Jean-Pierre de Mondenard : « Peut-être que Froome dérange… »

British Chris Froome pictured in action during the Men Elite individual time trial race at the 2017 UCI Road World Cycling Championships in Bergen, Norway, Wednesday 20 September 2017. Photo : Yorick Jansens / Belga / Icon Sport

Le Docteur Jean-Pierre de Mondenard est l’auteur d’ouvrages sur le dopage sportif. Pour SPORTMAG, il évoque ce sujet sensible. Entretien.

 

Depuis quand êtes-vous spécialisé dans le domaine du dopage ?

Au début des années 70, j’ai commencé par des contrôles antidopage dans le monde du cyclisme amateur. Je me suis retrouvé sur le tour de France en 1973. À l’époque, j’étais médecin de la course et je procédais également aux contrôles. Ce qui serait impossible aujourd’hui.

Récemment, Chris Froome a subi un contrôle antidopage qui a révélé une concentration de salbutamol, deux fois supérieure au seuil autorisé, lors de sa victoire sur le Tour d’Espagne en septembre. Est-ce réellement synonyme de progrès faits dans la lutte antidopage ?

Cette affaire, je la connais par cœur. La question qui se pose est de savoir : « À qui profite le crime ? ». Surtout que l’affaire n’a pas encore été au bout de la procédure. Peut-être que Froome dérange, car il empêche les Français d’atteindre la plus haute marche sur le podium du Tour, le dernier vainqueur en date était Bernard Hinault en 1985, soit il y a 32 ans. Aujourd’hui, le président de l’UCI n’est plus Anglo-saxon. Désormais, c’est un Français (David Lappartient depuis le mois de septembre dernier, NDLR).

La lutte antidopage ne serait donc pas réellement efficace…

Elle ne pourra réellement fonctionner que le jour où elle ne sera plus entre les mains du monde du sport (Fédérations nationales et internationales, CIO, AMA, ministère des sports).

Globalement, le peloton du Tour de France est-il plus « propre » dans les années 2010 qu’au cours des décennies précédentes ?

Aujourd’hui, je ne peux pas affirmer que le dopage est moins présent que par le passé. Nous constatons les mêmes chiffres, ridiculement faibles, de cas positifs. Le véritable changement concerne la professionnalisation des sportifs et de leur entourage. Tout le monde s’arrange avec les contrôles…

Dans l’athlétisme, peut-on imaginer qu’un sportif comme Usain Bolt, qui réalise des chronos stratosphériques, soit « clean » ?

Bolt n’a jamais été contrôlé positif mais a battu plusieurs athlètes qui étaient dopés. Donc, à moins de venir de la planète Mars… Mais je n’imagine pas la fédération internationale révéler un cas positif concernant le Jamaïcain.

Comment expliquez-vous que les cas de dopage dans un sport comme le tennis soient extrêmement rares ?

En tennis, le physique est déterminant. Mais qui procède aux contrôles à Roland Garros ? C’est l’ATP, à savoir l’organisateur du circuit professionnel. C’est comme lors de la Coupe du monde de football, en 1998, où la FIFA ne voulait pas que les contrôles se fassent en France. Les organisateurs des grandes compétitions de football et de tennis font tout pour que ces sports ne deviennent pas comme le vélo ou l’athlétisme, régulièrement cités dans la page des faits divers.

Arnaud Lapointe