Tom Dollé : « J’y suis allé un peu à la cool et j’ai gagné »

Le jeune kayakiste lyonnais, bientôt 20 ans, revient sur son titre champion du monde de canoë freestyle glané l’an dernier. Tout en humilité et en simplicité. Rencontre.

Il y a un an, vous êtes devenu champion du monde en canoë freestyle…
Oui, j’ai toujours pratiqué un peu le canoë mais pas forcément sérieusement. J’ai quand même réussi à me sélectionner pour ces Championnats du monde qui se déroulaient en Espagne. Donc, je me suis dit « allons-y » (sourire). Une fois sur place, je suis arrivé en finale et j’étais déjà super content. Je n’avais alors plus rien à perdre. Donc j’ai tout donné et… j’ai gagné ! J’y suis allé à la cool et finalement, ça s’est super bien passé.

Tellement bien passé que vous avez gagné au nez et à la barbe des plus grands, notamment votre idole Dane Jackson…
Oui, pour moi, c’est le meilleur, c’est le Dieu de la discipline. C’est vraiment mon modèle depuis que j’ai commencé. C’était un rêve d’arriver à son niveau. Donc c’est énorme d’avoir fini devant lui, j’étais super content. Lui il était dégoûté mais il était content pour moi aussi (rires). De mon côté, cette victoire m’incite à conserver mon titre l’an prochain lors des Mondiaux de Nottingham.

Oui car le canoë, ce n’est pas votre discipline…
Ma discipline, c’est le kayak freestyle. C’est ce que j’aime faire par-dessus tout. J’ai été champion du monde junior 2017 en Argentine, à San Juan. L’an dernier, j’ai terminé 4e pendant que Dane Jackson a été sacré champion du monde.

Votre objectif, c’est aussi de le détrôner en kayak ?
Mon but, c’est de remporter les Championnats du monde freestyle dans les deux épreuves, en kayak et en canoë. Seul Dane Jackson a déjà réussi le doublé. En fait, nous ne sommes que trois à participer aux deux disciplines. Le troisième, c’est le Français Sébastien Devred.

Comment avez-vous débuté le kayak ?
Mes grands-parents maternels étaient importateurs des pagaies Asahi et mon père était kayakiste en équipe de France avant de tenir pendant 20 ans le magasin KWA, d’abord dans Lyon puis à Saint-Priest. Lui pratiquait de la descente mais l’un de ses employés, Yoann Amouriq, était l’un des meilleurs au monde en freestyle. C’est lui qui m’a tout appris. J’ai commencé sur les rivières artificielles de Saint-Pierre-de-Bœuf (Loire) et de Sault-Brenaz (Ain) à 9 ans. J’ai enchaîné rapidement avec la compétition au « Natural Games » à Millau.

À Lyon, vous bénéficiez du spot Hawaï-sur-Rhône réputé dans le monde entier ?
C’est un mur de 2 mètres sur le Rhône, à hauteur du parc de la Feyssine. C’est une des meilleures vagues du monde. Mais elle varie énormément en fonction du débit d’eau. Jusqu’en 2009, elle fonctionnait toute l’année et même avec un petit débit. Depuis qu’un des deux plots de béton s’est effondré, elle ne fonctionne qu’à partir de 850 voire 1000 m³ par seconde. Et le débit peut aller jusqu’à 3000 m³ par seconde. C’était le cas lors de la crue du Rhône en 2018. Une fois qu’on a évacué l’appréhension, les sensations sont énormes. Quand tu surfes, ça rebondit énormément. Pour le freestyle, c’est top. Mais les niveaux sont tellement aléatoires que c’est compliqué d’organiser une compétition ici.

Quel est votre programme durant cette année sans compétition ?
Je me suis plus beaucoup concentré sur la rivière. Je suis parti pendant 4 mois au Chili cet hiver pour enchaîner les descentes entre potes avec l’Américain Hayden Voorhees, le Chilien Kilian Ivelic et Mateo Champailler, un autre Français. Je suis revenu début mars, juste avant le confinement. Depuis le déconfinement, j’ai fait deux trips en Ardèche avec Nouria Newman (kayakiste spécialiste de l’extrême). Et puis, je travaille aussi en slalom, cela me permet de revoir des bases techniques pour pagayer propre en rivière car j’ai tout de suite pratiqué le freestyle et je n’ai jamais pris de cours.

Comment arrivez-vous à vivre de votre passion ?
On ne bénéficie pas de beaucoup d’aides de la fédération car le kayak freestyle n’est pas une discipline olympique. Tout mon équipement est pris en charge par plusieurs marques. Pour financer les déplacements, tout se fait avec des sponsors et en bossant à droite, à gauche. En ce moment, je travaille quelques mois à l’usine. Je vais aussi passer mon DE JEPS pour devenir moniteur de kayak. Je sais que tant que le freestyle ne sera pas olympique, on n’arrivera jamais vraiment à en vivre. C’est un peu frustrant. Mais ça restera toujours une discipline fun et c’est l’essentiel.

Propos recueillis par Sylvain Lartaud