environnementales dans le monde du sport de haut niveau, notamment sur la rénovation énergétique des équipements sportifs ou sur la possibilité d’utiliser des LED, qui réduiraient de 50 à 70% l’énergie de l’éclairage.

Finalement, l’interdiction des rencontres nocturnes sera-t-elle une mesure de greenwashing pour dédouaner le sport de haut niveau ? Ou est-elle un réel premier pas vers un sport plus respectueux de l’environnement ? Si le “plan d’adaptation de la pratique sportive aux changements climatiques” sera une première réponse, il est nécessaire que tous les acteurs du monde sportif se mobilisent pour penser le sport de demain.

Solenn Ravenel