Boch-Sénéchal, le duo de choc du bob féminin français

Pendant plus de 10 ans, la France n’a pas eu d’équipage féminin de bobsleigh au plus haut niveau. Margot Boch et Carla Sénéchal ont comblé ce manque en progressant depuis deux ans sur les circuits internationaux, jusqu’à viser une qualification aux Jeux Olympiques d’hiver de Pékin en 2022. Rencontre.

Comment est né cet équipage de bobsleigh féminin ?
Margot Boch : J’ai pratiqué la gymnastique pendant longtemps. Quand j’ai arrêté, Bruno Mingeon, l’un des seuls médaillés en bobsleigh en France (médaille de bronze en bob à 4 aux Jeux Olympiques d’hiver de Nagano en 1998, ndlr), m’a proposé de pratiquer ce sport. Il faut savoir que le bob est une histoire de famille chez moi. Mon grand-père et mon père en faisaient. Quand je voyais mon père à l’entraînement, ça me donnait envie, mais je n’y croyais pas trop. Pourtant, il n’a cessé de m’encourager pour que je me lance. Comme j’étais trop jeune pour faire du bobsleigh, j’ai pratiqué la luge pendant quatre ans au CBLS de La Plagne, en Savoie. Puis j’ai eu l’âge pour entrer dans le bobsleigh et j’ai voulu monter mon projet d’équipage. Le problème, c’est qu’il n’y avait aucune fille. J’ai donc cherché du côté de l’athlétisme.
Carla Sénéchal : À l’été 2018, j’ai reçu un message sur Facebook de Margot, que je ne connaissais pas et qui me demandait de venir faire des essais pour devenir son équipière. Elle cherchait une pousseuse qui a des qualités physiques et elle a eu mon contact via un entraîneur qui savait que je faisais de l’athlétisme depuis 16 ans. Je n’avais jamais fait de bobsleigh, mais j’habite en Savoie, j’apprécie le cadre de la montagne et j’avais envie d’essayer. La rencontre s’est tout de suite bien passée. J’ai réussi les tests physiques et ils m’ont gardée. En tant que pousseuse, j’ai retrouvé les qualités physiques qui me plaisent en athlétisme.
 
Quel est votre parcours depuis 2018 ?
M. B. : Nous avons commencé ensemble par des stages, puis nous sommes entrées en Coupe d’Europe où nous avons réalisé une cinquième place au classement général en 2019. Depuis 2020, nous évoluons sur le circuit Coupe du monde. Lors de l’étape à La Plagne, nous avons réalisé notre premier top 6. C’était très bien, mais aussi très inattendu pour un équipage aussi jeune.
C. S. : Il faut savoir qu’il n’y a pas eu d’équipage féminin de bobsleigh en France au plus haut niveau international pendant plus de 10 ans. Depuis deux ans, nous gravissons les échelons doucement. Après notre 6e place à La Plagne, nous avons continué à faire de bons résultats sur le circuit Coupe du monde, en terminant 5es, 6es et 8es. C’est de très bon augure pour la suite.

« Les Jeux Olympiques, un rêve de petite fille »

Un équipage féminin français de bobsleigh aux Jeux Olympiques d’hiver, c’est du jamais vu. Avez-vous les moyens de vous qualifier pour la compétition à Pékin, en 2022 ?
M. B. : Il va falloir se placer au ranking de la Fédération internationale de bobsleigh et de skeleton (IBSF). Ça viendra par les résultats sur le circuit Coupe du monde.
C. S. : On saura si on va aux Jeux Olympiques d’hiver de Pékin à Noël 2021. Cette année, on va s’engager sur des compétitions sur différentes pistes pour bien se placer au classement. Malgré la pandémie de Covid-19, notre circuit Coupe du monde est confirmé.
M. B. : A nous de beaucoup nous entraîner pour progresser sur la piste et être présentes le jour des courses.
 
Que représentent les Jeux Olympiques pour vous ?
C. S. : C’est un rêve de petite fille. Quand je les regardais à la télévision, j’avais des étoiles dans les yeux. C’est une compétition qui fait rêver tous les sportifs, et je n’ai jamais été aussi près du but. Je voulais participer aux Jeux Olympiques d’été en athlétisme, eh bien ça sera l’hiver en bobsleigh ! Il n’y a jamais eu d’équipage féminin de bobsleigh français aux Jeux Olympiques d’hiver, c’est une belle histoire à écrire.
M. B. : J’ai toujours rêvé des Jeux depuis que je suis toute petite, depuis que je regarde l’événement à la télévision. C’est une compétition incroyable, ça serait une chance inouïe d’y participer. Mon objectif est de remporter une médaille olympique.
 
Dès l’hiver prochain ?
C. S. : On voit plus grand pour les Jeux de 2026 à Milan-Cortina. Margot et moi sommes encore jeunes dans la discipline, j’ai 24 ans et elle a 21 ans, alors que les meilleures athlètes dans la discipline ont en moyenne 30 ou 32 ans.
M. B. : En 2026, nous aurons plus d’expérience, nous serons plus âgées, monter sur le podium sera plus réalisable. Mais ça ne nous empêchera pas d’essayer de faire une belle place à Pékin malgré tout.
 
Comment vous entraînez-vous dans l’optique de ces Jeux dans un an ?
C. S. : D’octobre à mars, nous sommes sur les compétitions et nous participons aussi à des rassemblements à l’étranger, en Suisse et en Autriche. En été, nous nous retrouvons une fois par mois à La Plagne. Max Robert, lui aussi médaillé olympique en bob à 4 en 1998, est notre préparateur physique. Nous profitons de son expérience. Nous sommes également entourées par des entraîneurs pour le pilotage.
M. B. : Quand nous sommes chacune de notre côté, nous travaillons la musculation et le sprint. En tant que pilote, je dois avoir les mêmes qualités physiques, la même explosivité que la pousseuse. Je dois aussi être rigoureuse et persévérante pour trouver les meilleures lignes sur la piste.
 

« Nous sommes très complémentaires »

Quelles sont les principales qualités de votre équipage ?
M. B. : Nous sommes très complices et nous communiquons beaucoup. Je pense que c’est ce qui fait notre force.
C. S. : Nous nous entendons super bien ! Nous sommes très complémentaires. On se ressemble, on a la même vision, le même objectif. Cette complicité est de bon augure pour la suite. Je suis plus âgée, donc je protège Margot. Quand je la sens stressée, je l’apaise.
 
Vous avez des gabarits similaires. Est- ce une bonne chose dans un équipage ?
C. S. : On nous dit souvent qu’on se ressemble physiquement, mais ce n’est pas un plus, car moi en tant que pousseuse et Margot en tant que pilote, nous avons des responsabilités différentes.
M. B. : En bobsleigh, les gabarits des athlètes sont généralement assez imposants. Par exemple, les Allemandes font 1,80 m, alors que je fais 1,62 m et Carla 1,68 m. Il y a un grand écart, en poids aussi. Notre petite taille est plutôt un handicap, mais nous travaillons dessus.
 
Vous formez le premier équipage féminin français de bob à 2 depuis plus de 10 ans et aucun équipage féminin français n’a participé aux Jeux Olympiques. Est-ce que cela vous met une pression supplémentaire ?
M. B. : Ce n’est pas tous les jours que ça arrive. Nous avons la chance de porter les couleurs de l’équipe de France, nous faisons du mieux possible.
C. S. : C’est incroyable de porter les couleurs bleu, blanc, rouge. Ce n’est pas une pression, mais une fierté. Notre sport est si peu médiatisé, donc nous sommes contentes de mettre la lumière sur le bobsleigh et de faire plus parler des femmes dans le sport.
M. B. : Si notre équipage peut aider le bobsleigh féminin en France et donner envie à plus de femmes de pratiquer, c’est tant mieux. Nous souhaitons développer ce sport, le rendre plus féminin. Actuellement, une très jeune pilote et des pousseuses arrivées en 2020 font partie du collectif France. Ça avance doucement.

Propos recueillis par Leslie Mucret