Sacrée championne d’Europe en catégorie SL3, Milena Surreau décroche la première médaille d’or sur le circuit international. Un succès majeur pour la joueuse française de para-badminton.
Que représente pour vous cette première médaille d’or internationale, qui plus est sur un Championnat d’Europe ?
C’est une grande fierté d’autant que c’est un titre majeur, sur l’une des trois compétitons les plus importantes dans la carrière d’un para-badiste. J’ai évidemment beaucoup de joie et je vois enfin le travail réalisé au quotidien payer de la plus belle des manières.
Vous battez une nouvelle fois l’Ukrainienne Oksana Kozyna, numéro 3 mondiale. Qu’est-ce qui a fait la différence dans cette finale ?
Je pense que j’ai été très rigoureuse sur l’application de la tactique définie avec mon coach Loris Dufay. J’ai aussi une vraie force au niveau du mental et de la gestion des émotions en match, ce qui peut faire la différence sur ces matchs importants.
Vous dites être « allée au bout de ce que vous pouviez physiquement ». Comment s’est passée votre préparation pour cette compétition ?
Ma préparation a été très compliquée. Ma meilleure amie est décédée cet été. Elle était non seulement mon âme sœur mais également mon mentor sportif. C’est grâce à elle que je me suis lancée dans le para-badminton, que j’ai réussi à me qualifier pour Paris 2024 à des moments où j’avais envie de tout abandonner. Alors forcément, ces derniers mois n’ont pas été simples, puisque tout mon environnement sportif me rappelle à des souvenirs qui deviennent douloureux, et j’étais très loin des conditions optimales de performance au niveau de l’alimentation, du sommeil… alors que ce sont des facteurs clés à ce niveau.
Si on revient un peu en arrière, comment résumeriez-vous votre parcours jusqu’à cette consécration ?
J’ai commencé le para-badminton en 2022, c’est donc très récent. J’ai très vite gravi les échelons, remporté ma première médaille d’argent sur mon premier tournoi international, fait un quart de finale à mes premiers championnats du monde, je me suis qualifiée pour Paris 2024 en finissant top 7 mondial au cours de ma première saison sur le circuit international… mais tout cela ne serait pas arrivé si vite si je n’avais pas eu l’expérience de la compétition et de la rigueur nécessaire pour le haut niveau quand j’étais petite.
J’ai fait du tennis à très bon niveau étant jeune, j’ai été en sport-études, toute mon enfance et mon adolescence étaient tournées vers le sport, car je voulais être pro. J’ai acquis beaucoup des exigences nécessaires à ce type de carrière à ce moment-là, ce qui a aussi été renforcé par la suite par ma carrière de musicienne professionnelle, où l’on retrouve la même rigueur pour faire partie des meilleurs.
Votre parcours s’est aussi construit autour de rencontres…
J’ai fait les bonnes rencontres au bon moment. J’ai pu m’entourer d’un coach très compréhensif notamment vis-à-vis des difficultés que me pose mon autisme et des adaptations qui sont nécessaires dans mon quotidien personnel et sportif. Et ma meilleure amie, Lorraine Truong, qui avait l’expérience qui me manquait, étant elle-même ancienne sportive de haut niveau valide, également autiste et ayant un handicap neuro-moteur comme moi. C’est avec elle que j’ai pu acquérir la plupart des clés pour construire mon système de performance actuel et je lui dois beaucoup.
Cette victoire semble avoir une portée bien plus large qu’un simple titre. Vous parlez d’une « victoire sur la vie » : qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Le sport m’a littéralement sauvée à des moments de ma vie où je n’avais plus forcément le goût de vivre. À l’inverse, j’ai aussi eu énormément de mal à digérer ma carrière stoppée en tennis quand j’étais jeune et que je n’ai pas pu aller plus loin. Ça a été une page très dure à tourner.
Et au final, j’ai eu mon diagnostic de paraplégie spastique héréditaire il y a quelques années, après littéralement quinze ans à souffrir, à avoir les symptômes, les conséquences sur le quotidien (et ma carrière sportive à l’époque) sans qu’aucun médecin ne me dise autre chose que « c’est normal, c’est parce que tu grandis ». Alors, aujourd’hui, je savoure d’autant plus d’être sortie de l’errance médicale et d’avoir finalement réaliser mon rêve de gosse en faisant du sport de haut niveau.
Vous vivez et performez avec une maladie neurologique rare, la paraplégie spastique héréditaire et vous êtes également autiste. Comment cela influence-t-il votre manière d’aborder le haut niveau ?
J’ai dû bâtir un système de performance parfaitement adapté à mes contraintes et mes besoins. C’est encore trop peu répandu dans le haut niveau, mais j’ai un quotidien sportif très atypique. Je ne m’entraîne pas tous les jours, j’ai des grandes périodes de repos avant et après les compétitions… on peut penser au premier abord que c’est une perte de chance, mais dans mon cas, c’est l’inverse. Je ne pourrais pas performer comme je le fais si on m’imposait le « on fait toujours comme on fait tout le temps ».
Comment allez-vous aborder maintenant les Championnats du Monde prévus en février ? Avec quels objectifs en tête ? Et quelle préparation ?
Je continue avec les routines qui fonctionnent, le rythme d’entraînement qui me correspond. Après, j’essaye de m’entourer de plus en plus de professionnels compétents et qui peuvent m’aider à aller toucher la plus haute performance. Et ça, ça passe par trouver des financements et donc la recherche de sponsors. Ça va constituer une grosse partie de mon automne et cela va déterminer notamment l’accompagnement que je pourrai avoir sur les championnats du monde en termes d’auxiliaire de vie et donc in fine sur l’énergie que j’aurais sur le terrain et donc ce qui me permettra ou non d’aller jusqu’au podium.