Voile : un « Rêve à perte de vue » pour combattre les préjugés

Joël Paris, skipper malvoyant, a lancé un projet collectif dans lequel un équipage composé de personnes déficientes visuelles traversera la Méditerranée à la voile. Le départ est prévu pour février prochain.

 
Des skippers qui se préparent à une traversée de la Méditerranée entre Marseille et Carthage, (Tunisie), ce n’est pas exceptionnel. Sauf que l’équipage « Rêve à perte de vue » est composé en majorité de personnes atteintes de déficience visuelle. Joël Paris, skipper malvoyant, s’est lancé dans ce projet en 2018 en partant d’un constat : « le handicap visuel est mal interprété par le monde de l’entreprise. Il faut changer les préjugés qui voudraient confiner les personnes en situation de handicap chez elles en montrant par l’exemple ce qu’elles peuvent accomplir. » Cette traversée de la Méditerranée à la voile a mûri dans son esprit : « C’est un sport que je connais et tout le monde peut partir sur la même ligne de départ, amateurs comme professionnels ».
 

« Tout le monde dans l’équipage est indispensable »

En 2019, l’équipage, qui s’élancera à bord d’un Half tonner, un bateau très présent lors de la Solitaire du Figaro dans les années 80, s’est constitué. Olivier Brisse, un barreur expérimenté et aveugle, et Valérie Garibaldi, malvoyante, ont rejoint le projet. Ils seront accompagnés par François Xavier Adloff et Marwane Latreche, deux étudiants de l’école de la marine marchande à Marseille, tous les deux valides. « On aurait pu faire sans personnes valides, mais nous commençons étapes par étapes dans ce projet et nous avions besoin de rassurer nos proches », avance Joël Paris, avant d’insister : « Ils ne sont pas des supplétifs ! Tout le monde dans l’équipage est indispensable. » L’instigateur du projet s’est également occupé de trouver des partenaires financiers. La Fédération française des aveugles de France, AG2R, Atmo Sud ou encore une entreprise d’expertise immobilière, entre autres, ont répondu à l’appel. « Ça fait chaud au cœur d’être suivi, ça donne envie de continuer », se réjouit le skipper. L’équipage est également parrainé par Kito de Pavant.

Départ en février 2020

Le Half tonner devait partir fin octobre du Vieux Port de Marseille pour tenter de railler les côtes de Sidi Bou Saïd en Tunisie, en deux jours et demi. Malheureusement, aucune fenêtre météorologique ne s’est présentée. « Nous devons partir dans des conditions de mistral conséquent par l’arrière », rappelle Joël Paris. L’un des deux étudiants partant en stage, la traversée a été reportée à février 2020. En attendant, les cinq membres de l’équipage vont continuer de s’entraîner régulièrement et de faire progresser de bateau. « Nous allons aussi essayer de trouver de nouveaux sponsors et continuer à être visible », ajoute l’instigateur du projet.
 

Une transatlantique avec les partenaires

La traversée Marseille-Carthage n’est que le début du projet « Rêve à perte de vue ». « L’étape numéro 2 est d’effectuer une transatlantique », explique Joël Paris. « Pour cela, il faudra acquérir un Class 40, un vrai bateau de course mais pas trop compliqué à manœuvrer et plus accessible financièrement. » L’objectif est toujours le même, prouver que les personnes atteintes de déficience visuelle sont capables de relever de tels défis. « Nous voulons amener des partenaires à naviguer avec nous afin de créer des passerelles et montrer que les personnes en situation de handicap sont des battants qui peuvent être utiles aux employeurs en général », précise le skipper.

Leslie Mucret