Voile – Olivier Brisse : « Je me suis battu pour être accepté »

Skipper aveugle, Olivier Brisse raconte sa passion pour la voile et sa manière de la pratiquer, ainsi que son implication dans le projet « Rêve à perte de vue » qui vise à casser les préjugés.

 
Quel est le but du projet « Rêve à perte de vue » ?
Je fais partie d’un équipage mixte, constitué de personnes en situation de handicap visuel et de valides, qui va traverser la Méditerranée depuis le Vieux port de Marseille vers Carthage, pendant 50 à 60 heures. Le plus important n’est pas de battre le record, mais de casser les préjugés. Malgré nos déficiences visuelles, nous sommes capables de faire des choses et nous pouvons mener à bien des projets.
 
Comment arrivez-vous à pratiquer la voile en étant aveugle ?
J’ai commencé à pratiquer ce sport très jeune. Malgré l’évolution de mon handicap, puis maintenant ma cécité, j’ai continué à naviguer car c’est une réelle passion. Je me suis me battu pour être accepter. Je me suis entouré de partenaires qui m’ont aidé et je me lance dans des projets réalisables. Je ne suis pas autonome, je ne peux pas naviguer seul parce que je n’ai pas tous les moyens techniques et le manque visuel pénalise pour la sécurité, mais je trouve d’autres moyens pour m’adapter. Je base ma technique sur ma concentration, sur mon écoute. J’ai des sensations grâce à mes oreilles et le vent sur mon visage. D’ailleurs, beaucoup de skippers s’entraînent sous bandeau pour être prêts à naviguer en cas de mauvais temps.
 

 
Les sportifs en situation de handicap ne sont pas assez reconnus selon vous ?
Comme l’information passe beaucoup par le visuel, les gens s’imaginent que lorsque l’on ne l’a pas, tout est perdu. Mais nous avons d’autres façons pour évoluer dans le sport comme dans la vie, en développant nos autres sens pour compenser et en réagissant différemment. Grâce au projet « Rêve à perte de vue », nous montrons que nous sommes là malgré notre handicap. Nous avons su nous intégrer professionnellement parlant. En partageant cette expérience, nous voulons aider à créer des passerelles et voir cette reconnaissance des capacités des personnes aveugles et malvoyantes se traduire dans le monde de l’entreprise.
 
Comment avez-vous rejoint l’équipage ?
J’ai connu Joël Paris, qui est à l’origine du projet, en 2013 sur un autre projet voile la team Jolokia. C’est un bateau qui s’aligne sur de grandes compétitions avec un équipage d’une quinzaine de membres reflétant la diversité entre personnes valides et non-valides et qui montre un exemple positif au grand public. En début d’année 2019, Joël m’a recontacté pour son projet.
 

 
Vous auriez dû accomplir cette traversée Marseille-Carthage fin octobre, mais elle a été reportée. Qu’allez-vous faire en attendant ?
Nous avons forcément été déçus, mais c’est la météo qui décide dans un sport comme la voile. Nous ferons la traversée en février prochain. Nous allons continuer de nous entraîner, peaufiner le bateau pour arriver encore mieux préparés le jour J.

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Propos recueillis par Leslie Mucret