Delphine Claudel : « Ce n’est que le début »

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Première Française à remporter une Coupe du Monde de ski de fond, Delphine Claudel (26 ans) revient sur cette performance majuscule. La Vosgienne fait le plein de confiance pour la suite de la saison. 

On est maintenant une semaine après votre victoire à Val di Fiemme. Est-ce que vous réalisez la portée de votre performance ?

Je m’en rends compte petit à petit. Je suis vraiment contente de ce que j’ai fait. Je réalise que c’est un grand moment de ma carrière, et c’est génial de se dire que j’ai marqué l’histoire de mon sport. Sur le coup, je n’y ai pas pensé une seule seconde, on me l’a fait comprendre après. Quand je suis en course, je ne pense vraiment à rien d’autre. Après la ligne d’arrivée, c’était vraiment un moment spécial.

Comment avez-vous vécu cette course ? C’est déjà à Val di Fiemme que vous aviez décroché vos deux premiers podiums : il devait déjà y avoir de la confiance en arrivant ?

Oui, c’est clair. J’étais sereine parce que j’arrivais un petit peu malade, alors c’était que du bonus. Au fil des jours, je me sentais très bien. J’arrivais sans pression. Tout n’était pas parfait, mais je sentais qu’il y avait quelque chose à faire ce jour-là. Le plan, c’était d’être en contact jusqu’au début de la bosse finale, où je savais que je pouvais être bien. C’est exactement ce qu’il s’est passé. Je me suis même dit « c’est marrant, ça part pas vite cette année ! ». A l’approche de la montée, j’ai pris la course en main pour accélérer. Sur le finish, je n’étais pas du tout stressée, je savais que j’allais pouvoir faire mal. Tout s’est bien déroulé, c’était super.

« Je suis fière de montrer aux autres filles que c’est possible »

Qu’est-ce qui explique que cette montée de l’Alpe Cermis vous réussit si bien ?

C’est un effort qui est très linéaire, et c’est ce que j’apprécie. Les compétitions avec beaucoup de changements de rythme, j’ai un peu plus de mal. Habituellement, sur les montées, je ne suis pas particulièrement au-dessus des autres, je suis loin de me promener ! C’est vraiment le fait que ce soit linéaire : j’arrive à garder un seuil très élevé, je ne suis pas en lactique et je développe une belle vitesse de déplacement. C’est un effort qui me correspond.

Qu’est-ce que ça fait d’être la première à réaliser la performance de décrocher l’or en Coupe du Monde ?

C’est une grande fierté. Je le prends comme une récompense du travail de toutes ces années, pour ce que l’on a construit. Ce n’est que le début de quelque chose de beau. Je suis fière de montrer aux autres filles que c’est possible, que c’est réalisable. Personnellement, j’y ai toujours cru. Mais entre s’entraîner pour et y croire, ce n’est pas la même chose.

« Ne plus revivre les regrets de Pékin »

Qu’est-ce que cette première victoire va changer pour la suite de votre saison ?

Fondamentalement, ça ne va pas changer grand-chose en termes d’objectif. Je garde les mêmes attentes envers moi-même, qui sont ambitieuses. C’est vrai que je serai plus regardée, plus surveillée sur les skates. En tout cas, ça m’apporte surtout de la sérénité et de la confiance.

Qu’avez-vous tiré de votre expérience lors des derniers Jeux olympiques ?

Cette compétition était importante aussi en termes de confiance. C’est ce qui a fait qu’à Val de Fiemme, je n’ai pas eu « peur de gagner ». A Pékin, je me suis retrouvée dans une situation où je pouvais jouer la gagne ou au moins un podium olympique, et ça ne m’était jamais arrivé. Je passe à côté de la fin de course, j’étais trop spectatrice. Sur le coup, ça a été une vraie déception. Maintenant, je me rends compte que c’est une leçon qui m’a servi. Dans tous les cas, ça aurait vraiment été compliqué d’aller chercher une médaille, mais je ne veux plus revivre ces regrets.

« Je ne veux pas faire tous ces efforts pour rien »

Votre ancien entraîneur Thibaut Chêne a déjà évoqué votre « approche mentale radicale ». C’est de cet état d’esprit qu’il voulait parler ?

C’est vrai que je suis quelqu’un de très dur avec moi-même. Je fais les choses à 100%. Dans le sport, comme dans la vie, et ça se ressent dans ma performance. Ça peut être un point positif comme négatif, puisque cela prend beaucoup de place et ça peut être une vraie charge mentale. C’est radical dans le sens où je veux absolument que ça fonctionne, quitte à laisser peu de lest. Je ne veux pas faire tous ces efforts pour rien. C’est ça qui est d’autant plus frustrant aux Jeux olympiques, puisque l’aspect mental est un facteur maîtrisable, sur lequel je suis plus armée aujourd’hui.

Désormais, on approche de la grande échéance de la Coupe du Monde à domicile, aux Rousses (Jura). Cela promet d’être aussi un grand moment pour vous et l’équipe de France ?

Oui, c’est super de voir le circuit revenir en France. Pour tous les fans, pour le staff, pouvoir partager ce moment avec le public, c’est super. Avec le covid etc, ça fait deux ans maintenant que c’est annulé. Avec les conditions météos en ce moment, ce n’est pas évident. Je croise les doigts pour que ça ait bien lieu !