À l’occasion de la Journée internationale des Droits de l’Enfant, l’association L’Enfant Bleu lance « Le Maillot pour Alerter », un dispositif inédit permettant aux jeunes victimes de violences de signaler une situation de danger via un QR code intégré dans leur maillot de sport. Isabelle Debré explique l’importance de cet outil et la réalité des enfants victimes, dont 70 % ne parviennent jamais à parler.
Pour commencer, pouvez-vous rappeler quelles sont les missions de L’Enfant Bleu ?
Nous en avons trois. La première, c’est d’accompagner les victimes sur les plans psychologique et juridique. Un enfant arrive chez nous avec une blessure ouverte, terrible. Nous l’aidons à se réparer, petit à petit. Il vivra avec une cicatrice, mais nous l’accompagnons vers la reconstruction. La deuxième mission, c’est la prévention dans les écoles : nous avons un agrément national. Et la troisième, c’est d’aller sur le terrain, au plus près des enfants et ici, on a décidé d’aller sur un autre terrain, celui du sport : le foot, le rugby, le handball, le basket…
Pourquoi est-il encore si difficile pour de nombreux enfants victimes de violences de parler ?
80% des violences se déroulent à l’intérieur même de la famille, ce qui rend la parole extrêmement difficile pour un enfant. L’important, c’est d’identifier ce qu’on appelle un adulte de confiance et ce n’est pas toujours évident pour l’enfant. C’est pour cela que nous avons créé ce maillot : en scannant un QR code, il peut signaler une situation de danger et demander de l’aide. C’est très discret et ça lui permet d’échanger avec un professionnel.
On l’accompagne ensuite pour trouver un adulte de confiance, pour l’aider dans ses démarches. Aujourd’hui, plus de 70% des enfants maltraités n’arrivent pas à se faire connaître et à parler. Un enfant qui ne parle, il n’a aucune chance de se reconstruire.
Comment est née l’idée d’intégrer un QR code discret sous le numéro d’un maillot ?
C’est une idée qui a été imaginée et réalisée, gracieusement, par Avasplay, un de nos grands mécènes. On travaille main dans la main et on a toujours des idées un petit peu novatrices. Par exemple, on avait fait un grand film avec le champion de MMA, Cédric Doumbé ou encore une infiltration du jeu Fortnite pendant le Covid. Les enfants pouvaient chatter avec un personnage « L’Enfant Bleu » pour signaler une maltraitance. Sans aucune publicité, cela avait généré près de 1 500 connexions en quinze jours.
Comment le projet « Le Maillot pour Alerter » a-t-il été construit ?
Le projet est né cet été, c’est en partenariat avec l’association Act for Sport. Nous avons distribué 15 000 maillots et 1 500 clubs participent déjà. Ils ont été choisis parmi les clubs volontaires et l’opération doit s’étendre sur au moins trois ans. D’autres clubs peuvent toujours nous rejoindre, bien sûr. Quand nous remettons les maillots, les éducateurs sont informés du QR code et de son usage. Et depuis la distribution, on a 200 vus à peu près.
Pourquoi le sport amateur vous est-il apparu comme un terrain pertinent pour déclencher l’alerte ?
Parce que c’est un endroit qui appartient vraiment à l’enfant. Très souvent, il n’y a pas les personnes maltraitantes qui sont présentes. Il est en dehors de la famille, dans un espace où il peut se sentir libre. C’est vraiment un endroit qui est à eux et c’était ça l’important.
Quels impacts espérez-vous dans les prochains mois ?
On espère que, comme je le dis souvent, la parole se libère. Mais on le dit presque plus chez les adultes que chez les enfants aujourd’hui. On voudrait que les enfants comprennent qu’ils ont un endroit, avec l’Enfant Bleu et peut-être d’autres associations aussi, où ils peuvent parler sans crainte. On va les écouter, on va les accompagner. D’ailleurs, pour ceux qui n’ont pas de téléphone portable, ils connaîtront au moins le nom de L’Enfant Bleu. Ils peuvent trouver le numéro de téléphone et nous appeler directement.
Comment préparez-vous vos équipes à une éventuelle augmentation des demandes ?
Nous allons recruter des écoutants. Il y a des écoutants qui seront là chaque jour. Et puis ensuite, on va essayer de voir ce que l’on peut faire et puis on va y arriver. Pendant le Covid, on a réussi. On a même été en support, je dirais, du 119. Donc, je ne dis pas qu’on a l’habitude, mais on va faire en sorte que ça marche.
Quel message souhaitez-vous adresser aux clubs, éducateurs et enfants pour la Journée internationale des Droits de l’Enfant ?
Soyez attentifs. Regardez les enfants. Comme dans l’Éducation nationale, on peut repérer un enfant renfermé, isolé, silencieux. Un éducateur peut aller le voir, lui parler. Soyez vigilants, soyez à l’écoute.
