Open Sud de France 2023 : Retour à la normale

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Après deux éditions hachées par les restrictions sanitaires, l’Open Sud de France 2023, le tournoi ATP 250 de Montpellier, retrouve du 5 au 12 février son confort et ses habitudes. Avec un plateau éclectique qui séduira les connaisseurs puisque dix joueurs figurent parmi les quarante premiers mondiaux, et que les Français semblent sur une bonne dynamique.

Holger Rune (Danemark) – 19 ans

L’un des leaders de la jeune génération avec Carlos Alcaraz, Jannik Sinner ou Félix Auger-Aliassime. 475e mondial au début de l’année 2021, le Danois s’est hissé dans le top 10 au bénéfice de ses succès en 2022, à Munich, Stockholm face à Stefano Tsitsipas, et surtout au Rolex Paris Masters, son premier triomphe en Masters 1000, après avoir écarté cinq membres du top 10 dont Novak Djokovic en finale. Battu par Casper Ruud en quart de finale à Roland-Garros, Holger Rune est porté par une foi absolue en son tennis d’attaque, et une grande confiance dans son jeu, mélange de puissance et de coups plus en finesse. Joueur de caractère, il se singularise par sa longueur de balle, sa vitesse de frappe, et sa capacité à aller au filet pour conclure.

S’il a démarré l’année par des victoires à l’Open Markal Bourg-de-Péage et l’Open de Caen, l’ancien vainqueur de Roland-Garros junior s’est incliné en trois sets face à Yoshihito Nishioka au premier tour du tournoi d’Adélaïde.

L’œil de Sébastien Grosjean : « Nous avions assez tôt parié sur Holger, mais on ne pensait pas qu’il allait gagner aussi vite. Avec son jeu complet, je ne suis pas étonné de le retrouver dans le top 10. »

Jannik Sinner (Italie) – 21 ans

Quart de finaliste à Roland-Garros dès sa première participation en 2020, Jannik Sinner incarne la promesse de renouveau du tennis italien. Ancien champion de ski, le jeune homme à la tignasse rousse est né dans les montagnes du Trentin-Haut-Adige et a grandi sur le dur plutôt que sur terre battue. Avec son revers à deux mains, ce droitier est un redoutable compétiteur, imperturbable, appliqué et réservé. Son jeu de démolisseur des deux côtés avec une petite préférence pour le revers long de ligne, la qualité de son service en font un joueur spectaculaire. Quart de finaliste l’an passé à l’Open d’Australie, Wimbledon et l’US Open, il a battu Carlos Alcaraz en finale du Plavia Laguna Croatian Open à Umag, l’une de ses trois victoires face à un membre du top 10 en 2022. S’il est redescendu à la 16e place à l’ATP, il avait occupé le 9e rang en novembre 2021, après notamment ses succès à Washington, Sofia et Anvers, et une place de finaliste au Masters 1000 de Miami face à Hubert Hurkacz.

L’œil de Sébastien Grosjean : « Jannik a un très fort potentiel, il est très beau à voir jouer. A Roland-Garros, il a été le premier joueur né au XXIe siècle à se hisser en quart de finale d’un Majeur. »

Grigor Dimitrov (Bulgarie) – 31 ans

« Baby Federer » est de retour et chacun se félicite de la présence de celui qui avait réalisé en 2017 une saison exceptionnelle achevée à la 3e place à l’ATP après notamment une victoire au Masters de Londres sur David Goffin. Avec son jeu de fond de court moderne, ses qualités athlétiques et sa vitesse, puisqu’il court le 100 mètres en 11 secondes, le Bulgare a remporté huit titres depuis 2013, et disputé les demi-finales à Wimbledon (2014), l’Open d’Australie (2017), et l’US Open (2019). Défenseur hors pair, capable de coups étonnants, surtout lorsqu’il doit improviser, Grigor Dimitrov a un charisme incomparable et figure dans le top 30 depuis dix ans maintenant. Même s’il n’a plus rien gagné depuis 2017, sa motivation est intacte et il est convaincu de pouvoir encore améliorer son jeu auprès de Jamie Delgado, l’ancien entraîneur d’Andy Murray, désormais à ses côtés. Les pépins et les blessures de l’année dernière semblent derrière lui, et 2023 pourrait être l’année du renouveau.

L’œil de Sébastien Grosjean : « Il a une technique et un jeu spectaculaires. On le compare à Roger Federer, ce n’est pas rien. Il a été n°3 mondial, a gagné le Masters. Nous lui avions déjà offert une wild card en 2020. »

Arthur Rinderknech – 27 ans

Il a emprunté des chemins de traverse pour percer à 26 ans et intégrer le top 50. Arthur Rinderknech a baigné dans le tennis, mais est allé chercher aux Etats-Unis la motivation, la volonté qu’il n’avait pas forcément manifestées dans les quelques Futures qu’il a disputés à ses débuts. Avec un bac scientifique en poche, il s’est donc exilé à 18 ans, a passé quatre années à l’université Texas A&M à College Station, acquis un diplôme en business, mais s’est surtout épanoui et a cultivé ce goût immodéré de la compétition. Le Varois possède deux coups très forts, le service et le coup droit, mais il sent surtout le jeu et fait toujours preuve d’une grande lucidité tactique. Malgré son mètre quatre-vingt-seize, il se déplace plutôt bien, et n’est jamais meilleur que dans les grosses ambiances, sous la pression de l’enjeu, comme lorsqu’il disputait les matches par équipes aux Etats-Unis. Il aime plus que tout jouer avec le public, aller chercher les points de manière offensive. Extérioriser sa joie. Il a l’ambition de viser haut. On dit qu’il a plus le tennis de sa mère, Virginie Paquet, 208° mondiale en 1989, que celui de son père, ancien -15 juste grâce à sa volée et un touché hors norme. Un tennis qui lui a permis de remporter son premier match dans un Grand Chelem en 2021 à l’US Open, avant de s’imposer à Adélaïde il y a un an face à Thanasi Kokkinakis. Sébastien Grosjean l’apprécie d’autant mieux qu’il l’avait sélectionné pour la phase finale de Coupe Davis fin 2021.

L’œil de Sébastien Grosjean : « Il a un parcours atypique, et une maturité tardive après, notamment, quatre années passées en université au Texas. »

Benjamin Bonzi – 26 ans

Personne n’a oublié son match contre David Goffin en 2021. Après avoir écarté Lucas Pouille, le Nîmois avait certes perdu en trois sets, mais enflammé le central de Montpellier et débuté une saison qui lui a permis d’entrer dans le top 100 au gré de ses succès à Ostrava, Segovia, Saint-Tropez, Cassis et Rennes. Depuis, le protégé de Lionel Zimbler a bien grandi. Au début du mois de janvier, il a même failli devenir n°1 français devant Adrian Mannarino, mais s’est incliné en finale du Tata Open Maharashtra de Pune, en Inde, face au Néerlandais Tallon Griekspoor et doit donc se contenter de la 50e place. Sur le grand circuit, sa progression reste pourtant linéaire. Il a maintenant la capacité à maintenir des intensités élevées plus longtemps, une plus grande stabilité dans son jeu. Il s’est surtout amélioré dans la gestion de ses émotions et parvient à mieux maîtriser les différentes situations. Son style, fait de variations, et un gros service lui permettent de rivaliser avec les meilleurs et notamment Aslan Karatsev, n°15 mondial, l’an passé à Marseille. Même s’il a bien compris qu’il devait encore progresser pour viser plus haut. Améliorer son service. Sa constance. Son relâchement. A Adélaïde, récemment, il a disposé d’une balle de match face à Robin Haase, mais s’est incliné en trois sets. A Montpellier, il compte bien retrouver toutes ses sensations. C’est sur ce court qu’il avait disputé en 2019 sa première finale, associé à Antoine Hoang, face à Ivan Dodig et Edouard Roger-Vasselin.

L’œil de Sébastien Grosjean : « C’est l’autre local de l’étape montpelliéraine. Il a réalisé une très belle saison en 2022, et semble parti sur les mêmes bases avec une finale en Inde. »

Richard Gasquet – 36 ans

Monsieur l’ambassadeur est évidemment annoncé. Il est chez lui à Pérols. Il a remporté trois éditions, comme Gaël Monfils, disputé six finales, participé à dix des douze éditions précédentes. A Auckland courant janvier, sa longueur de balle et sa bonne couverture du terrain lui ont offert le 16e titre de sa carrière et une place de n°1 français qu’il n’avait plus occupée depuis 2016. Il a donc entamé en Nouvelle Zélande sa 22e saison consécutive par au moins une victoire sur le circuit ATP. Seuls Roger Federer (24), Feliciano Lopez (22) et Guillermo Vilas (22) ont réussi cette même performance. Il claironne que tant qu’il figure dans un top 100 qu’il fréquente depuis plus de 900 semaines, et qu’il peut donc intégrer directement les tournois du Grand Chelem, il poursuivra sa carrière. Il n’empêche. A 36 ans, les occasions de le voir délivrer son majestueux revers à une main s’amenuisent. Pour son seizième Open d’Australie, avec le forfait de Gaël Monfils et les départs à la retraite de Jo-Wilfried Tsonga et Gilles Simon, il était le dernier des « nouveaux mousquetaires » sur le court. Il joue de manière beaucoup plus offensive que par le passé, sans doute parce qu’il n’est plus aussi fort physiquement, mais il prend surtout énormément de plaisir à enchaîner les rencontres et les victoires. Il a toujours envie, c’est une évidence. Il n’avait jamais joué à Auckland. Son bonheur était communicatif et annonce d’autres beaux jours pour celui qui restera à jamais comme le chouchou de l’Open.

L’œil de Sébastien Grosjean : « Richard est le joueur français qui a remporté le plus de matches sur le circuit, il porte le tennis français depuis vingt ans, et il est comme chez lui à l’Open. C’est notre meilleur ambassadeur. »

Constant Lestienne – 30 ans

Il y a encore douze mois, il peinait à marquer des points sur le circuit Challenger. Le 3 janvier dernier, il affrontait Novak Djokovic à Adélaïde. Voilà l’itinéraire tortueux d’un enfant gâté, suspendu sept mois pour avoir parié sur des matches entre 2012 et 2015, et qui a intégré le top 100 le 1er août 2022, à l’âge de 30 ans, avant de figurer aujourd’hui à la 65e place au bénéfice de ses succès de l’été à Malaga, Pozoblanco et Vancouver. Son parcours l’an passé, et notamment un dernier carré à Tel-Aviv après un succès sur Maxime Cressy, le seul et unique face à un top 50, lui a d’ailleurs assuré une place directe à l’Open d’Australie, son premier tableau final de Grand Chelem.

Doté de tous les coups du tennis, et notamment une grande variété de jeu, une créativité et un touché de balle remarquable, l’Amiénois, surnommé « le magicien » sur le circuit, a longtemps été freiné par les blessures. D’ailleurs, ralenti par une polyarthrite rhumatoïde, son corps a longtemps été son pire ennemi, avant qu’une préparation ciblée ne lui permette de réaliser une vraie saison complète. Mieux encadré, entraîné par Julien Varlet à la French Touch Academy, il a retrouvé toute sa confiance et a pu enchaîner les résultats grâce à une intelligence de jeu qui lui permet d’arriver enfin à maturité et d’exprimer tout son potentiel. Touché à l’épaule à Auckland, il n’a pas pu disputer sa demi-finale face à Richard Gasquet. Partie remise…

L’œil de Sébastien Grosjean : « Il a un jeu atypique et une trajectoire étonnante puisqu’il est entré dans le top 100 à l’âge de 30 ans. C’est un joueur méconnu, mais l’Open est aussi l’occasion de faire découvrir les talents. »

Par Philippe Pailhories