Éric Lacoux : « Si je le pouvais, je mettrais la planète entière au golf »

Eric Lacoux

Éric Lacoux est directeur des golfs de Mionnay (Ain) et Lyon-Chassieu (Rhône) qui font partie des réseaux Ugolf et Bluegreen, lesquels organisent jusqu’au 15 octobre dans toute la France des initiations gratuites pour découvrir et pratiquer le golf.

En quoi consiste cette opération ?
À faire découvrir notre sport de façon gratuite ! Les gens prennent rendez-vous sur le site initiationgolf.com, ils réservent un créneau de 2 heures. Accompagnés par un golfeur pro, ils vont, par groupe de 12 maximum, d’abord faire du pratice pour commencer l’apprentissage avant d’aller très rapidement sur le parcours école. L’idée, c’est de les mettre sur le jeu, ils peuvent ainsi véritablement se rendre compte de ce qu’est le golf.

Cela représente combien de nouveaux golfeurs ?
En moyenne, sur nos golfs, cela représente environ 1 000 initiations sur l’année. On était les précurseurs de la démocratisation golfique il y a quelques années. Cela a permis aux gens de se rendre compte qu’en termes de prix et de positionnement c’est très accessible. Ce sport n’appartient plus aux vieux bastions aristocratiques ! On a besoin de ce genre d’opération pour montrer qu’on est accessible, qu’on est cool dans notre approche et dans notre état d’esprit. L’idée, c’est que les gens essaient, et c’est notre devoir de leur permettre cela. Après, s’ils continuent le golf de manière durable en fonction de leur emploi du temps, de leur budget, de leurs affinités avec d’autres sports, etc, tant mieux pour nous, pour la filière et pour tout le monde. Si je le pouvais, je mettrais la planète entière au golf parce que c’est un sport fantastique.

L’objectif étant de convertir le plus de monde possible au golf ?
Bien sûr ! Une fois qu’ils ont essayé pendant 2 heures, on peut leur proposer des panels de produits qui sont accessibles à toutes les bourses. Entretenir un golf de 50 hectares, cela coûte de l’argent mais en fonction de l’âge, vous avez le droit, pour 79 euros par mois à une heure de cours par jour, d’accéder au petit parcours et au grand parcours et on vous offre une demi-série ! (NDLR : l’ensemble du sac et de son contenu, composé de 6 clubs dont 3 fers, un bois, un sand wedge et un putter). C’est largement suffisant pour démarrer. Cela évite de se poser la question de savoir si on a le bon matériel, le bon dress code… il n’y a pas de dress code déjà ! C’est très ouvert, très sportif et très convivial. Depuis 20 ans, cela a beaucoup changé et il faut continuer à le démocratiser.

Qu’est-ce qui attire les pratiquants ?
Clairement, l’environnement ! Mais aussi le côté famille. C’est l’un des rares sports que l’on peut pratiquer ensemble, avec nos enfants mais aussi avec sa mère ou sa grand-mère ! La doyenne de mon golf est de 1925, elle aura donc 100 ans dans 2 ans et elle se déplace en voiturette mais elle fait ses 9 trous par semaine, c’est génial. Elle représente l’archétype même de ce que le golf peut réserver. En fonction de votre niveau, vous partez tous, enfants et adultes, sur le même parcours, de plus ou moins loin. Mais que ce soit un golf urbain, comme à Chassieu, ou un golf, plus de campagne comme à Mionnay, ce qu’ils ont de commun, c’est de rassembler des golfeurs passionnés. C’est tellement difficile au départ d’envoyer une balle avec un outil qui n’est pas plus gros. Donc parvenir à réaliser le bon geste pour faire partir la balle en l’air, c’est énorme comme sensation. Après, le plus dur, c’est de le répéter.

L’âge moyen du golfeur a-t-il diminué ?
En fait, cet âge moyen évolue – on va être bientôt à 59 ans – mais très lentement. C’est un sport qui, aux encablures de la retraire, permet de pratiquer assez facilement, même pour ceux qui n’ont pas pratiqué beaucoup de sport fans leur vie. Un parcours de golf, c’est 10-12 km, soit entre 4- et 5 heures de marche. C’est bon pour le cœur, l’environnement est sympa, ce n’est pas violent, c’est technique, très mental donc les gens se retrouvent à travers ça. À Mionnay, l’académie qui regroupe 180 enfants fait baisser la moyenne. Mais au niveau national, on a encore du mal à trouver des gens plus jeunes.

Est-ce que vous espérez un effet Céline Boutier ?
On va voir rapidement dans nos académies de golf si a on a une recrudescence de jeunes de 4-5 ans, et notamment des filles à travers les exploits de Céline lors de l’Evian Championship fin juillet. L’envie, c’est d’aller chercher du public féminin. Depuis 1988 que je joue, ce sont toujours les mêmes ratios : 28% de femmes pour 72% d’hommes. Et ce qui est incroyable, c’est que c’est le cas à tous les âges. Tous les jours, je me demande comment je peux rajeunir et attirer plus de femmes. Le golf reste quand même un microcosme, on a 450 000 licenciés en France. Il faut donc encore travailler là-dessus. La Ryder Cup que la France a reçue en 2018 a été un flop en termes d’engouement populaire, tout comme l’ont été les JO de Rio en 2016. On attend beaucoup des JO de Paris, on va voir comment capitaliser sur cette échéance majeure.

Comment se concrétisent ces attentes ?
L’objectif, c’est qu’il y ait de plus en plus de licenciés. Et cela passe aussi par une plus grande visibilité : on attend que le golf soit diffusé sur des chaînes gratuites. Cela fait 40 ans que je suis dans le golf, c’est la première fois que je vois qu’une golfeuse (Céline Boutier) fait toute la seule la Une de L’Equipe. Pour obtenir ça, il faut gagner l’un des cinq Majeurs, ce qui correspond à un Grand Chelem en tennis ou une Ligue des champions en foot, c’est le Graal. C’est encore difficile à mesurer mais ce qui est sûr, c’est ça ne peut pas faire de mal à notre sport !

En revanche, la sécheresse a encore fait mal cet été : quel est son impact sur la gestion des golfs ?
Dans l’Ain, cela fait 6 ans (tous les étés) que nous en sommes en arrêté préfectoral entraînant des restrictions d’utilisation de l’eau. Cela veut dire que mon parcours est vert l’hiver mais l’été, il est cramé. Il faut savoir raison garder et travailler la communication avec nos anciens membres qui ont du mal à comprendre pourquoi on ne peut plus arroser les parcours. A contrario, on a de plus en plus de jeunes actifs de 35-40 ans qui viennent jouer au golf et qui ont déjà dans leur patrimoine culturel cette dimension durable. Ce discours-là, ils l’entendent. On est dans la biodiversité et on gère cette composante depuis longtemps, donc on n’arrose que les greens et les départs, cela correspond à 1,5 hectare sur les 70 que compose un golf. Tout le reste, on ne l’arrose pas. »

Propos recueillis par Sylvain Lartaud