Matthieu Rosset : « Ce n’est que partie remise »

France's Matthieu Rosset competes in the 1m Springboard Mens Final during day two of the European Aquatics Championships at the London Aquatics Centre in Stratford.

À tout juste 30 ans, Matthieu Rosset, champion du monde de plongeon en 2017, devait participer ce week-end au Red Bull Cliff Diving World Series de La Rochelle. Forcément frustré de l’annulation de toute la saison, le Lyonnais se projette sur 2021 et notamment sur les JO de Tokyo.

Matthieu, vous imaginez que vous auriez dû participer ce week-end à votre premier Red Bull Cliff Diving World Series, à La Rochelle devant 75 000 spectateurs, en plongeant de 27 m ?
Oui, c’est dommage, j’aurais bien voulu être là-haut. Rien que de monter là-haut, c’est génial. La compétition devait commencer aujourd’hui (jeudi) et se dérouler tout ce week-end. J’aurais dû aussi partir en stage de préparation en Colombie et en Chine, tout a été annulé. Red Bull avait mis une enveloppe pour payer ces stages qui coûtent des milliers d’euros. J’espère que ce sera possible l’année prochaine. Je ne sais pas s’il y aura une étape à La Rochelle, si je pourrais obtenir une wild card. C’est l’incertitude totale.
Sans compter un gros manque à gagner dans le budget…
Oui parce que participer à une étape des World Series, c’est un gros coup de projecteur. J’aurais eu des images à montrer pour trouver des sponsors. Pour le moment, je n’ai rien donc c’est hyper compliqué. Il faut être dans les 12 premiers pour être payé par Red Bull. Je commence juste donc j’en suis loin. L’idéal pour vivre du high diving, c’est un budget 40 000 euros environ. Pour le moment, je mise plus sur l’aide de la fédération française de natation qui va me permettre d’entrer de nouveau sur la liste des sportifs de haut niveau.
Qu’est-ce que cela vous a fait de replonger à l’eau après 9 semaines d’interruption due à la situation sanitaire ?
Cela fait du bien ! J’ai vécu le confinement avec mon coloc’ dans mon appart’ à Champigny-sur-Marne. C’était un peu long, un peu difficile de se motiver mais je suis quelqu’un de simple, il m’en faut peu pour être heureux : une télé, ma Playstation, mes amis en visio et ça roulait. On avait notre préparateur physique de l’Insep presque 24h/24, il nous arrivait même de travailler ensemble avec les autres plongeurs en visio, surtout du renforcement. On a pu retourner à l’eau il y a 2 semaines avec des mesures bien précises pour ne pas croiser les athlètes des autres disciplines (natation, natation synchronisée). Bon, moi j’ai pu me rendre compte que j’avais plusieurs petites blessures.
De quel type ?
Je n’ai jamais eu de fracture mais je ressens des douleurs chroniques au dos, au poignet, sans doute des microfissures. En bougeant moins, je me suis enraidi. 30 ans, c’est vieux pour un plongeur (rires). Je ne m’entraîne qu’avec des jeunes, je suis parfois à la traîne mais c’est motivant. J’ai une image à assumer, je suis une locomotive par le biais de mes résultats pendant dix ans. Ils m’appellent tous « Le dinosaure ». Même mon coach (Hui Tong) me surnomme « Matthieu Grand’Pa » (grand-père) (rires).
En même temps, vous vous êtes arrêté 2 ans après votre titre de champion du monde par équipes avec Laura Marino en 2017…
Oui, je m’étais arrêté pour reprendre mes études et me lancer dans le monde du cinéma comme électro. J’ai travaillé sur la saison 4 de la série Sam pour TF1. J’ai même joué dedans, c’était marrant. Mais le plongeon me manquait et je sentais que j’avais encore des choses à faire. J’ai repris il y a tout juste un an. Pour le loisir au début, et puis le niveau est très vite revenu, j’ai repris goût à la compétition et je suis re-rentré à l’Insep en octobre 2019.
 

Et les résultats sont vite arrivés !
Oui, en plongeon synchronisé à 10 m sur une série avec Benjamin Auffret. On a participé en février au Grand Prix final, un rendez-vous international à Rostock pour se qualifier pour la Coupe du monde à Tokyo en avril. Et là, on a fini 2e. On était en passe de se qualifier pour les JO de Tokyo et puis, tout s’est arrêté.
Prenez-vous cela comme un vrai coup d’arrêt ?
Non, on espère que tout sera décalé d’un an. Dans ma tête, je me dis autant prendre mon temps, surtout après une coupure de deux ans. J’ai monté une série en 3 mois, alors qu’il faut normalement plus d’un an. J’étais tout près de me qualifier, c’est génial. Bon, maintenant, j’ai un an pour me qualifier. À partir de septembre-octobre, on va de nouveau entrer dans un cursus olympique jusqu’à août. L’année de mes 30 ans, faire mes 3e JO (après Londres 2012 et Rio 2016) et ma première compétition Red Bull, cela aurait été vraiment cool mais ce n’est que partie remise.
Quand les premières compétitions sont-elles prévues ?
La première grosse échéance, c’est une étape de la Coupe du monde qualificative pour les JO en février 2021. Si les championnats de France ne sont pas organisés avant, j’irai participer à un championnat national en Ukraine ou en Angleterre.
Je reviens au high diving, plonger de 27 m, quel effet cela fait-il ?
Ça fait peur ! (il rit). Ce n’est pas du tout le même trip qu’à 3 m ou 10 m. On a un plongeon en tête et on ne doit pas se disperser. Si on se rate, on ne va pas s’en sortir avec un plat qui pique ou qui brûle. Le risque est beaucoup plus grand, c’est dangereux. Je me sers de mon expérience acquise depuis que j’ai commencé tout petit. Je crois que je suis plus conscient du danger aujourd’hui qu’avant. De là-haut, ça fait peur mais c’est tellement « ouf ». Il y a tellement de sensations que je suis vraiment curieux de savoir ce que je peux envoyer.
En quoi cela change techniquement et physiquement d’un plongeon à 3 ou 10 m ?
Techniquement, ce qui change surtout, c’est l’entrée dans l’eau avec les pieds : on réalise pour cela un barani, c’est-à-dire un salto avec une demi-vrille. Cela permet de toujours voir l’eau. C’est une technique de trampoliniste ou de gymnaste, j’ai dû l’apprendre. L’autre entrée, c’est la blind entry, on ne voit pas l’eau. C’est hyper dangereux, je ne le fais pas. Sur le plan physique, c’est plus violent mais on atterrit par les pieds donc on peut plus contenir l’impact que sur 10 m. D’autant qu’une fois qu’on a ouvert (la position), il reste entre 15 et 20 m pour contrôler la fin. Cela dure peut-être une seconde, c’est énorme.

Propos recueillis par Sylvain Lartaud