Lou Berthomieu met les voiles vers Paris 2024

A seulement 20 ans, Lou Berthomieu a terminé l’année 2021 sur une prometteuse quatrième place au championnat du monde de Nacra 17. Après un passage par la course au large, la Bretonne, désormais au Pôle France de La Grande Motte, est bien décidée à naviguer jusqu’à l’objectif Paris 2024.

Lou, pouvez-vous me raconter vos premières expériences sur l’eau ? Quels souvenirs en gardez-vous ?

Quand j’étais bébé, j’étais dans un petit hamac, sur le catamaran, aux Antilles. On faisait beaucoup de sorties là-bas avec des catamarans, que ce soit en Martinique ou en Guadeloupe. Toute petite, j’étais déjà bercée par les vagues. Ensuite, je devais avoir sept ans quand un été, je suis allée voir mes parents pour leur dire que je voulais faire un stage de voile. On a une maison à Locmariaquer, à l’entrée du golfe du Morbihan, du coup je suis allée au centre nautique là-bas. J’ai fait un stage, puis un autre… Finalement, j’ai passé l’été à faire des stages de fun boat, les petits bateaux jaunes en plastique.

La volonté de faire de la compétition est arrivée ensuite ?

Après mes premiers stages, j’ai fait du Teddy, un catamaran un peu plus grand. Ça m’a vraiment plu, et on m’a dit que je pouvais faire de la compétition. Moi, j’aimais déjà faire la course, trouver là où il fallait aller pour avancer plus vite que les autres. C’est ce qui a marqué Nicolas Jegou, qui était le directeur de la base nautique à ce moment-là.

A Noël, mon papa m’a offert un petit bateau pour que je commence à en faire. J’ai adoré ça, et je n’ai plus arrêté ensuite. Mes parents ont eu un chantier naval, ils ont construit le Kaïdoz 31, qui est le bateau qui se trouve à la Cité de la Voile (Lorient) maintenant pour faire les sorties en mer. A cette époque-là, ce n’était que de la voile loisir, mais mon papa a fait du 5o5 (dériveur de 5,05 mètres) et du 4.80 aussi avant, en compétition. Donc il connaissait bien ce monde-là.

« Le catamaran, ça va vite et ça me plait »

La régate en catamaran a donc rapidement été une évidence…

J’ai rencontré Louise Ferrari, celle avec qui j’ai fait mes premiers podiums en Tyka, quand j’étais en minimes. C’est aussi ça qui m’a plu en régate, c’est qu’on avait une belle relation, une entente sur le bateau qui m’a fait comprendre que je voulais vivre quelque chose comme ça avec quelqu’un. Je voulais aller faire de la compétition, gagner, en partageant une aventure comme celle-ci. C’était à l’époque où Franck Cammas était encore en Nacra 17, il s’entraînait en baie de Quiberon, c’était incroyable de le voir, ça me faisait rêver, et je me suis dit que je voulais moi aussi faire de la régate comme les grands. J’ai toujours eu les yeux rivés sur le catamaran, c’est mon support de prédilection, ça va vite et ça me plait. Je suis ensuite rentrée au Pôle Espoirs, c’est là que je me suis dit que je voulais aller aux Jeux en Nacra, qui est le support olympique.

Du coup, pourquoi avoir bifurqué vers la course au large ?

Au milieu de l’année 2019, on termine vice-champions de France avec mon barreur. Lui devait ensuite arrêter pour partir faire des études d’ingénieur à La Rochelle. Il ne pouvait pas continuer la voile. Moi, je ne me voyais pas naviguer avec quelqu’un d’autre, parce qu’il aurait fallu repartir de zéro. J’ai rencontré Jérémie (Beyou) avec qui j’ai fait la Catagolfe en Viper, qui est aussi un catamaran, et j’ai beaucoup accroché avec le personnage. Il m’a dit de venir essayer le Figaro. J’ai essayé et j’ai adoré. J’ai fait la connaissance de Bertrand Placé, qui devait me dire à l’issue d’une semaine de navigation si je pouvais paire du Figaro, si j’avais un niveau assez bon pour ce circuit. Sa réponse a été favorable, donc j’ai voulu faire le Tour de Bretagne pour découvrir la course au large et l’ambiance qu’il y avait. J’ai vu que c’était une autre sphère, ça m’a vraiment plu. A l’issue du Tour de Bretagne, je suis revenue les voir, pour leur demander de faire l’AG2R (désormais la Transat en Double) tous ensemble, six mois plus tard. Ils ont dû me prendre pour une folle, mais ils ont bien compris que j’avais envie de le faire, et ils m’ont accompagnée de la meilleure des manières. Malheureusement, la course a été annulée à cause du Covid, mais ça aurait été une expérience incroyable.

Cette expérience de la course au large vous sert-elle aujourd’hui ?

La voile olympique et la course au large, ce n’est pas le même sport. En course au large, on doit préparer la navigation, on fait des routages, ce que je n’avais jamais fait. Il y a beaucoup de logiciels à utiliser, la cartographie, la météo. Et aussi la gestion de la navigation de nuit, c’était une première pour moi. En plus, je n’avais jamais navigué sur un habitable avant de mettre les pieds sur un Figaro. La stratégie et la tactique ne sont pas du tout les mêmes, car il faut anticiper sur une période beaucoup plus longue. Mais ma petite épopée dans la course au large m’a beaucoup fait grandir. J’ai rencontré des gens très intéressants, de grands noms de la voile, j’ai appris beaucoup de choses. C’était une expérience incroyable que j’ai envie de revivre plus tard. Je garde ça pour après le Nacra 17.

Science Po Paris pour combiner études et sport de haut niveau

En parallèle de la voile, vous continuez les études. Le planning n’est pas trop chargé ?

On a un planning très dense en Nacra 17, puisque c’est une préparation olympique. Je suis à Sciences Po Paris, et il y a une formation pour les sportifs de haut niveau, qui nous laisse plus de temps pour obtenir l’équivalent d’une licence. Ensuite, on peut prétendre à un master, et on sort diplômé comme tous les autres de Sciences Po. C’est une formation très intéressante pour un sportif qui veut allier vie professionnelle hors de la voile et un projet comme une campagne olympique.

Au début, j’avais commencé une Prépa pour devenir pilote de ligne, mais je n’ai pas réussi à faire assez d’heures de vol pour valider le PPL, la licence de pilote privé. Je savais que je n’allais pas pouvoir combiner ça avec la voile, donc je me suis penchée vers la fac de droit, mais c’est Sciences Po qui m’offrait les meilleures conditions pour combiner les études avec le sport de haut niveau.

Vous venez de terminer quatrième du championnat du monde. Quelle analyse faites-vous de ce résultat ?

J’ai navigué avec Tim Mourniac, on ne s’est entraîné ensemble que pendant deux semaines avant le Mondial, et on a réussi à batailler avec les médaillés olympiques, donc c’était incroyable d’atteindre un niveau pareil en si peu de temps. On était accompagné de notre entraîneur, Hugues Puimatto, et par Jean-Paul Martinet, un accompagnateur de performance à l’Insep. On a réussi à monter une équipe en très peu de temps et à réaliser une belle performance. On pourrait croire qu’on est déçu par cette médaille en chocolat, mais en fait, une quatrième place sur un Mondial de classe olympique, c’est très bien.

Quel sera votre programme cette saison ?

Je pars en campagne avec Tim Mourniac, et on va faire étape par étape. On a six grosses courses sur la saison 2022, dont trois qui vont vraiment structurer la saison : Palma, un premier rendez-vous qui arrive assez vite et qui va donner la tendance des classements en Nacra 17, le championnat d’Europe qui sera la répétition générale avant le Mondial en fin d’année au Canada. Le gros objectif à ne pas rater, c’est ce championnat du monde canadien, où il faudra aller chercher un Top 3 pour entrer en équipe de France.

Paris 2024, ça vous fait rêver ?

Les Jeux à la maison, on en a un par siècle. Je grossis un peu la chose, mais c’est incroyable de se dire qu’on peut représenter notre pays sur la plus grosse régate possible. On va se battre pour ça, car il n’y en aura qu’un seul qui pourra le faire. C’est une grande fierté que notre pays puisse organiser un tel événement.