Gaëlle Mignot forte tête

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Nommée sélectionneur et entraîneur des Bleues au côté de David Ortiz en décembre dernier, la Périgourdine compte sur le Tournoi des 6 Nations pour donner un nouvel élan au XV de France. Sa passion immense et la force de ses convictions seront ses principaux atouts.

Qui est Gaëlle Mignot ? Une acharnée du jeu ? Accro à la gagne ? Folle de boulot ? Dans le privé, bien plus que ça, évidemment. Dans la vie professionnelle, une obstinée qui aime « la précision, les choses bien faites », déteste « se tromper et nourrir des regrets », capable de se réveiller au beau milieu d’une nuit pour penser une combinaison ou imaginer un exercice, comme d’ordonner quelques lancers supplémentaires à la fin d’une séance pourtant déjà éprouvante « parce que la précision dans le détail est primordiale ».

Gaëlle Mignot est, depuis le 19 décembre dernier, entraîneur et sélectionneur du XV de France féminin au côté de David Ortiz, l’ancien coach des avants du SU Agen. A l’automne dernier dans les quartiers d’Auckland ou la baie de Whangarei, elle s’est familiarisée avec cette famille le temps d’une coupe du monde enrichissante et frustrante. Comme toutes les coupes du monde. Tout juste retraitée, elle avait alors la charge de la mêlée et des attitudes au contact. Son péché mignon. Un mois après son retour de Nouvelle-Zélande, elle a succédé à Thomas Darracq dont le projet de jeu et les méthodes autoritaires n’ont pas eu l’approbation de la majorité des joueuses. Après les soubresauts liés au départ de Samuel Cherouk et Stéphane Eymard ou la mise à l’écart d’Annick Hayraud, l’heure semble donc à l’apaisement alors que cette 25e édition du Tournoi des 6 Nations démarre en trombes.

Qui est Gaëlle Mignot, oui ? Une Périgourdine de 36 ans ancrée à Montpellier, combattante hors pair à son poste de talonneur, capitaine entre 2014 et 2017 d’une équipe de France qu’elle a fréquentée à 70 reprises entre 2010 et 2018. Petite, ses parents l’imaginaient cavalière, elle est connue pour ses ruades et n’a jamais refusé le moindre obstacle. « La première fois que j’ai touché à ce sport, confesse-t-elle, il s’est passé quelque chose et c’est devenu comme une évidence. Le rugby allait être toute ma vie. »

Vie de combats, de partages. Très vite, encore une évidence, elle se tourne vers l’entraînement « pour transmettre tout ce que l’on m’a appris ». Lors de son unique saison à Richmond, dans la banlieue de Londres, en 2017/2018, elle dirigeait ainsi des séances dans les écoles de rugby du bord de la Tamise et façonnait la mêlée de l’équipe réserve. « Elle a toujours été passionnée par l’entraînement, dévoile Mathieu Austruy, team manager du centre de formation du MHR, et c’est une travailleuse hors-pair. Elle est plus que dévouée dans ces tâches de transmission, son discours est clair et franc et elle excelle dans la pédagogie. »

A Montpellier, elle a donc commencé par faire ses gammes au centre de formation, entraînant notamment les avants de l’équipe espoir. « Elle est la première femme à disposer d’autant de responsabilités à ce niveau, assure Mathieu Austruy, et je sais déjà à quel point elle va nous manquer. » Elle est aussi la seule femme de sa promotion à avoir validé le Diplôme d’Etat supérieur lors de la dernière session. « J’ai ce besoin de me former, de vouloir apprendre en permanence, dit-elle. Si j’ai une minute de temps libre, je viens voir les pros sentraîner. Début mars, nous étions avec le staff en immersion avec le XV masculin. On a vécu pendant trois ou quatre jours avec eux pour voir comment ils fonctionnent, comment ils travaillent. Je suis perpétuellement dans l’échange, je me nourris de chacune des idées. » Elle était d’ailleurs partie à Richmond pour s’imprégner d’une autre culture, se mettre en difficultés. « Les entraînements là-bas, dit-elle, sont plus courts, précis, intensifs. J’ai appris que l’erreur était une opportunité, et à exploiter cette opportunité. »

Une curiosité presque maladive qui la conduit à s’intéresser à de nombreux autres domaines. Latteinte dobjectifs, l’esprit d’équipe, le leadership, le management, la diversité, la gestion de l’échecA s’immiscer, aussi, dans l’animation scolaire, le sport santé, le sport adapté, accompagner le perfectionnement des jeunes ou la formation des entraîneurs. Pour ses quinze années de service et de passion, son nom apparaît dans un décret du 23 novembre 2022 portant promotion et nomination dans l’ordre national du Mérite, au grade de chevalier.

A la Fédération française de rugby, son profil et ses charmes n’ont évidemment laissé personne indifférent. « La Fédération a fixé un cap, explique-t-elle, avec comme objectif de créer un projet sur trois ans pour être performant en 2025. Nous le démarrons avec ce Tournoi, qui doit nous permettre de révéler une identité qui nous corresponde. Nous souhaitons poser des bases solides avec notre nouveau staff, avec David et Sylvain Mirande qui aura la charge des arrières. Remettre la notion de travail au centre des débats, faire transpirer la loyauté, l’amour de ce maillot. Je souhaite un groupe d’acharnées. Certaines filles ne sont pas encore à leur limite, on peut aller chercher plus loin. »

L’idée, son idée, celle de la Fédération, est de hisser à terme la France à la place de n°1 mondiale. De gagner enfin la coupe du monde après sept médailles de bronze en neuf éditions. La dixième se déroulera chez l’ennemi intime anglais, bête noire des Bleues, à l’horizon 2025. Les coéquipières de Gaëlle Hermet restent sur onze défaites d’affilée face aux Anglaises, et le rendez-vous du 29 avril à Twickenham, en clôture du Tournoi, s’annonce comme le révélateur du nouvel état d’esprit.

Car c’est bien de cela dont il s’agit. Gaëlle Mignot est convaincue de pouvoir prendre le dessus sur l’Angleterre, le Canada ou la Nouvelle-Zélande, à condition que tous les ingrédients soient respectés. « Les filles ont des forces identifiées, et nous allons nous servir de ces forces, décrit-elle. Le jeu a réellement changé, il a évolué. Les joueuses se préparent mieux physiquement, la qualité technique s’est améliorée, les passes sont plus précises, le jeu au pied devient plus efficace. L’objectif est davoir un coup davance, de mettre les joueuses dans les meilleures conditions, pour quelles puissent sexprimer le mieux possible sur le terrain. »

S’exprimer en défense, l’atout majeur des Bleues, dans la mobilité aussi : « On a envie de jouer là-dessus, oui. On aime défendre, récupérer des ballons, jouer au contact, debout, mettre de la vitesse, de l’impact. Je sens à la fois de la détermination, de l’ambition, de la motivation. »

Un peu de pression aussi. « Forcément, répond-elle. C’est un poste à responsabilités. Je dois renvoyer la confiance que la Fédération et le club de Montpellier, en me laissant la liberté de choisir, ont bien voulu m’accorder. Je vais entraîner des filles avec lesquelles j’ai joué. Ce n’est jamais très facile de trouver le ton juste. Mais je suis déterminée à redoubler d’efforts pour réussir. Je suis bien entourée, dans le staff, le club, la famille. Et j’ai des convictions aussi. Et une devise : continuer à tout donner pour ne jamais rien regretter. »

Son rêve ? Qu’à la fin du Tournoi, l’équipe de France puisse s’appuyer sur des certitudes. Qu’elle possède la meilleure défense des six nations. Qu’elle ait produit du jeu. Du spectacle. Que ce socle soit solide, un tremplin pour demain.

Par Philippe Pailhoriès