Léa Jamelot : « Vivre une autre expérience sportive »

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Elle a connu les Jeux Olympiques, la pression du haut niveau et les médailles internationales. Mais c’est sur le canal de Nantes à Brest que Léa Jamelot, kayakiste olympique, a décidé de retrouver le goût du défi libre et du lien humain. Dans cet entretien, elle revient sur cette aventure de 400 kilomètres, entre souvenirs d’enfance, rencontres et introspection sportive.

Vous venez tout juste de terminer la traversée du canal de Nantes à Brest. Après quelques jours, comment vous sentez-vous ?

C’est un mélange d’émotions ! J’étais sur un petit nuage pendant toute l’aventure, et là, je redescends doucement sur Terre. J’ai pris plein d’énergie pendant cette aventure.
Je ne me sens pas épuisée, au contraire, je me sens super bien ! J’ai à la fois besoin de me reposer et à la fois déjà 10 000 projets dans la tête. C’est un peu un fourmillement de choses qui se passe en ce moment pour moi.

Comment est née cette idée de traverser le canal ?

C’est un projet qui dormait en moi depuis longtemps. J’ai découvert le kayak à 9 ans, justement sur ce canal. C’est là que j’ai eu mes premiers coups de pagaie. Et du coup, je connais deux biefs. Un bief, c’est un espace entre deux écluses. Je connais deux biefs par cœur pour y avoir beaucoup, beaucoup navigué. En carrière, c’était compliqué à caser, forcément, 400 km, il faut quand même trouver le temps pour les faire. Et puis, le fait de ne pas avoir été sélectionné aux Jeux de Paris, ça m’a fait voyager loin en Australie. Et c’est là-bas, que je me suis dit que c’était le bon moment et que quand je rentrais en France, je voulais parcourir le canal.

Vous avez passé 15 jours sur l’eau. Comment s’est organisée ta traversée ?

En fait, je ne me suis pas du tout préparée physiquement parce que je n’avais pas le temps et je ne ressentais pas forcément le besoin. Mais c’est en Australie que j’ai commencé à prendre le parcours Google Maps et à remonter, à me demander combien de kilomètres je pouvais faire par jour. L’idée, ce n’était pas un record. L’idée, c’était de changer de rythme, de sortir de cette pratique intensive pour, au contraire, avoir le temps de rencontrer, de partager, de découvrir. En fait, j’ai créé des étapes en fonction des lieux où j’avais envie de m’arrêter dormir, des endroits où j’avais envie de découvrir. Et ça a fait que c’étaient des étapes d’entre 30 et 40 kilomètres par jour. 52 pour la dernière.

Justement, quelles ont été les étapes les plus marquantes, les plus dures ?

Celle que j’appréhendais le plus, c’était la journée de Pontivy : 45 km et 60 écluses. Mais finalement, c’est devenu une des plus belles, parce que j’étais bien entourée, notamment par mon ancienne coach olympique qui a repris l’entraînement pour vivre cette étape avec moi. Donc, c’était vraiment super chouette. Finalement, comme on parlait, comme on était ensemble, malgré la pluie, malgré le nombre d’écluses, malgré les kilomètres, ça s’est bien passé. La journée la plus dure, c’était la dernière, c’était le dimanche, parce que moi, ce n’est pas mon terrain de jeu, la mer. Et je me suis retrouvé les 7 derniers kilomètres avec un vent de travers. J’avais déjà 45 kilomètres dans les pattes et la dernière ligne droite, elle a été très dure pour moi.

Donc, physiquement, ça a été cette journée. À la fois, j’étais contente parce que physiquement, je me portais super bien, je n’avais pas du tout eu de douleurs, pas du tout eu de courbatures, même pas eu de fatigue. Et du coup, j’étais contente d’avoir un peu cette fatigue qui arrivait le dernier jour pour avoir des courbatures le lendemain.

Revenons un peu en arrière. Comment vous êtes-vous lancée dans le kayak à l’origine ?

Je pratiquais le judo. Et puis, en fait, en été, mes parents m’ont mis un catalogue de colonies de vacances dans les mains et j’ai choisi que des sports d’extérieur, donc de l’escalade, tir à l’arc, équitation, kayak. Et je me suis retrouvée dans un camp de vacances comme ça, à passer ma vie dehors.

Et quand je suis rentrée, j’ai dit que je ne voulais plus retourner sur un tatami et que moi, ce que je voulais faire, c’était du sport de plein air sur l’eau et c’était du kayak. Donc c’est comme ça qu’ils m’ont inscrit au club de kayak le plus près de la maison, à Pleyben. Et puis, j’ai très vite été piquée.

Justement, parlons JO : Rio en 2016 et Tokyo en 2021. Deux ambiances très différentes, j’imagine ?

C’était très différent sans supporters, sans famille sans public à la fois, on était très contents que ça ait lieu parce qu’après le confinement, le Covid, cette grosse incertitude sur le fait que ces JO se tiendraient ou non. C’était quand même hyper particulier parce qu’on avait un très bon bateau en 2019, un K4 un équipage 4 places, avec 3 médailles internationales sur 2019, avec une 5ème place au championnat du monde qualificatif pour les JO de Tokyo on était présélectionnés du coup en 2020. Au moment où le confinement se déclare on était en plein stage d’entraînement en Australie avec vraiment une grosse patate dans le bateau l’envie d’en découdre et de grosses ambitions. Pendant le confinement, il y a une de mes coéquipières qui a décidé de prendre sa retraite sportive qui ne se voyait pas poursuivre une année de plus donc voilà, c’était un nouveau bateau pour Tokyo 2021 et ce contexte très différent de Rio. C’était à la fois particulier et à la fois un soulagement d’avoir enfin l’occasion de s’aligner sur ces jeux et d’en découdre.

Aujourd’hui, avec un peu de recul, quel moment de votre carrière retiendriez-vous s’il fallait n’en choisir qu’un ?

Il y a trop de moments ! La première fois que j’ai porté le survêtement de l’équipe de France, ma première médaille en Coupe du monde, le moment où j’ai vu mon nom sur la liste olympique en 2016… Je vis beaucoup dans le présent, donc même cette traversée du canal, j’ai du mal à me souvenir de chaque jour précisément. Mais ce que je garde, c’est le sentiment de vivre à fond, d’être portée par ma passion et mes équipières. J’ai plein de souvenirs incroyables

Et pour la suite ? Vous raccrochez la pagaie ? Ou d’autres défis vous attendent ?

Déjà savoir si je me sens de reprendre un entraînement vraiment assidu pour aller chercher un bon K4 je pense. Moi ce qui me fait vibrer c’est l’équipage et ce qui me manquerait le plus après l’arrêt de ma carrière ce sont des sensations de glisse dans un K4 et je pense que c’est ça aussi qui me maintient à me dire est-ce que je ne vais pas encore chercher cette petite sensation là sur des compétitions internationales ou des préparations olympiques.

J’ai eu plein de propositions pendant le parcours de gens qui me proposent maintenant de parcourir la Bretagne du Nord au Sud ou de faire le canal du Midi ça ce serait une idée aussi et puis mon prochain challenge en tout cas qui est acté et sur lequel je suis inscrite c’est le raid des Alizés en Martinique en novembre avec une autre de mes équipières olympiques de Rio donc ça va être chouette de se retrouver là-bas pour vivre une autre expérience sportive et un nouveau challenge de ce type.

Propos recueillis par Solal Polese

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