Le phénix Pascal Cheron

Victime d’un très grave accident en 2002, Pascal Cheron est aujourd’hui un homme plein de vie. Grâce à un appareillage médical révolutionnaire, il a pu marcher à nouveau… et s’apprête même à grimper le Mont Ventoux le 5 octobre.

 
Pour Pascal Cheron, une première vie s’est arrêtée en 2002. « À cette époque-là, je suis victime d’un grave accident. Ce dernier provoque des lésions irréversibles au niveau du rachis et du nerf sciatique », relate cet isérois de 54 ans. « Dans mon malheur, j’ai eu de la chance : la moelle épinière a été écrasée, mais pas sectionnée. Plusieurs vertèbres ont cependant dû être soudées ensemble et j’ai subi de nombreuses opérations de la colonne vertébrale dont la pose d’une arthrodèse en titane. Cela m’a soulagé au début, mais petit à petit les douleurs sont revenues, de plus en plus fortes et de plus en plus invalidantes. C’est ainsi que je me suis retrouvé en fauteuil roulant, sans pour autant que cela permette de calmer ces douleurs. Il a fallu utiliser des antalgiques puissants (morphine et kétamine) qui me plongeaient la plupart du temps dans une profonde léthargie. C’était une période extrêmement difficile. » Une période de laquelle Pascal Cheron sort en prenant un énorme risque. « Un neurologue de Grenoble m’a proposé d’expérimenter un nouveau type de neurostimulation (stimulation neurologique par un courant électrique, NDLR), avec les risques qu’impliquait une opération de la moelle épinière, puisque la thérapie proposée consistait à m’implanter une électrode dans la moelle. Je ne pouvais pas rester dans l’état dans lequel je me trouvais, j’ai donc accepté. Pour moi, il n’était pas possible de continuer à vivre à la fois sans mes jambes et sans ma lucidité mentale. Je pouvais récupérer ma tête, j’ai donc pris le risque de perdre définitivement mes jambes. J’ai eu de la chance, ce neurologue a tout mis en œuvre pour me remettre debout, et ça a fonctionné. » Désormais, Pascal Cheron, handicapé à 80 %, est « indissociable » du neurostimulateur médullaire qui lui a été implanté. « Une électrode est fixée sur ma moelle épinière, reliée à un boîtier dans mon abdomen. Je commande l’électrode moi-même, elle a deux fonctions : bloquer le message de douleur par un signal électrique afin qu’il ne monte pas au cerveau, mais aussi permettre à ma jambe droite de fonctionner. »
 

 

Son surnom : Robocop

Il est parfois surnommé Robocop ou L’homme qui valait trois milliards, des surnoms « affectueux » comme l’explique Pascal Cheron. Celui qui est médiateur de la Police nationale continue à être régulièrement suivi par le corps médical, « environ tous les deux mois. » Entre son accident en 2002 et le succès du neurostimulateur médullaire, quatorze ans se sont écoulés. Une très longue période, faite de beaucoup de bas. Mais, aujourd’hui, le principal intéressé savoure sa « renaissance », comme il l’appelle. Le sport a d’ailleurs joué un rôle majeur dans l’éveil de cette deuxième vie. « J’ai toujours fait du sport, je courais, je nageais, je faisais du vélo aussi, environ 4 000 kilomètres par an. J’avais dit à mon neurologue que si je parvenais à remarcher, je prendrais mon vélo et je monterais le Ventoux. Il m’a alors dit que c’était impossible. Il a vu au fur et à mesure que j’étais un peu fou (rires) », glisse Pascal Cheron. « Nous avons donc trouvé des réglages me permettant de pratiquer le vélo. Je suis obligé par exemple de rester assis, je ne peux pas monter en danseuse, sinon je subis d’importantes décharges électriques. On a finalement réussi à trouver le bon fonctionnement. Je vais beaucoup moins vite qu’avant. Mais ce n’est pas très grave, le principal est de continuer à avancer. Je me fais vraiment plaisir. » Du plaisir, mais aussi de la fierté. « Oui c’est vrai, je ressens une grande fierté que tout cela ait fonctionné. J’aime bien aider les autres et pouvoir montrer aux personnes implantées qui n’osent pas reprendre une vie active que c’est possible et forcément utile. Ce que j’ai vécu peut aider d’autres personnes dans le même cas que moi. »

Le Ventoux, une victoire

Aider les autres, un devoir aux yeux de Pascal Cheron. L’Isérois a joint les actes à la parole en créant, en mai dernier, l’association « Cal’Pas [Handi]Cap sur le sport ». Cette association a pour but de permettre aux personnes atteintes, suite à un accident ou à un choc, de déficiences physiques ou mentales, de dépasser le handicap en repoussant leurs limites, grâce à un accompagnement et un soutien dans l’effort par des personnes valides, dans un esprit d’entraide et de bienveillance propice à la résilience et à l’épanouissement. Un dépassement de soi qui prend forme dès le 5 octobre avec le grand projet de l’association et de son président Pascal Cheron : la montée du Ventoux. « Je vais monter le Ventoux à vélo avec d’autres personnes qui sont handicapées physiques ou qui souffrent de stress post-traumatique. Je suis médiateur de la Police nationale, j’ai des collègues qui ont été blessés ou qui ont vécu des traumatismes. C’est aussi le cas de militaires et de pompiers. L’événement devrait rassembler environ 70 personnes. Énormément de gens ont été touchés par mon histoire, mais aussi par le fait que je souhaite associer d’autres personnes dans cette dynamique positive. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir une volonté de fer (et de faire !), je trouve donc capital d’aider les autres », assure un Pascal Cheron déterminé. « Le 5 octobre, il n’est pas question que je laisse une personne sur le bord de la route : on part ensemble, on arrive ensemble. J’ai 1 600 kilomètres de vélo dans les jambes, donc ça devrait aller pour moi. Mais je pense aussi aux autres, nous ferons deux pauses durant l’ascension afin de permettre à tout le monde de bien reprendre des forces. Le Ventoux est un sommet mythique. Lorsque l’on arrive au sommet, c’est une vraie victoire sur soi-même. C’est un sommet qui nous paraît presque inatteignable au départ. »

Un homme changé

Le logo de l’association « Cal’Pas [Handi]Cap sur le sport » est d’ailleurs un phénix, une créature légendaire avec laquelle Pascal Cheron partage la capacité de renaître. « Je me suis fait tatouer un phénix sur ma jambe droite, car beaucoup de personnes autour de moi m’ont dit qu’elles ne savaient pas comment je faisais pour toujours renaître de mes cendres. Il y a eu plusieurs opérations, plusieurs échecs, mais à chaque fois je suis revenu. Je n’ai rien lâché. J’ai aussi eu la chance d’être très bien entouré. Je pense tout particulièrement à mon épouse qui a vécu des moments très difficiles, mais qui m’a énormément aidé. » Désormais, Pascal Cheron profite « à 100 % » de sa deuxième vie. « Toute cette histoire, cette aventure, ça m’a rendu beaucoup plus fort, beaucoup plus humble aussi. Je vis ma vie différemment, je ne me prends plus la tête pour des petites choses. C’est dur à expliquer, mais je vois la vie différemment. Quand on m’a remis debout, je voulais rattraper les années perdues très rapidement. Mais on revient très vite à la réalité. Je fatigue très vite, que ce soit physiquement ou intellectuellement. La neurostimulation fatigue énormément et je suis toujours sous traitement médicamenteux, il faut donc que je dorme dans la journée pour tenir », révèle-t-il. « Je fais en sorte de profiter de tous les moments. Mais, après une épreuve comme celle-ci, il y a quelque chose qui se passe et qui me rend différent par rapport à celui que j’étais avant. Je ne suis plus la même personne. Je pense qu’avant je n’étais pas une mauvaise personne : je donnais beaucoup, mais désormais je donne encore plus. Si je peux aider quelqu’un, je le fais. »
 

Trois grands projets en 2020

Après le Ventoux, l’association « Cal’Pas [Handi]Cap sur le sport » et son président Pascal Cheron ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Trois grands projets sont ainsi au programme pour 2020 : le Canal des deux mers à vélo (800 kilomètres de Sète à Royan), la ViaRhôna (795 kilomètres de Genève jusqu’en Camargue) et le Canal du Midi (285 kilomètres de Toulouse à Sète). « Ce sont des projets qui sont longs, qui permettent de mettre une logistique en place. Là aussi, l’objectif est d’aider des personnes à sortir de leur isolement, qu’il soit physique et ou mental, et ce pendant 8 à 10 jours. Cela permet de leur redonner goût à la vie », explique Pascal Cheron. Plus d’informations sur www.cal-pas.fr.

Par Olivier Navarranne