Emma Luttenauer, la lutte au cœur

United World Wrestlin

Championne d’Europe U23 en mars dernier, Emma Luttenauer (22 ans) a l’avenir devant elle. Représentante de cette nouvelle génération de la lutte féminine française, la pensionnaire de l’INSEP a réussi son défi de passer dans la catégorie des -50kg, au prix d’un régime hivernal. Avec en ligne de mire, les Jeux olympiques à Paris en 2024.

Avec ce nom, c’est presque la lutte qui l’a choisie. Sur les tapis depuis l’âge de trois ans, Emma Luttenauer a mis du temps avant de décider de son sport. « J’ai fait de la gym, du rugby, de la voile en parallèle…Et c’est vraiment au collège que je me suis fixée sur la lutte. J’ai bien fait ! », rit la lutteuse. C’est dans ces années-là qu’elle remporte ses premiers titres de championne de France, dans les catégories de jeunes. Moins d’une dizaine d’années plus tard, la voilà championne d’Europe chez les Espoirs (U23), concrétisant et renforçant les attentes déjà placées en elle. A 22 ans, c’est son premier grand résultat sur la scène internationale. « Ça fait des années que je suis en équipe de France, que je fais de bonnes performances nationales et à l’étranger… Mais je n’avais jamais décroché de grande médaille européenne. Alors j’étais super contente d’avoir la plus belle ! »

« Ces championnats d’Europe, c’était ma journée »

A Plovdiv, en Bulgarie, Emma Luttenauer marche sur l’eau. Chez les moins de 50kg, la Française signe un parcours sans faute. Invaincue du début à la fin du tournoi, la lutteuse va écarter une à une les adversaires sur sa route pour aller chercher l’or. Victorieuse aux points sur chacun de ses matchs, la Tricolore surclasse la Hongroise Szimonetta Szeker (3-0) et décroche le titre. « C’était ma journée ! Au premier combat, en qualifications, j’étais un peu crispée. Ensuite, j’étais plus relâchée, et tout a fonctionné. J’ai lutté sans pression, sans stress, et ça l’a fait », se rappelle la championne. Une vraie performance, d’autant plus que la pensionnaire de l’INSEP a changé de catégorie de poids en fin d’année 2021, passant des moins de 53kg aux moins de 50 kg. « Je me maintenais en -53kg sans faire d’efforts, et j’étais souvent moins forte et moins mobile que celles qui faisaient un régime pour rester dans les clous. Alors, cette idée de passer en -50 trottait dans ma tête depuis longtemps », explique l’Alsacienne. Entourée de préparateurs physiques et de nutritionnistes, la lutteuse entame alors un régime pendant l’hiver. « Je ne voulais faire ce changement que s’il me permettait de continuer à mener une vie normale, tout en restant compétitive sur les tapis. Les résultats ont prouvé que c’était le bon moment ! »

De l’INSEP à Boulogne-sur-Mer

Entrée à l’INSEP depuis cette année, Emma Luttenauer est dans un cadre idéal pour développer sa lutte. A Paris, elle partage son emploi du temps entre sports et études. Actuellement en licence de droit (à Panthéon-Assas), la lutteuse n’est pas là par hasard : « Je veux travailler dans le droit du sport, pour aider à améliorer les conditions des athlètes de sports peu médiatisés, comme l’est la lutte. C’est vraiment dans ce domaine que je veux faire bouger les choses. » Avec un emploi du temps aussi chargé, elle n’a pas le temps de chômer. Ses journées sont bien remplies : « C’est parfois dur de gérer les études ! Je ne peux pas assister à beaucoup de cours en présentiel, alors d’autres étudiants m’envoient leurs notes. Ce n’est pas l’idéal, mais c’est important pour moi de garder les études à côté. J’ai toujours aimé apprendre, et ça me permet de garder un pied dans la vie normale en quelque sorte ! » En plus de l’INSEP et de l’université, la triple médaillée aux championnats de France se déplace souvent à Boulogne-sur-Mer. C’est dans le Pas-de-Calais que la lutteuse a choisi son club, l’Entente Lutte Côte d’Opale (ELCO). Au bord de la Manche, le club présidé par Lise Legrand, médaillée olympique à Athènes en 2004, est l’une des références de la lutte féminine dans l’Hexagone. Ce qui a convaincu Emma Luttenauer, c’est surtout la qualité de l’encadrement boulonnais : « Je connaissais déjà les entraîneurs, que je croisais sur des compétitions. Et pour moi, les relations avec les coachs sont primordiales. Les conseils, l’entente, le soutien moral… C’est pour ça que j’ai choisi Boulogne. »

« On sent une cohésion, un vrai groupe »

Entre ses entraînements à l’INSEP et ceux dans le Pas-De-Calais, la championne d’Europe Espoirs a de quoi progresser. « Avec des partenaires d’entraînement de haut niveau, on progresse beaucoup plus vite. A la rentrée à l’INSEP, c’était impressionnant. C’est une chance de bénéficier de ce cadre, mais aussi de pouvoir affronter les meilleures Françaises et certaines très bonnes lutteuses étrangères, lorsqu’elles viennent en stage. C’est un super environnement. » A Boulogne, Emma Luttenauer partage le maillot de l’ELCO avec Pauline Lecarpentier, autre lutteuse de l’équipe de France. Les Boulonnaises incarnent toutes les deux l’avenir de cette lutte féminine tricolore, aux côtés de noms tels que Koumba Larroque (23 ans, vice-championne du monde et championne d’Europe 2021) et Kendra Dacher (22 ans, vice-championne du monde U23). Un groupe prometteur, destiné à gravir ensemble les échelons de la lutte mondiale. « On est arrivé à plusieurs de la même génération à l’INSEP, et on sent une cohésion, un vrai groupe qui peut monter ensemble. » Dans la catégorie de poids d’Emma, c’est Julie Sabatié qui reste dominante sur la scène nationale. Titulaire chez les Bleues, elle est quadruple tenante du titre de championne de France. « Julie a participé à plusieurs TQO [tournois de qualification olympique, NDLR], elle a beaucoup d’expérience et j’ai à apprendre d’elle, affirme l’Alsacienne. L’objectif, c’est de se faire progresser l’une et l’autre, pour que la meilleure puisse performer le mieux possible. »

Paris 2024 en tête

Au sein d’une équipe de France féminine au staff renouvelé, la lutteuse nourrit des ambitions sur le futur. A deux ans de l’échéance, la Boulonnaise lorgne évidemment sur les prochains Jeux olympiques, à Paris. « Quand je me réveille, que je pars à l’entraînement, c’est la première chose dans ma tête. Tous les jours, je me dis que je veux y être. Le fait que ça soit en France, c’est une motivation supplémentaire. » D’ici les Jeux, la route est encore longue. Le premier objectif d’Emma Luttenauer est d’abord de réussir sa transition chez les seniors. Elle prendra part aux prochains championnats du monde U23, encore chez les Espoirs, avant de s’attaquer aux championnats de France seniors. « Je serai de nouveau en concurrence avec Julie [Sabatié], annonce la lutteuse. Si, cette fois, je gagne, je pourrai partir aux Jeux Méditerranéens cet été [du 25 juin au 5 juillet 2022 à Oran en Algérie, NDLR]. Là-bas, le but sera aussi d’aller chercher la médaille. L’année précédant les Jeux, ce sera ma première saison entièrement chez les seniors. Je serai seulement une entrante, mais j’y crois. Pour 2024, il faut se préparer dès maintenant. »