Le football américain prend son envol

Avec 25 000 licenciés, le football américain demeure un sport confidentiel en France. Mais avec une formation de qualité, de plus en plus de jeunes pratiquants et une équipe de France performante, la discipline croit en des jours meilleurs.

 
« Nous sommes jeunes, très jeunes ! », assure Olivier Moret, directeur technique national de la Fédération Française de Football Américain. En France, l’apparition des premiers clubs pratiquant cette discipline née aux États-Unis date en effet des années 1980. Trois décennies plus tard, le football américain n’a pas réellement percé sur le territoire hexagonal, avec un total de 25 000 licenciés. « Nous sommes surtout en recherche de visibilité », confie Brigitte Schleifer, présidente de la FFFA. « La retransmission du dernier Super Bowl sur TF1 a été un élément positif, mais nous avons besoin de plus. De manière générale, le football américain demeure un sport incompris en France. Il y a une méconnaissance des tactiques, beaucoup de personnes ne retiennent que les contacts et les séquelles, comme les commotions, qui ont fait la une de l’actualité. Les parents ont d’ailleurs souvent eu peur de laisser leurs enfants pratiquer. La formation des coaches est une priorité, c’est une thématique qui me tient à cœur. Car en formant les coaches, on peut proposer une pratique plus encadrée, plus sécuritaire et donc plus attractive pour les pratiquants. C’est essentiel. » La fédération tente donc de faire évoluer les mentalités car, comme l’explique Olivier Moret, « nous avons besoin des jeunes. Nous mettons en place des dispositifs pour entrer dans les milieux scolaire et associatif. Ce que nous proposons aux jeunes, c’est une pratique encadrée : jusqu’aux U14, les contacts sont bannis. L’équipement permet également de pratiquer avec moins de crainte. Nous avons de plus en plus de retours de parents, sceptiques au départ, qui sont rassurés. Pour un sport comme le nôtre, il est important de convaincre et même de séduire. Ce changement, le fait de bannir les contacts, n’a pas été compliqué. Il est plus facile pour nous de changer nos courtes habitudes que pour d’autres sports plus installés. »
 

La pratique des jeunes pour priorité

 
De plus en plus de clubs français tendent d’ailleurs à ouvrir des sections jeunes. « La FFFA mise beaucoup sur ses clubs. Sans clubs, une fédération ne peut pas avancer », explique Brigitte Schleifer. Des clubs performants et structurés, à l’image des Blue Stars de Marseille. Son président, Didier Della Guardia, entend « inscrire encore plus le club comme une association active et citoyenne de notre belle ville de Marseille. » Objectif réussi pour les Blue Stars, qui ont fêté leurs 25 ans d’existence cette année et qui sont présents des U10 aux seniors, sans oublier le développement d’une section féminine. Autre grande ville où le football américain tend à se développer, Lyon mise sur ses Gones. C’est dès 7 ans que les pratiquants peuvent venir à l’école de football américain proposée par le club rhodanien dirigé par Franck Gallien. « Aujourd’hui, nous aimerions également développer la discipline de façon un peu plus égale sur l’ensemble du territoire. La majorité des clubs se trouve en Île-de-France, ce qui rend longs et compliqués les déplacements pour nos équipes de province. Avoir une pratique un peu plus répartie sur l’ensemble du territoire est l’une des priorités de la fédération », confie la présidente de la FFFA. « Au niveau local, il est vrai que nous éprouvons des difficultés, notamment concernant les équipements sportifs. Trouver des créneaux et cohabiter avec d’autres disciplines sont des éléments sur lesquels nous devons faire des progrès. Localement, la dynamique sur le football américain est plus importante s’il y a moins de concurrence de la part des autres sports. C’est plus compliqué quand des disciplines comme le rugby ou le basket, autre sport US, sont fortes. C’est d’ailleurs tout à fait normal, ces sports sont médiatisés et installés depuis longtemps en France. De notre côté, nous sommes encore jeunes. Il y a tout à faire et à créer. »
 

 

Des Bleus qui dominent l’Europe

 
La FFFA peut tout de même compter sur une vitrine : son équipe de France. Les Bleus ont remporté les World Games en 2017 et la Coupe d’Europe en 2018. « Il est vrai que nos équipes nationales insufflent une dynamique positive pour le développement de la discipline en France », confie Brigitte Schleifer. « Le mois dernier, l’équipe de France seniors a rejoué à domicile pour la première fois depuis 2013. Pour nous, c’était un véritable événement. Ce serait évidemment extrêmement positif que cette équipe puisse évoluer plus souvent sur notre sol, notamment devant des spectateurs qui seraient en mesure de découvrir notre sport. » Des Bleus en quête d’un nouveau titre européen en 2020, forts d’une nouvelle génération qui répond parfaitement aux attentes. « C’est d’ailleurs une dynamique de résultats que l’on retrouve chez les U19. Depuis 1998, l’équipe de France U19 figure sur le podium européen sans interruption, à l’exception de 2015 », se félicite Olivier Moret. « Pour une petite fédération comme la nôtre, qui compte seulement 25 000 licenciés, il est important de pouvoir compter sur de bonnes performances de nos équipes nationales. Notre savoir-faire en matière de haut niveau est reconnu et se perpétue dans le temps. Il est important que ce travail soit légitimé par les résultats. »
 

 

Tendre vers le professionnalisme

 
De tels résultats permettent-ils au football américain de s’engager sur la voie du professionnalisme ? « Nous en sommes encore loin, mais nous nous devons de tendre vers cela », assure la présidente de la FFFA. « La très grande majorité de nos meilleurs joueurs évolue dans les clubs français, mais certains arrivent à s’exporter. C’est un élément positif que des joueurs puissent faire leurs armes à l’étranger, c’est une vitrine pour la France. » Pour Olivier Moret, « une pratique semi-professionnelle serait idéale. Mais pour cela, le contexte économique doit être propice, nous n’allons pas nous lancer dans ce système pour ensuite mettre la clé sous la porte deux ans plus tard faute de moyens. Aujourd’hui, nos joueurs s’entraînent au maximum de leur temps libre, en plus du boulot ou des études. Les meilleurs joueurs français sont d’ailleurs courtisés par le championnat allemand. Cela montre aussi que le travail de construction et de formation à long terme est reconnu. Nous avons également cinq français qui évoluent dans le championnat canadien. Malgré des moyens humains et financiers limités, nous misons avant tout sur un travail de qualité. » Pour le moment, c’est donc la qualité à défaut de la quantité pour le football américain en France. Mais à force de travail, la discipline pourrait bien cumuler les deux dans le futur. Ce sera alors touchdown !

Amiens en pôle

Alors que les meilleurs joueurs français de 15 à 18 ans étaient répartis entre Amiens et Talence, depuis septembre 2018 l’unique Pôle France de football américain se situe au sein de la cité picarde. « Nous avons fait ce choix d’une structure unique afin de centraliser les moyens », explique Steeve Guersent, directeur du Pôle France. « Cela nous permet d’avoir un staff plus conséquent, avec par exemple un entraîneur pour chaque position. Le nombre de joueurs est lui aussi plus important, ce qui nous permet de disputer des matches. » Tout au long de l’année, l’équipe du Pôle France affronte ainsi des équipes étrangères, permettant aux jeunes talents de s’étalonner. « On constate une véritable évolution, aussi bien sur le plan tactique que physique. Cela permet au Pôle France d’être un vrai réservoir pour l’équipe nationale. Plus de la moitié de l’équipe de France championne d’Europe est issue du Pôle France, c’est donc une vraie réussite. » Une structure qui aide également les jeunes joueurs à réussir au mieux leur double projet. « Nous avons un bon taux de réussite au bac », confie Steeve Guersent. « Nous construisons un vrai projet professionnel avec eux, en essayant de les orienter au mieux en post-bac. Ils ressortent ainsi du Pôle France comme des hommes alors qu’ils sont arrivés comme des adolescents. »

Par Olivier Navarranne