Un sacré coup de Bigot

Le 2 octobre, à Doha (Qatar), Quentin Bigot est devenu vice-champion du monde de lancer de marteau. Une médaille d’argent en forme de récompense pour l’Hayangeois qui saisit pleinement sa deuxième chance.

 
Quentin Bigot est comme chez lui au Qatar. Lors des derniers Championnats du monde d’athlétisme, les têtes d’affiches que sont Renaud Lavillenie, Pierre-Ambroise Bosse, Yohann Diniz ou encore Kevin Mayer se sont cassés les dents sur ce rendez-vous si particulier. Mais le lanceur de marteau tricolore a lui bien répondu présent, se permettant même d’ouvrir le compteur de médailles pour la France. Il y a dix ans, ce Lorrain se distinguait déjà à Doha, lançant son marteau à 71,60 m pour aller chercher l’argent lors de la Gymnasiade, sous les couleurs de l’équipe de France UNSS. Dix ans plus tard, le marteau est plus lourd et la marque est de 78,19 m : pas son record personnel, mais suffisante pour à nouveau se parer d’argent. « C’est un rêve devenu réalité ! Il y a pile dix ans, j’étais venu ici et j’avais pris déjà la deuxième place. Mais cette fois, c’est vice-champion du monde senior, avec ma meilleure performance de l’année », analyse Quentin Bigot, ému de repenser à cette soirée qatarie. « J’ai compris que je serais quoi qu’il arrive sur le podium avant que le Hongrois Halász ne lance, toute la tension est retombée d’un coup. Je réalise ma meilleure performance de l’année et la meilleure performance depuis mon retour à la compétition. Je pourrais pinailler en demandant en plus mon record personnel, mais je suis tellement content comme ça. Cette médaille récompense le travail d’un passionné, un travail même monacal, mais aussi l’investissement des gens à mes côtés, mes coaches, ma famille, mon employeur, mes partenaires. Ils ont tous leurs centimètres dans ma réussite. » Une réussite qui a mis du temps à se construire, avec de nombreux rebondissements émaillant la carrière de l’Hayangeois, de Doha… à Doha.
 

« Le dopage, c’est de la merde »

Adolescent puis jeune adulte, Quentin Bigot vit un début de carrière prometteur. Champion d’Europe chez les juniors en 2011, le natif d’Hayange parvient à se qualifier pour les Jeux olympiques de Londres en 2012. À 19 ans seulement, il est le plus jeune représentant de l’équipe de France d’athlétisme à Londres. Une ascension irrésistible, un record personnel à 78,58 m établit en mars 2014… avant le choc. Au mois de juin de la même année, Quentin Bigot est contrôlé positif à un anabolisant. Résultat : quatre ans de suspension, dont deux avec sursis. À 21 ans. Le lanceur délaisse son marteau, avant de pratiquer à nouveau pour le plaisir, tout en se formant au métier de conducteur de train. Sa carrière de sportif aurait pu s’arrêter là. « Mais je sais que quand on a des coaches comme les miens qui donnent l’espoir d’avancer sereinement et proprement, eh bien on y arrive », lance Quentin Bigot. La rencontre avec Pierre-Jean Vazel, son coach depuis 2015, est décisive. L’Hayangeois remet les compteurs à zéro et reprend les chemins de l’entraînement afin de lancer sa « deuxième carrière ». Une renaissance récompensée il y a plusieurs semaines par ce titre de vice-champion du monde, obtenu sur les terres de ses premiers exploits, comme un signe du destin. Aujourd’hui, Quentin Bigot jette un regard lucide sur ce qu’il a vécu… sa « connerie » comprise. « En prenant énormément de recul, je vois que le dopage ne sert strictement à rien, que ça ne mène à rien. Ça apporte seulement des ennuis, on verra dans le futur si ce seront ou pas des ennuis de santé, mais le dopage, c’est de la merde. Je lance plus loin sans rien et ce sera comme ça jusqu’à la fin de ma vie ! »

« J’espère qu’on ne sera pas relégués sur des stades annexes »

Cette médaille d’argent obtenue aux Championnats du monde n’a pour le moment pas changé grand-chose au quotidien de Quentin Bigot. Certes, les sollicitations ont afflué après sa performance. Mais il demeure conducteur de train pour la société VFLI, un « métier-passion » débuté durant sa période de suspension et qu’il entend bien continuer. Le nouveau vice-champion du monde de lancer de marteau espère surtout que sa médaille va permettre d’apporter un coup de projecteur bienvenu sur la famille des lancers. Marteau, disque, javelot, poids : jamais un athlète français masculin n’avait obtenu une médaille dans ces disciplines aux Championnats du monde avant Quentin Bigot. « J’espère en effet que cette médaille va davantage mettre les lancers en avant, qu’on ne sera pas relégués sur des stades annexes », confie-t-il. « Mélina Robert-Michon était en finale (10e au disque, NDLR), Alexandra Tavernier l’était aussi (6e au marteau, NDLR), on est une force de l’équipe de France. Il faut nous considérer comme les autres athlètes, on s’entraîne aussi dur que les autres. Il y a des clubs partout pour accueillir les gens, le marteau c’est génial, il y a aussi le disque, le javelot, le poids. Venez essayer, notamment les jeunes dans mon club de Metz, je serais ravi ! »

« Je suis un gars calme et je saurai dire non à plein de choses »

Donner le goût de son sport, montrer la bonne voie après avoir dérapé, tel est le chemin emprunté par Quentin Bigot : celui de la rédemption. Devenu l’un des leaders de l’athlétisme français après sa médaille mondiale, le Hayangeois ne s’estime pas pour autant arrivé au bout du chemin. Tokyo pointe son nez dans moins d’un an. « Je vais répéter ce que Gilles Dupray (référent national des lancers et entraîneur d’Alexandra Tavernier, NDLR) a dit un jour : « Quand on a croqué la médaille un jour, elle a le goût du sang et on est comme un vampire, on a envie d’avoir encore plus de sang. » » Lors des prochains Jeux olympiques, ce sera donc objectif podium. En terre japonaise, il aura fort à faire pour devancer la Pologne, représentée par Paweł Fajdek, quadruple champion du monde et Wojciech Nowicki. Mais fort de sa médaille mondiale, Quentin Bigot s’estime, à juste titre, dans la meilleure période de sa vie. « J’espère maintenant pouvoir préparer sereinement les Jeux de Tokyo. Mais je suis un gars calme et je saurai dire non à plein de choses. » Notamment au dopage, pour celui dont le plaisir de pratiquer son sport est désormais le principal carburant.

« Une erreur de gosse »

« Je ne peux malheureusement pas me réjouir de la première médaille française de Quentin Bigot, comme je ne peux pas accepter de médaille de Justin Gatlin par exemple. » Des mots signés Arnaud Assoumani, champion paralympique français, dont ce tweet a également été apprécié par Martin Fourcade. La performance du lanceur de marteau tricolore fait débat, y compris au sein de ses confrères athlètes. Mais Quentin Bigot, droit dans ses bottes, se défend. « Quoi que je fasse, on me le reprochera jusqu’à la fin de mes jours. Moi, je fais tout pour expliquer que c’était une erreur de gosse. »

La bio express de Quentin Bigot :

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Par Olivier Navarranne