Kevin Rolland : « L’accident m’a complètement ouvert l’esprit sur la vie »

À 30 ans, Kevin Rolland est un des rois du half-pipe. Médaillé de bronze aux Jeux olympiques de Sotchi en 2014, quadruple médaillé aux championnats du monde (or en 2009, argent en 2011 et 2019, bronze en 2017) et quintuple médaillé d’or des X Games, le Plagnard a tenté de battre le record du monde de quarter-pipe le 30 avril dernier, mais cela s’est mal passé. Victime d’une lourde chute, Kevin Rolland a frôlé la mort, au moment même où sa compagne donnait naissance à son premier enfant. Entretien avec un rescapé bien décidé à profiter de la vie et à rechausser les skis.

 
Kevin, quel bilan faites-vous de l’hiver dernier ?
Au niveau des résultats, j’étais satisfait, parce que j’ai terminé la saison vice-champion du monde. J’étais champion du monde en 2009, ça prouve une belle longévité dans mon sport. Pendant dix ans, je suis resté sur le podium des Championnats du monde pratiquement à chaque édition. J’étais très content, mais je voulais finir sur une nouveauté, donc je voulais faire ce record du monde. Je voulais apporter quelque chose de nouveau à mon palmarès.
 
En quoi consistait ce record ?
C’était un quarter-pipe, un mur de face, une courbe de face au lieu d’être sur le côté comme pour le half-pipe. Sauf que le mur, au lieu de faire 7 mètres de haut, il en faisait 11. Et en fait, il fallait monter le plus haut possible et retomber au même endroit. C’est le même principe que le half-pipe, mais sur un seul saut. J’arrivais à 100 km/h dans la courbe, contrairement au half-pipe où l’on arrive à 40 km/h.
 

« J’ai causé beaucoup de peine autour de moi »

 
Cela ne s’est pas du tout passé comme prévu…
Malheureusement, cela a été un gros accident. Je suis tombé dans le coma, j’étais entre la vie et la mort pendant deux, trois jours. J’ai eu des hémorragies internes au niveau de mes organes, au niveau des poumons. Je me suis fracturé le bassin, j’ai été opéré. Heureusement, je n’ai aucune séquelle au niveau des hémorragies internes, tout est bien revenu. Après, pour mon bassin, comme j’ai été opéré, j’ai une plaque et une vis et en ce moment je fais de la rééducation pour que mon corps apprenne à travailler avec ce matériel.
 
Si l’on vous proposait une nouvelle fois de battre ce record un jour, vous réagiriez différemment par rapport à la dangerosité de l’objectif ?
Moi, personnellement, non, mais je pense que je ne le ferai pas, parce que j’ai causé beaucoup de peine autour de moi avec cet accident. C’est arrivé en même temps que la naissance de mon fils (sa compagne Roma a donné naissance à un petit Rio, NDLR), donc c’était compliqué. Ça a été très, très dur pour ma copine. Par rapport à elle et à ma famille, je ne le ferai pas.
 
Cela a dû être un sentiment étrange avec la douleur combinée à la joie d’être papa…
C’était très, très bizarre. Je me suis réveillé, le temps que je prenne conscience, j’ai vite été super heureux. Je me suis dit : « Je suis vivant ! J’ai failli mourir apparemment, mais je ne suis pas mort, c’est bien et en plus de ça j’ai un petit bout de chou. Il est trop mignon ! » Je suis tombé amoureux de lui tout de suite la première fois que je l’ai vu. Donc bizarrement, les semaines qui ont suivi mon accident ont été les plus belles semaines de ma vie. Du coup, je pense que ça m’a beaucoup aidé pour ma rééducation, parce que j’étais très positif, j’y croyais vraiment même si les médecins me disaient qu’ils ne savaient pas si je pourrais skier à nouveau et refaire du sport un jour. J’avais pris cher, mais j’essayais juste de me concentrer sur le positif et ça a bien marché.
 

« Je me suis obligé à être positif »

 
Cela vous fait relativiser les performances sportives ?
Complètement, parce que moi, je suis dans ma petite sphère d’athlète depuis 15 ans. Avec un entourage familial évidemment. Mais ce qui importait, c’était que je sois au top pour faire de la compétition. Là, ça m’a complètement ouvert l’esprit sur la vie. Sur la vie normale. Il y a la vie tout court et la vie d’athlète. Là, j’ai vraiment une vision un peu plus globale de tout ça.
 
Vous avez dû perdre beaucoup de poids…
Je suis resté un mois et demi alité à ne même pas pouvoir être assis. Ça a été super dur, mais en même temps, je me suis obligé à être positif. Encore une fois, j’avais un gamin et je n’étais pas mort, donc j’essayais vraiment de cultiver la positivité. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui les médecins m’ont dit qu’ils n’avaient jamais vu quelqu’un revenir aussi rapidement de ce genre de séquelles.
 
Votre mental d’athlète de haut niveau vous a aidé ?
Peut-être, mais je pense aussi que j’ai eu beaucoup de chance.
 
Quelle est la suite pour vous cet hiver ?
J’ai encore un peu de réathlétisation et je vais pouvoir recommencer à skier. J’ai déjà skié un peu, tout doucement. Mais, je vais bientôt pouvoir recommencer à skier en faisant des sauts, évidemment progressivement. Tout cet hiver va me servir à me remettre le pied à l’étrier, refaire un peu du half-pipe en m’entraînant et faire aussi des choses que j’ai envie de faire, comme faire de la poudreuse. Faire du ski, pas que du half-pipe. Moi je suis un skieur, j’aime skier. Je fais du half-pipe parce que je suis performant, que je fais des résultats et que j’aime ça. Mais, je n’aime pas plus le half-pipe que j’aime aller skier en montagne. J’aime le ski et je veux en faire beaucoup cet hiver.
 

« Il y avait tout pour que je sois au fond du trou »

 
Il n’y a pas d’appréhension avant de refaire des sauts ?
Maintenant, je dirais que non, mais peut-être qu’au moment d’en refaire, il y en aura et ce serait normal. Il faudra dompter cette appréhension possible. Mais pour l’instant, je n’en ai pas.
 
Est-ce qu’il y a quelque chose de positif à retirer de cet accident ?
Je ne sais si c’est positif, mais ça t’apprend des choses sur toi-même. J’ai appris plein de choses sur moi-même, j’ai appris comment me sortir de situations très compliquées de la meilleure des manières. J’en parle beaucoup, mais c’est la positivité. Il y avait tout pour que je sois au fond du trou. J’étais alité, avec des vis dans le bassin, huit côtes cassées, des hémorragies, le cerveau qui avait pris cher. Rien n’allait, mais malgré tout, j’étais heureux parce que j’essayais de voir uniquement ce qui allait bien. Je pensais à mon fils et je pense que ça m’a beaucoup aidé.
 
Êtes-vous un homme différent aujourd’hui ?
De toute façon, un homme, quand il a un enfant, il est différent. Et moi encore plus, c’est sûr.

La bio express de Kevin Rolland :

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La rédaction