Olivier Cloarec : « Jouer une finale de Pro D2 en 2023 »

Bien installé en Pro D2, le RC Vannes joue les premiers rôles cette saison. Le président de l’unique équipe professionnelle bretonne, Olivier Cloarec, revient sur ce début de saison particulier avec la crise sanitaire et évoque les secrets de la réussite de son club, bien décidé à s’installer durablement au plus haut niveau.

 
Avec sept victoires lors des huit premières journées de Pro D2, j’imagine que vous êtes satisfait du début de saison de votre club… 
 
Oui, c’est un bon début de saison. Depuis le mois de juin, où l’on a commencé à faire des tests chaque semaine, on a cette chance de ne pas être trop perturbé par le Covid-19. Nous n’avons pas eu un seul cas au club, le groupe a des semaines d’entraînement normales. On a pu jouer tous les week-ends, sans avoir de match reporté pour l’instant. Grâce à cela, c’est plus facile d’être opérationnel lors des matchs. C’est une bonne chose pour nous de ne pas être perturbés par tout cela, contrairement à d’autres clubs, qui peuvent l’être aujourd’hui.
Sur le plan comptable, sept victoires en huit matchs, avec déjà trois succès à l’extérieur, cette équipe montre qu’il se passe quelque chose dans le groupe. Elle affiche de la sérénité et de la maîtrise autant à domicile qu’à l’extérieur, et ça fait plaisir à voir.
 
Cela n’a pas été trop compliqué de repartir pour une nouvelle saison avec la crise sanitaire ?
Ça a été compliqué pour tout le monde. Quand la saison a été arrêtée, il y avait beaucoup d’interrogations et d’incertitudes. Il fallait déjà régler les problèmes financiers de la saison dernière. Il restait sept journées à disputer, dont quatre matchs à domicile pour nous. Quand vous faites les comptes, vous pensez à vos abonnés et à vos partenaires qui avaient payé la totalité de l’année, ça représentait 1,1 ou 1,2 million d’euros pour nous, qu’il fallait rembourser. Cela a été notre priorité de savoir comment passer ce moment-là. Nous avons fait un appel à la solidarité auprès de nos abonnés et partenaires, on leur a demandé de nous aider dans ce moment difficile, et de ne pas demander le remboursement de ces quatre derniers matchs. A 98%, ils ont été d’accord, et cela a été une grosse bouffée d’oxygène sur le plan financier.
Une fois que l’on a obtenu ça, on s’est dit qu’il fallait absolument ne pas casser la dynamique que nous sommes en train de créer sur les quatre dernières saisons. Une dynamique sportive, car on sent bien que ce groupe évolue année après année, et qu’il progresse. Mais aussi toute cette dynamique autour de nous, cette ferveur chez nos supporters, chez nos élus. Il se passe quelque chose à Vannes, avec près de 8000 personnes chaque soir de match. On ne voulait pas repartir en se disant : « On fait une saison blanche, on verra ce qui va se passer, et on prend un minimum de risques. » Nous avons fait l’inverse, on s’est dit que la bonne gestion économique du club lors des quatre premières saisons en Pro D2 nous avait permis de sortir de bons résultats financiers chaque année. Que c’était le moment de réinvestir et de donner du sens à ce qu’on avait réussi à faire lors de ces quatre premières années en Pro D2. Nous voulions tout faire pour être prêts sur la ligne de départ pour cette nouvelle saison. Même si notre budget a baissé, notre masse salariale pour les joueurs n’a pas baissé, au contraire. Pour la première fois, on a créé un budget déficitaire, on a accepté de créer un budget à – 800 000 ou – 900 000 euros pour cette saison, avec l’objectif d’être compétitif dès le mois de septembre.
 

« Notre projet se construit autour de l’économie bretonne »


Quels sont vos objectifs, cette année et à plus long terme ?
Nous n’avons pas annoncé d’objectif sportif pour la fin d’année. J’ai annoncé un nouveau projet de club aux joueurs et au staff. On avait créé un projet il y a quatre ans, quand nous sommes montés en Pro D2, qui était celui de participer aux phases finales pour 2020. On s’était donné quatre ans pour cela. Quand vous venez du monde amateur et que vous arrivez chez les pros, ce n’est pas simple d’exister. C’était déjà un projet ambitieux de dire aux sportifs que nous avions quatre ans pour disputer les phases finales. Ils ont été plus vite que ce qu’on avait prévu, puisqu’ils l’ont fait un an plus tôt, avec une demi-finale à Brive. Nous avons donc écrit un nouveau projet, « Ambition 2023 », avec un objectif qui a été donné aux sportifs, qui est d’être en mesure de jouer une finale de Pro D2 en 2023. Si l’on veut jouer une finale en 2023, on peut penser qu’évidemment, c’est bien de pouvoir jouer la qualification chaque année, et d’aller chercher cette expérience des matchs éliminatoires, qui sont des rencontres particulières. Ca nous laisse le temps de construire et de continuer à structurer le club.
Nous avons des projets structurants, notamment avec un terrain synthétique que l’on est en train de réaliser, un tout nouveau centre d’entraînement, on a déposé le permis de construire. C’est un investissement de 5 millions d’euros pour nous. Aujourd’hui, notre centre d’entraînement, ce sont des algécos et un chapiteau pour la salle de musculation. Nous voulons construire un centre d’entraînement en dur. Ce sera 2000 m² de bâtiments et cela répondra aux standards d’un club qui se veut ambitieux et qui a envie d’aller jouer le plus haut niveau. Il est capital pour nous de réaliser ce projet. Après, nous sommes en train de réfléchir à l’évolution du Stade de la Rabine puisque notre stade, aujourd’hui, c’est 9400 places. On sait qu’il n’y aura pas de projet Top 14 sans faire évoluer ce stade et aller chercher 14 ou 15 000 places. Il faut du temps pour faire tout ça, et on s’est donné trois ans pour réaliser ces projets. Pour ce qui est du domaine sportif, à eux de continuer à travailler dur, à progresser et à essayer d’aller chercher la qualification chaque année.
 
Vous avez également souhaité faire un gros travail pour attirer les jeunes vers le rugby, en créant la Breizh Rugby Académie. Est-ce que vous pouvez m’en parler ?
C’est capital de le faire, et c’est ce que nous arrivons à faire depuis des années déjà. C’est aussi cela qui génère une ferveur aujourd’hui au sein du club et tout autour de nous. La Breizh Rugby Académie, c’était essentiel, et depuis deux ans, nous avons la chance d’avoir récupéré le Pôle Espoirs et d’avoir créé une académie fédérale. Cela nous permet de recruter dans le grand bassin ouest. C’est la Bretagne avant tout, parce qu’on cherche des profils de jeunes Bretons avec un fort potentiel. Notre projet de club se construit autour de l’économie bretonne, autour des valeurs et de la culture bretonnes. Et c’est une grande fierté de pouvoir construire autour de l’économie bretonne. Au-delà de la Bretagne, cela nous permet d’aller détecter et recruter en Loire-Atlantique, en Normandie, et de pouvoir intégrer ces jeunes dans cette académie fédérale, grâce à des accords intelligents signés avec l’ensemble des écoles partenaires du club aujourd’hui. C’est un double projet sportif et scolaire, et il est capital. C’est notre troisième saison avec l’académie fédérale et parmi les jeunes que nous avons recrutés, plusieurs sont déjà partis faire quelques sélections régionales, et même nationales. C’était réellement important pour nous de récupérer ce Pôle Espoirs. Le plus proche qu’on avait jusqu’à présent, c’était Tours, à 4 heures de route. Pour un gamin qui a l’école à Tours, qui vient jouer le week-end à Vannes, qui part dans le Sud de la France faire son match le dimanche, qui doit repartir à Tours le lundi matin, c’était ingérable. Avoir cela sur place aujourd’hui, ça nous aide beaucoup à construire et à continuer le développement de notre projet, sachant très clairement que la priorité du club, c’est de former, et d’être capable de sortir deux ou trois jeunes du centre de formation tous les ans, pour les intégrer à l’effectif professionnel. C’est aussi notre force. Depuis deux ans maintenant, on arrive à sortir un ou deux jeunes, et cela va continuer.
 

« On ne fait pas de bruit, mais on travaille dur »

 
Être le seul club de rugby professionnel en Bretagne, voyez-vous ça comme un avantage ou un inconvénient ?
Pour ce qui est de l’accession au niveau professionnel, cela a été un réel désavantage. C’était compliqué d’exister dans le rugby en Bretagne, même s’il y a un certain nombre de clubs, de licenciés. Il y avait du rugby en Bretagne, mais on en parlait très peu. La Bretagne, c’est le football, la Bretagne, c’est la voile, la Bretagne, c’est le cyclisme. Dans ces sports, le niveau professionnel existait, et on ne parlait pas du tout de rugby. Construire un vrai projet de club et une accession dans le monde professionnel, ça a été extrêmement compliqué. C’est aussi pour ça que le club a pris le temps de le faire, et a mis du temps à le faire aussi. C’est 10 ans de Fédérale 3, 10 ans de Fédérale 2, 10 ans de Fédérale 1 avant d’accéder au monde professionnel.
Ce qui était un inconvénient hier est devenu un réel avantage aujourd’hui. Nous sommes les seuls professionnels dans le monde du rugby aujourd’hui sur la Bretagne. Les deux premières années, il a fallu montrer des choses, gagner en crédibilité et en légitimité, avant d’exister pleinement comme sport professionnel breton. La troisième année, il y a eu cette demi-finale jouée à Brive, et une médiatisation importante s’est faite autour du club à ce moment-là. Toute la Bretagne a découvert qu’il y avait un club de rugby professionnel ici. Depuis, il s’est passé quelque chose, on sent toute cette ferveur, tout cet engouement autour de l’équipe.
 
Vous avez parfaitement su trouver votre place dans le monde professionnel. Quels sont les secrets d’une telle réussite ?
Je ne sais pas s’il y a véritablement un secret, mais ce qui est sûr, c’est qu’on travaille. Et on travaille dur. Un club breton, et notamment le RCV, a besoin de travailler plus qu’un certain nombre de clubs professionnels. On le voit et on le ressent à travers les joueurs qu’on recrute chaque année. Tous sont agréablement surpris je l’espère. Ils sont en tout cas très étonnés des semaines d’entraînement et du travail qui est réalisé jour après jour. On travaille beaucoup, mais parce qu’il fallait sans doute travailler plus que les autres pour exister. C’est l’une des clés de la réussite. On travaille, on travaille, on travaille, et on travaille beaucoup. On ne fait pas de bruit, mais ça travaille dur, et aujourd’hui ça paye, c’est une bonne chose.
Il y a aussi, je pense, la stabilité d’un staff. Notre manager général a été joueur au RCV avant de commencer à entraîner. Jean-Noël (Spitzer) est entraîneur au RCV depuis 2005. Il est arrivé en Fédérale 2 dans ce club, il l’a fait monter en Fédérale 1. Il n’était pas seul, il y avait des gens autour de lui. Il a ensuite passé 10 ans en Fédérale 1 avant de monter en Pro D2. C’est important d’avoir un coach qui a toute notre confiance, avec qui on travaille en bonne intelligence. Même quand on passe des moments difficiles, on sait qu’on peut les passer ensemble et qu’il y aura des jours meilleurs derrière. Cette stabilité est importante, ça a été le cas aussi pour nos joueurs, parce qu’il y a une vraie stabilité au niveau de l’effectif depuis ces années de Fédérale. Il y avait très peu de départs et très peu d’arrivées, c’est important pour développer un projet global de cohésion.
Il y a également tout ce travail autour de la formation, évidemment. Quand nous arrivons à recruter de jeunes joueurs, à les former chez nous et à leur donner cette envie et cette fierté de porter ce maillot breton, évidemment, cela participe à la cohésion générale d’un groupe.
 

Propos recueillis par Simon Bardet