Volley-ball : l’Avenir des Bleues passe par la Ligue A

L’équipe de France féminine de volley-ball ne fait pas partie de l’élite mondiale, une situation qui inquiète la Fédération française en vue des Jeux olympiques de Paris 2024. Cette dernière a trouvé un moyen d’améliorer sa formation : créer l’équipe France Avenir 2024 pour permettre aux filles du Pôle France de jouer en Ligue A féminine face à des professionnelles.

 
Quatorze formations évoluent en Ligue A féminine de volley-ball, mais l’une d’entre elles ne représente pas une commune. L’équipe France Avenir 2024 est composée de jeunes filles du pôle France, basé au CREPS de Toulouse. Depuis le début de la saison 2018-2019, elles découvrent le haut niveau face aux volleyeuses professionnelles de l’élite française. Une situation inédite voulue par la Fédération française de volley (FFVB) pour combler un déficit dans la formation féminine. « Nous sommes partis du constat que l’équipe de France masculine est 6e au classement mondial, mais l’équipe féminine est 53e », explique Éric Tanguy, le président de la FFVB. « Dans la perspective des Jeux olympiques à Paris en 2024, il était inconcevable de demeurer à un tel ranking qui de toute façon est indigne de la France. Actuellement, les joueuses de la Ligue A féminine (LAF) sont majoritairement étrangères. À nous de développer une filière française de qualité pour changer cette tendance. »
 

 

« Un exploit de la Fédération »

 
Afin de faire face à « ce chantier d’envergure », selon l’expression employée par la directrice technique nationale Axelle Guiguet, la Fédération française de volley a décidé de lancer très vite les meilleurs éléments du pôle France dans le grand bain de la Ligue A féminine, grâce à une équipe baptisée France Avenir 2024 et entraînée par Gaël Le Draoulec, ainsi qu’Émile Rousseaux, sélectionneur de l’équipe de France A (voir encadré). « Le projet a débuté en 2017 avec une partie de négociations avec la Ligue nationale de volley (LNV) pour obtenir que le Pôle France joue en LAF », raconte Axelle Guiguet. « C’est un exploit de la Fédération parce que ça n’existe pas ailleurs. » La convention signée entre la Fédération et la Ligue professionnelle dure jusqu’en 2023, un an avant l’échéance des JO. À noter qu’une telle équipe existe également chez les garçons et joue depuis la saison 2018-2019 en Ligue B masculine pour les mêmes raisons. Actuellement, 25 filles de moins de 19 ans pour la grande majorité, détectées par la Fédération dans des pôles espoirs régionaux, à l’exception d’une ou deux issues de clubs, font partie de la formation France Avenir 2024. La plupart d’entre elles ont déjà joué en équipe de France jeunes, en minimes, cadettes ou juniors. Par exemple, Amélie Rotar, réceptionneuse-attaquante et actuelle vice-capitaine, a suivi ce parcours. Arrivée au CREPS de Toulouse après avoir fait ses premières gammes au pôle espoir de Boulouris, près de Saint-Raphaël, elle a déjà porté le maillot bleu en équipe de jeunes. « On les connaît depuis 2 ou 3 ans avant de les faire venir au pôle France », relève Gaël Le Draoulec. Les joueuses s’entraînent environ 20 h par semaine avec des séances de préparation physique. Hors volley-ball, elles sont au lycée, pour la majorité, ou à l’université. Un groupe joue ses rencontres en LAF et le second en élite, le plus haut niveau des championnats nationaux organisés par la FFVB. « Les équipes ne sont pas figées, la maturité est prise en compte au moment de constituer les groupes », précise Axelle Guiguet. Les joueuses sortent du Pôle France au moment où elles signent dans un club professionnel, laissant la place à de nouvelles pousses repérées en région.
 

« Des vertus d’abnégation »

 
Lors de l’exercice 2018-2019 de Ligue A féminine, l’équipe France Avenir 2024 n’a remporté qu’un seul match, sur le parquet du Volley-Ball Club Chamalières. Cette saison, elle a terminé la phase aller sans victoire. « On sait que c’est compliqué de prétendre à remporter des rencontres face des joueuses plus expérimentées », reconnaît Gaël Le Draoulec. « L’important lors des matches est de mettre en place ce que l’on a travaillé lors de la semaine et appliquer la philosophie commune aux équipes de France féminines. Comme nous ne sommes pas dans l’optique de gagner à tout prix, on peut perdre un match tant qu’on a atteint nos objectifs. Nous n’avons jamais rencontré de problèmes d’engagement. Elles ont toujours montré des vertus d’abnégation. » « On sait qu’on ne va pas gagner le match, mais on va sur le parquet pour corriger nos erreurs », soutient Amélie Rotar. Le coach se réjouit de voir ses joueuses disputer des rencontres accrochées, prendre des sets et même marquer quelques points au classement en poussant leurs adversaires au tie-break. « Nous avons appris beaucoup sur le plan mental », confie la vice-capitaine. « Avant, on se laissait démotiver par les défaites. Depuis, l’équipe est devenue meilleure sur le plan mental et physique. On arrive à accrocher des matches à 3-2. » La priorité n’est pas d’atteindre le haut du tableau, mais bien de donner du temps de jeu au haut niveau à ces potentiels. « Depuis l’arrivée de l’équipe en LAF, les joueuses ont progressé sur le physique, au service. Il y a également une amélioration dans la compréhension et dans l’application des schémas », souligne Gaël Le Draoulec. Apprendre, faire des essais, changer de stratégie, tout est bon pour progresser : « Au début de la saison, j’étais pointue, puis Gaël Le Draoulec et Émile Rousseaux m’ont replacée réceptionneuse-attaquante », raconte Amélie Rotar. « D’autres coéquipières ont aussi changé de poste. Ce qui compte, c’est d’être au service de l’équipe. » La vice-capitaine et plusieurs de ses coéquipières ont également engrangé de l’expérience en côtoyant déjà les joueuses de l’équipe de France seniors lors d’un stage l’été dernier.
 

 

Deux joueuses passées pro

 
« L’objectif n’est pas de gagner, mais de les former le plus vite possible », insiste Éric Tanguy, qui qualifie cette équipe « d’accélérateur de performance ». « Après leur passage dans l’équipe France Avenir 2024, ces jeunes sont directement recrutées par les clubs », précise-t-il. « Généralement, une joueuse du Pôle France entre dans le centre de formation d’un club. Pour la première fois, elles peuvent intégrer directement l’équipe première », complète Axelle Guiguet. « Nous commençons à voir les premiers résultats », se réjouit le président de la FFVB. Deux joueuses ont intégré des équipes professionnelles au terme de la première saison de France Avenir 2024 en LAF : la centrale Amandha Sylves, titulaire au Volley-ball Nantes y compris en Ligue des champions, et Mahé Mauriat, réceptionneuse-attaquante au Saint-Raphaël Var VB. « Elle a moins de temps de jeu, mais à chaque fois qu’elle a été sur le parquet, elle a bien joué », souligne Gaël Le Draoulec. Amélie Rotar espère suivre leur exemple dès le début de l’exercice 2020-2021. « Je ne le saurai qu’à la fin de la saison », tempère-t-elle. « Les clubs sont encore très concentrés sur leurs performances actuelles et n’ont pas commencé leur recrutement. » La réceptionneuse-attaquante ne perd pas de vue l’objectif originel de son équipe actuelle : performer lors des Jeux olympiques à Paris en 2024. « J’y pense tous les jours avec mes coéquipières. C’est dans quatre ans, mais je sais que ça arrivera vite. Déjà, l’année 2019 est passée en un éclair pour moi. Participer aux JO est un objectif primordial. » Et bien y figurer est celui de la Fédération française de volley…
 
 

Le rôle d’Émile Rousseaux

Dans sa stratégie de revigorer la filière féminine de haut niveau, la Fédération française de volley souhaite instaurer la même philosophie de jeu à toutes les équipes de France. Ainsi, Émile Rousseaux, sélectionneur de l’équipe de France féminine A, a été nommé chef de projet et s’affaire à dynamiser le collectif France Avenir 2024. « Il est implanté au quotidien à Toulouse et peut assurer les entraînements quand il n’est pas avec les seniors », souligne Axelle Guiguet. « Émile Rousseaux forme également des coaches qui viennent s’imprégner des méthodes utilisées au Pôle France, afin de les reproduire ensuite dans leur structure. » Le sélectionneur a même pris place sur le banc lors de la moitié des matches de championnat LAF cette saison.
 

Par Leslie Mucret