Kamel Chibli : « Le sport au service du tourisme, du patrimoine et de l’agriculture »

Vice-président de la Région Occitanie en charge des sports, de l’éducation et de la jeunesse, Kamel Chibli détaille les raisons de l’attractivité et du dynamisme de son territoire. Grands événements, sport scolaire, tourisme sportif, tout est mis en œuvre pour faire de la Région Occitanie une locomotive en matière de développement du sport en France.

 
Vous avez décidé de ne pas présenter votre candidature au Sénat après le retrait d’Alain Duran et de rester fidèle à la Région. Quelles en sont les raisons ?
Les raisons sont multiples. Tout d’abord, l’idée était de rester fidèle à un collectif, à une équipe. J’ai l’impression d’avoir fait le travail qu’il fallait faire dans ma thématique, mais de ne pas être allé au bout et de défendre mon bilan devant les électeurs. La deuxième raison, même si nul n’est irremplaçable, c’est de ne pas vouloir donner le sentiment à tous les acteurs du sport et de l’éducation de les abandonner sans les avoir préparés. J’ai beaucoup personnalisé la fonction, j’ai sillonné le territoire régional, j’ai fait en sorte de pouvoir accompagner tout le monde du sport, du plus petit niveau au sport professionnel. J’ai beaucoup travaillé, je me suis beaucoup investi personnellement pour mettre en place une politique sportive avec une véritable ambition. Celle d’être une des premières régions en France, ce qui est le cas. La décision d’aller ou pas au Sénat devait être prise un peu dans l’urgence, et j’avais un peu l’impression de les abandonner, voire de les trahir, si je quittais ma fonction. Démissionner de mon mandat un mois et demi plus tard, j’avais cette inquiétude de donner le sentiment d’être quelqu’un qui part ailleurs par opportunisme. C’est sûr que 99% des politiques auraient fait ça, parce que l’intérêt personnel était beaucoup plus au Sénat qu’à la Région. Mais, même si le poste au Sénat était quasi ficelé, j’en ai décidé autrement. C’était une décision difficile, ce qui m’a fait réfléchir, c’est la fidélité à la Région avec tout ce qu’on a construit avec la présidente. Et aussi tous ces acteurs que j’accompagne et avec lesquels j’ai noué énormément d’amitiés depuis maintenant cinq ans. Je les amenais vers la construction d’une politique sportive ambitieuse, vers le fait de porter Paris 2024 en Région Occitanie, vers l’accompagnement des Creps, vers la nécessité d’avoir plus de liens entre le monde professionnel et le monde amateur. 2023-2024, c’est une période avec la Coupe du monde de rugby et les Jeux Olympiques. J’aurais eu l’impression d’avoir fixé un cap et de ne pas aller au bout. J’aurais eu du mal à me regarder dans la glace, même si beaucoup – car j’avais quasiment terminé mon mandat, auraient surement choisi l’option du Sénat. Ça a été une décision douloureuse, parce que tout le monde m’appelait pour que j’y aille, mais j’ai finalement choisi l’intérêt collectif plutôt que l’intérêt personnel.
 
Comment se passe la reprise du sport dans votre région après cette terrible crise sanitaire ?
La reprise est complexe, elle a été très partielle car c’était durant l’été, une période où, en général, il n’y a pas de sport au sens club sportif. Tous les événements ont été annulés, ça a été la problématique. La seule reprise qui a existé pendant la période estivale, de façon très partielle, ça a été le monde professionnel qui a repris l’entraînement. Pour le reste, il n’y a pas eu véritablement de reprise car le déconfinement a commencé au moment où les saisons se terminaient. Il y a surtout eu les assemblées générales de clubs pour clôturer la saison, une saison en demi-teinte pour les raisons que l’on connaît. Déjà la saison n’a pas pu aller au bout, et il fallait préparer le budget de l’année prochaine, qui ne va pas être facile pour les clubs.
 

« Le secteur du sport est aujourd’hui en danger »

 
Comment préparez-vous cette rentrée de septembre, où les enjeux sont nombreux pour les clubs et les associations ?
Nous avons travaillé sur cette rentrée depuis des mois. Je me suis attelé à lancer une demande officielle au niveau national, à la ministre, sur un plan de soutien massif aux clubs sportifs. La priorité était plutôt sur la partie sanitaire, ce qui était normal, et sur la partie économique, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut oublier les autres. Le secteur du sport est aujourd’hui en danger. Je me suis battu pour qu’on puisse mettre en place un plan Marshall du sport, notamment avec Thierry Braillard, qui est un ami. Nous avons été partiellement entendus, puisque la ministre m’a annoncé qu’on aurait notamment 1,2 ou 1,3 million d’euros sur la Région Occitanie à la destination des clubs, ce qui va permettre de les accompagner. C’est ce qu’a fait la Région Occitanie très tôt, puisqu’on a mis un fonds d’urgence de 5 millions d’euros dans le monde associatif, dont 1,5 million pour le monde du sport. Cela va permettre, notamment pour les clubs de niveau national, qui ont le plus de pertes, de limiter la casse. La Région a joué son rôle, mais il faut que tout monde joue le sien, parce que si des clubs disparaissent de la carte, c’est un pan de la République qui est mis en danger, c’est une partie de la société qui est mise à mal. On a 35 millions de pratiquants en France, dont 16 millions dans les clubs. Notre Région compte 1,5 million de licenciés et 3 millions de pratiquants, nous sommes la Région qui pratique le plus le sport en France, ce n’est pas moi qui le dis, c’est Tony Estanguet. Avec le Covid-19, sur le plan sanitaire, on a réagi, car on était obligé d’être dans la réaction par rapport à une crise. Dans le sport, on peut agir avant de réagir. On peut anticiper, puisque les conséquences ne sont pas arrivées tout de suite pour le monde amateur, contrairement au sport professionnel. Si on peut prévenir plutôt que guérir, autant le faire, et là, c’est possible.
 

 
Au-delà de cette crise sanitaire, ne faudrait-il pas repenser l’organisation du sport sur le territoire et notamment donner plus d’importance au sport amateur, aux clubs et aux associations sportives ?
Si, et nous le faisons. On a mis en place une stratégie d’accompagnement qui est assez exceptionnelle au niveau du sport. On a doublé l’investissement pour les clubs et pour les collectivités. Après, repenser le modèle, ça ne veut rien dire. Les modèles de clubs qui étaient les plus vertueux, ce sont eux qui ont le plus souffert. Quand le modèle est vertueux, ça veut dire qu’il génère du partenariat privé et de la billetterie. Et ce modèle-là est le plus mis à mal parce que la crise sanitaire a entraîné la tenue de matchs à huis clos. Pour un club professionnel qui génère des recettes grâce à sa billetterie, c’est la mort du club. De notre côté, nous avons tout repensé. Nous avons mis en place avec AD’OCC Sport – bras armé de l’économie du sport de la Région, un certain nombre de tables rondes depuis plusieurs mois pour réfléchir à la digitalisation des clubs, à l’évolution des clubs, et à la nécessité d’une nouvelle réflexion après la crise. Tout cela en plus des dispositifs d’accompagnement que la Région met déjà en place. Nous accompagnons du petit club jusqu’à l’athlète de haut niveau, le professionnel. Il faut effectivement accompagner également le mouvement sportif, ce que l’on fait, notamment avec les ligues, qui permettent notamment d’accompagner et de former les bénévoles. Ce qu’il faut revoir, c’est que l’on se rend compte que les clubs reposent beaucoup sur le bénévolat. Le bénévole aujourd’hui, il est en difficulté et il a plutôt envie de lâcher prise. Quand un bénévole passe toutes ses journées à chercher du partenariat privé et qu’il se rend compte que c’est compliqué, il n’a pas forcément envie de poursuivre. Il faut donc renforcer le bénévolat, il faut des avantages fiscaux plus intéressants au niveau national. Nous travaillons actuellement à l’édition d’un mini-guide à destination de tous les clubs, pour leur donner des informations pratiques sur la gestion d’un club (administrative, législative…), sur la recherche de mécénat et de sponsoring, et sur la création de nouvelles entités avec les SCIC (Sociétés coopératives d’intérêt collectif). Nous avons également mis en place depuis maintenant deux ans la journée des bénévoles, qui se déroulera en octobre et qui permet de mettre en lumière tous ces acteurs du sport qui travaillent depuis tant d’années pour l’avenir de nos enfants.
 

« L’élite de demain, elle est dans les établissements scolaires »

 
J’imagine que le tourisme sportif est un secteur important pour la région Occitanie. Comment poursuivre son développement ?
C’est un secteur important parce que la deuxième économie de la Région, c’est le tourisme. Nous avons un patrimoine naturel extraordinaire, entre la mer et la montagne, aussi bien pour le ski et tous les sports d’hiver que pour les sports d’été. Nous avons aussi des hauts lieux exceptionnels de la voile et du kite. Nous avons reçu plusieurs fois le Tour de France à la voile, nous avons aussi des événements comme le Mondial du Vent, le Défi Wind et le Défi Kite… Ces événements nous permettent de briller au niveau national et international. Clairement, aujourd’hui, on travaille sur le sport au service du tourisme, le sport au service du patrimoine naturel, et le sport au service de l’agriculture. C’est une direction qu’on a décidé de prendre depuis peu avec Sud de France, ça permet notamment d’utiliser les clubs et les sportifs que nous avons et qui sont des sportifs reconnus mondialement – Perrine Laffont, Kevin Mayer, Romain Ntamack – pour jouer le rôle d’ambassadrice ou d’ambassadeur de la Région. Cela permet de valoriser le patrimoine naturel et environnemental de notre territoire. Un exemple que je donne, cela fait partie des idées que l’on est en train de mettre en place : quand vous avez une Perrine Laffont qui monte au Château de Montségur à vélo pour se préparer, ou un Kevin Mayer qui teste son 100 mètres sur le Pont du Gard, imaginez ce que ça peut donner en termes d’image. Ces sportifs sont suivis par des millions de personnes, c’est pour nous une opportunité considérable. Je crois beaucoup à cela, au sportif et au sport au service du patrimoine et du tourisme, et aussi au service de l’agriculture et de nos producteurs. C’est ça la démarche aujourd’hui. Tout cela et compatible, et tout le monde se régale car on voit de plus en plus de « made in Occitanie » qui est joué par les sportifs, et ça plait beaucoup car ce sont des valeurs qui sont très propres aux sportifs que nous avons dans notre Région Occitanie.
 
Le sport à l’école est un autre sujet important et d’actualité. Comment vous positionnez-vous concernant son développement en Région Occitanie ?
Aujourd’hui, on se focalise sur le développement du sport scolaire. Il est essentiellement porté par l’Education nationale car cela fait partie de ses compétences, il utilise les infrastructures régionales mais la Région était très peu mobilisée. La Carte Jeune Occitanie lancée à destination de nos jeunes lycéens et apprentis avait pour principale vocation d’aider des jeunes dans leur parcours scolaire. Cela veut dire avoir un ordinateur pour travailler à la maison et à l’école, les livres scolaires gratuits, mais on a voulu y ajouter la dimension sportive. On a mis en place, et c’est unique en France, une aide de 15 euros pour l’acquisition de la licence sportive scolaire, ce qui amène quasiment la gratuité de cette licence. A l’heure où je vous parle, nous sommes passés de 10, 15 000 licenciés UNSS à environ 40 000. On a quasiment multiplié par trois le nombre de licenciés UNSS dans les établissements. C’est aussi une manière de contribuer d’abord à susciter des vocations parce que la plupart des jeunes commencent par l’UNSS, mais c’est aussi la question du sport santé qui est en jeu. Nous sommes dans cette continuité politique d’accompagner cette évolution. Nous mettons aussi l’accent sur l’organisation d’événements interrégionaux, nationaux et internationaux pour l’UNSS, avec des championnats de France de cross, de volley, de basket, de rugby… En rugby à 15, les champions du monde UNSS sont de Castres. Il faut être clair, l’élite de demain, elle est dans les établissements. Pour les intéresser et les préparer, il faut bien évidemment favoriser le développement de la pratique. L’aide à l’acquisition de la licence permet incontestablement d’augmenter le nombre de pratiquants, de lutter contre cette problématique de santé, et en même temps de permettre de générer des pépites dans le monde du sport que l’on aura demain dans les différentes disciplines de notre territoire.
 

 

« Font-Romeu, un lieu incontournable pour la préparation en altitude »

 
La Coupe du monde 2023 de rugby se déroulera en France. Quel impact aura-t-elle en Région Occitanie ?
Nous accueillons le fameux train 2023 (à Montpellier le 24 septembre, à Perpignan le 25 septembre, à Toulouse les 26 et 27 septembre). Nous sommes à l’initiative de 2023 apprentis, on travaille avec Claude Atcher (Directeur Général de la Coupe du monde France 2023). Je suis membre du Conseil d’administration au titre des Régions de France, donc je suis membre du GIP (Groupement d’Intérêt Public #FRANCE2023). L’idée, c’est de mettre au diapason les Régions. En ce qui concerne l’Occitanie, on souhaite que l’événement soit partagé par l’ensemble des habitants, pas uniquement par le mouvement sportif. Nous sommes la première région rugbystique de France, voire d’Europe, en nombre de licenciés. Nous ne sommes pas loin des 80 000 licenciés. On souhaite organiser plein de manifestations autour d’un certain nombre de tournois avec la Ligue Occitanie. Il n’y a que Toulouse qui accueillera des matchs, mais nous aurons à priori trois camps de base, qui pourraient être positionnés sur Perpignan, Montpellier et Toulouse. Trois secteurs représentatifs de la diversité des territoires. On aura la possibilité de mobiliser les établissements, les écoles, les collèges, les lycées, en lien avec les départements et les collectivités locales. On va faire en sorte que cette fête du rugby 2023 soit la fête de toute la Région Occitanie. Nous devons être présent au rendez-vous car nous sommes la Région du rugby. On travaille avec Claude Atcher pour organiser de nombreux événements populaires, pour faire découvrir le rugby comme on le fait déjà avec des associations, je pense à l’association Rebonds ! à Toulouse, qui fait découvrir le rugby aux filles des quartiers. C’est aussi une manière de montrer que le rugby peut sortir de cette image de sport rude, et ça permet de développer le sport féminin, c’est important. C’est aussi un sport d’évitement, on a pu le voir avec le jeu du Stade Toulousain, et c’est un sport avec des valeurs extraordinaires. L’idée, c’est de développer la pratique de ce sport. On va s’appuyer sur des jeunes comme Mohamed Haouas, qui est un garçon extraordinaire qui réussit, originaire du quartier du Petit Bard à Montpellier. Et beaucoup d’autres. Nous avons suffisamment d’ambassadeurs pour aller développer la pratique dans les quartiers, mais aussi dans les zones rurales les plus éloignées. Nous voulons aussi développer le rugby féminin, qui augmente aujourd’hui de façon considérable le nombre de licenciés.
 
Y aura-t-il un effet Paris 2024 pour votre région ? Avez-vous des garanties d’avoir des délégations en préparation sur votre territoire ?
Je pense que oui. S’il y a une Région qui risque d’avoir un certain nombre de délégations, c’est bien la Région Occitanie, pour plusieurs raisons. D’abord, nous avons un écosystème favorable, avec la mer et la montagne, et la proximité avec Marseille pour la voile. Ensuite, les Creps de Toulouse, Montpellier et Font-Romeu accueillent régulièrement des délégations. Nous avons des garanties sur Font-Romeu. A l’heure où je vous parle, quasiment 300 médailles olympiques sont passées par Font-Romeu. Nous avons de façon régulière des délégations étrangères qui viennent. C’est un lieu incontournable au niveau européen pour la préparation en altitude, ce qui place la Région Occitanie quasiment en pole position. La présidente de la Région, Carole Delga, va annoncer en octobre, de gros investissements sur le site, ce qui va permettre de monter encore d’un niveau les équipements, ce qui va permettre de nous placer quasiment dans le Top 5 au niveau mondial. C’est unique. Entre les clubs, les centres de formation, les structures, nos trois Creps, et un mouvement sportif très mobilisé et très structuré, la Région Occitanie est très bien placée au niveau national.
 

Simon Bardet