Romain Molina : « Emery ne joue pas de rôle »

Au mois de janvier dernier, Romain Molina a sorti son troisième livre, la biographie autorisée de l’entraîneur du PSG, Unai Emery, éditée par Hugo Sport. Entretien.

 

Comment a germé l’idée de consacrer un livre à Unai Emery ?

C’est mon éditeur, Bertrand Pirel, qui m’a appelé fin juin ou début juillet afin de me proposer le projet. Son idée était de réaliser plus ou moins ce qu’ils avaient fait autour de Marcelo Bielsa (« El Loco Unchained » de Thomas Goubin). De mon côté, j’étais dans l’écriture de « Génération Parker » avec mon collègue Benjamin Henry, donc j’ai réfléchi et j’ai finalement accepté, car j’ai vu que je pouvais faire une œuvre comme je l’entendais : c’est-à-dire, non pas une présentation de l’homme et l’entraîneur, mais un véritable ouvrage personnel, avec bon nombre de témoignages et participation du principal intéressé. Donc pendant trois mois, vu l’investissement, on peut dire que j’ai rêvé d’Unai Emery . Ce qui était relativement inquiétant pour ma santé mentale, mais on s’y fait, bien que c’est troublant de voir Unai au bord de son banc de touche dans tes songes ; a fortiori, quand tu as l’habitude de rêver de douces femmes en petite tenue, mais ne nous égarons pas.

Quels sont les principales qualités du technicien espagnol ?

Qu’il soit lui-même. Il ne joue pas de rôle, il ne fait pas de « politique » ou de connivence avec telle personne pour en tirer de bénéfice. Unai, il est juste lui-même, avec tous ses traits de caractère (travailleur, honnête voire candide, perfectionniste, bavard…). Ensuite, si on veut aller un poil plus dans les détails, il a une capacité de travail assez dingue. C’est quelqu’un de brillant en matière de stimulation intellectuelle aussi, et pas uniquement parce qu’il lit beaucoup de livres, notamment sur la psychologie et le développement personnel. Je dirais également qu’il a le don pour s’occuper des écorchés vifs et de comprendre des joueurs que personne ne comprend, comme Felipe Melo. C’est pour ça que je rigolais quand certains s’inquiétaient pour sa gestion des « stars » ou des « égos ». Gérez Felipe Melo, un mec dont ses propres coéquipiers à Almeria pensaient « qu’il allait tuer quelqu’un un jour ». Les mecs du PSG à côté, ce sont des chatons.

Considérez-vous qu’il fasse actuellement partie des tous meilleurs entraîneurs au monde ?

Beaucoup de grands entraîneurs – Ancelotti, Guardiola, Del Bosque… – estiment énormément Unai, donc à partir de là… Ils sont plus légitimes que moi et nous tous, non ? On ne se rend peut-être pas compte en France, mais il a une sacrée réputation dans le milieu. Il suffit de parler, en off ou non, à des gens importants dans le football, des directeurs sportifs, joueurs, etc… Même un joueur comme Iago Aspas, et Dieu sait qu’ils se sont pris la tête, le dit aujourd’hui. Il peut être chiant Unai, très chiant avec ses vidéos et ses coups de sifflet à l’entraînement, mais il a réussi des choses que très peu d’entraîneurs ont fait dans leur vie (et pas uniquement vis-à-vis de Banega, Melo ou Medel). Je rappelle juste que Lorca et Almeria ont connu les meilleures saisons de toute leur histoire avec lui. Allez à Lorca, une ville ravagée et touchée par la pauvreté, puis imaginez-vous ce club proche de la Liga (à un penalty près, celui raté par leur attaquant Facundo Sava à Levante).

Estimez-vous qu’il soit en partie responsable de la débâcle au Camp Nou ?

Évidemment, comme tout le monde. Il y a beaucoup d’explications et aucune à la fois : il y a un côté irrationnel dans ce match, rien qu’à voir les deux premiers buts abracadabrantesques pour s’en convaincre. Sa responsabilité est engagée sur l’avant-match, car il a dû foirer un truc dans l’approche psychologique, oui. Ce qui est bizarre, c’est que le plan de jeu a toujours été bien suivi, sauf pour ce match. Il n’a jamais demandé aux joueurs de parquer le bus, mais d’attaquer… Donc oui, responsabilité, mais comme tous les autres (au hasard les gens du club regardant déjà les prix des hôtels à Cardiff pour la finale…).

Ce fiasco ne risque-t-il pas de lui coller à la peau jusqu’à la fin de sa carrière ?

A moins qu’il ne fasse un jour l’inverse contre le Barça, oui, on risque de souvent en parler. Comme de ses Europa League qui éclipsent tout le boulot de fond qu’il a fait à Lorca, Almeria ou Valencia d’ailleurs.

Propos recueillis par Arnaud Lapointe