Maud Élie-Lefebvre : « Ce qui m’a décidée, c’est le mythe que représente cet Ironman »

Crédit photo : Maud-Elie Lefebvre

Cette Parisienne, installée à Lyon depuis 5 ans, prend part le 11 octobre aux Championnats du monde d’Ironman à Hawaï, là où est né le format de cette épreuve en 1978. Maud Élie-Lefebvre raconte comment elle a réussi à se qualifier pour cette compétition, laquelle réunira pour la première fois depuis 2019 les triathlètes masculins et féminins – des professionnels et des amateurs dont elle fait partie – sur une seule journée. Et ce qu’elle s’attend à vivre.

Comment en êtes-vous arrivée à participer à cet événement ?

Je suis passée par un long cheminement ! J’ai commencé le triathlon en 2018 en partant de nulle part, je ne pratiquais vraiment aucun des trois sports : je courais juste un petit peu et petit à petit, je me suis mise au vélo, puis à nager. J’ai fait des petites distances et en fait très vite, au bout de 2 ans de triathlon, j’avais comme rêve de courir un Ironman. Il s’est réalisé en 2021, à Cascais au Portugal. Pour moi, c’était le rêve de ma vie et ça s’arrête là. C’était tellement intense, tellement prenant en termes de préparation, je m’étais dit : « après cet Ironman, c’est bon, j’en ai fait un dans ma vie, j’arrête », ça me paraissait déjà énorme à l’époque. Mais finalement, je suis retombée dedans : je me suis inscrite dans un club, puis j’ai bougé de Paris, je voulais être plus proche des montagnes pour aller faire plus facilement du vélo. J’ai déménagé à Lyon sans connaître personne, sans boulot ni logement.

On était très loin de l’Ironman d’Hawaï !

Ah oui, je ne l’avais même pas en visu, pour moi c’était inaccessible. Participer aux Championnats du monde, je n’avais pas le niveau. Au début, je me suis redonné comme objectif de faire un Ironman. En 2023, je me suis relancée dans une préparation mais là j’ai eu un accident de vélo. Ça a été super dur à vivre mais j’ai réussi à me relever et je me suis inscrite à l’Embrunman l’année dernière : 3 800 m de dénivelé positif sur les 180 km de vélo. Encore une fois, je m’étais dit que ce serait le dernier mais c’était la première fois que toute ma famille est venue m’encourager, j’ai vraiment pu partager ce moment et vibrer ensemble. Il y a toute une partie de souffrance avant d’y arriver, dans la préparation et le jour J aussi, mais quand on voit nos proches nous soutenir et nous encourager, c’est ce qui m’a fait retomber dedans. Cela faisait plusieurs fois que je reportais le dossard que je n’avais pas pu honorer à cause de mon accident. Cette année, c’était ma dernière chance, je me suis inscrite en juin, sur l’Ironman des Sables-d’Olonne. Et là, je me suis qualifiée pour Hawaï.

Quels étaient les critères ?

C’est le temps, par catégorie d’âge. Moi j’étais en 30-34 ans et avec un chrono de 10h11 (1h17 de natation, 4h56 de vélo et 3h45 sur le marathon et les deux transitions de 5 et 6 minutes), établissant alors mon record personnel, j’ai été pile dans le nombre d’athlètes sélectionnés pour aller à Hawaï. Mais je ne l’ai pas su tout de suite, il faut attendre le lendemain à 11 heures la cérémonie qui réunit tout le monde pour connaître le nombre de sélectionnés. Et là, il faut se décider tout de suite si on veut y aller ou pas.

Comment vous avez vécu ce moment ?

Durant 30 minutes, pendant que les sélectionnés des autres catégories étaient annoncés, j’étais en stress total de ne pas savoir si je disais oui ou non si j’étais sélectionnée. Je me listais tous les points négatifs, parce que cela implique d’énormes coûts : rien que le dossard, c’est 1 500 € et il faut le payer tout de suite. Et donc je m’étais dit : « non, je ne vais pas aller à Hawaï ». Quand cela a été au tour de ma catégorie, j’ai été appelée en 6e et dernière position, et en fait mon cœur n’a pas résisté : j’ai entendu mon nom et j’ai dit oui !

Qu’est-ce qui vous a décidée ?

Le mythe que l’Ironman d’Hawaï représente. Tout vient de la ville de Kona en 1978. C’est là qu’est née cette distance mythique : 3,8 km de natation, 180 km de vélo et un marathon (42,195 km) de course. Ce qui fait le mythe aussi, ce sont les conditions climatiques, il fait 35 degrés et il y a 80-90 % d’humidité. Au fil du temps, le label Ironman a créé ces Championnats du monde qui rassemblent tous les meilleurs de chaque catégorie de tous les Ironman qui ont lieu pendant 1 an. Et en plus, il y a des professionnels qui sont dans une autre catégorie mais qui sont aussi sélectionnés en fonction de ces règles-là à chaque Ironman. Cela participe aussi au mythe. Donc je me suis relancée à nouveau dans une préparation très intense de 3 mois, je n’ai pas pris de vacances cet été, alors que j’avais pourtant promis à mon cerveau de me calmer !

Que représente cette préparation ?

Une ou deux séances d’un des trois sports tous les jours. Donc ça peut être natation le matin très tôt puis course à pied à midi, ou natation le matin et vélo le soir, en séances soit longues, soit courtes mais fractionnées pour donner de l’intensité. Tout est calculé, programmé. L’année dernière, j’avais pris un coach à distance mais cette année, j’ai décidé de me préparer seule. J’ai un tableau Excel et, en fonction des contraintes du travail et les contraintes personnelles, je planifie ma semaine type. Cela représente entre 20 et 25 heures de préparation par semaine. Le midi par exemple, cela fait 3 mois que je n’ai pas vu mes collègues parce qu’entre midi et deux, je vais généralement courir ou nager en piscine. En semaine, je retrouve aussi des athlètes du Lugdunum Triathlon Club (Lyon 7e). Et le week-end, je prends souvent le TER à destination de la montagne (Annecy, Chambéry, Aix-les-Bains ou Grenoble) pour grimper à vélo. Ces derniers week-ends, j’ai enchaîné les triathlons d’Aiguebelette et d’Évian.

Espérez-vous de nouveau battre votre record à Hawaï ?

Pour l’instant, je n’ai pas de temps précis en tête, mon objectif sera avant tout de le finir. Je sais que les conditions seront plus compliquées que sur l’Ironman des Sables-d’Olonne : il y a plus de dénivelé en vélo (1900 m D+) et en natation, on nage dans les vagues de l’océan et sans combinaison puisqu’elle est interdite compte tenu de la température de l’eau. C’est encore un élément qui ajoute un peu à la difficulté donc je veux surtout finir, et finir en bonne santé. Aux Sables-d’Olonne, j’ai fait un petit malaise en arrivant.

Comment vous appréhendez ces conditions compliquées d’Hawaï ?

Je me suis beaucoup entraînée cet été durant les heures les plus chaudes pour voir comment le corps réagit et l’habituer à ce genre de conditions. J’ai aussi contacté deux personnes qui ont déjà participé à Hawaï. Le principal conseil, c’est de boire vraiment beaucoup et vraiment bien s’alimenter, encore plus que pour un Ironman classique. On perd énormément de sel, il faut donc prendre des compléments comme du magnésium, et des électrolytes (qui permettent de maintenir notre taux d’hydratation et un bon fonctionnement du métabolisme).

Quel est le budget total d’une telle opération ?

En plus du dossard, il faut compter le voyage en lui-même, le matériel, la préparation, le logement, tous les coûts annexes. J’y vais une semaine avant pour une acclimatation nécessaire et encaisser les 12 heures de décalage horaire. Et je reste ensuite 6 jours pour profiter aussi de l’île, je serai accompagnée par une amie et ma mère. Ça représente un budget d’un peu plus de 7 000 euros. J’ai tout pris en charge moi-même. La plupart des entreprises, dont la mienne (elle est product owner chez Enedis), sponsorisent des athlètes de haut niveau dans le cadre de participation aux JO, moi je ne rentre pas dans cette case. Du coup, j’ai lancé une petite cagnotte pour toucher les proches et pouvoir recueillir un peu de fonds (*). Pour le moment, je ne vois que les contraintes techniques, matériels, logistiques. Le fait que ce soit à l’autre bout du monde, je ne vois que le côté négatif : prendre 3 avions, plus de 24 heures de vol. Le côté « wahou, je vais à Hawaï » va arriver progressivement. J’espère que sur place je vais me réjouir et lâcher prise.

Oui car c’est un sacré moment que vous allez vivre. À quoi vous attendez-vous ?

Les deux athlètes que j’ai appelés m’ont dit que tout est démultiplié, que l’on ressent énormément d’émotions mais qu’il faut le vivre pour comprendre. C’est une expérience unique, dans un cadre paradisiaque, au travers d’un événement qui rassemble des triathlètes de toute la planète : presque tous les pays au monde sont représentés, je pense que ça va être magique ! »

Propos recueillis par Sylvain Lartaud

(*) cagnotte sur www.onparticipe.fr/c/ironmanmaud

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