Hugues Relier : « Replacer l’athlète au cœur du dispositif »

Angélique Michaud

De retour dans le giron de la savate boxe française après des passages aux Fédérations françaises de gymnastique volontaire et de badminton, Hugues Relier, 48 ans, est le directeur technique national d’une discipline qui a bien relancé sa mécanique après le coup d’arrêt de la crise sanitaire.

Trois ans après le début de la crise sanitaire, comment se porte la savate en France ?

Comme l’ensemble des sports de combat, on a eu beaucoup de difficultés pendant le Covid. On a été à l’arrêt les premiers et redémarré les derniers. Il y a actuellement 48 000 licenciés. On atteindra les 50 000 d’ici la fin de saison. C’était notre objectif mais on n’est pas encore revenu au niveau d’avant le Covid. On était monté à plus de 60 000 licenciés et on est tombé à 30 000. Avec la crise sanitaire, les modes de consommation sportive ont changé. Certains sont partis vers d’autres pratiques comme les activités en extérieur. Heureusement, on accueille aussi beaucoup de nouveaux. Il nous faut encore un peu de temps pour revenir à l’état initial mais la discipline se porte bien. Elle est structurée et solide. On est en phase de croissance.

Quelle est la répartition de vos licenciés par sexe ?

On a 40% de féminines. Notre sport a la chance d’être très féminisée. L’image qu’on renvoie, c’est que tout le monde peut le pratiquer. Il n’y a pas que le combat et l’assaut. On a toute une palette d’activités. Par exemple, la « savate forme » permet une pratique axée sur la santé et la remise en forme. La canne de combat est très accessible et 100% inclusive. On a des pratiques extrêmement ludiques, accessibles et mixtes.

« Je me suis enrichi de mes expériences extérieures »

Parmi les dix clubs les plus importants en France en nombre d’adhérents, sept sont en Ile-de-France. Que vous inspire cette concentration ?

L’Ile-de-France est un gros territoire avec une forte concentration de population. Un pourcentage important de nos licenciés y vit mais les autres régions comme l’Auvergne-Rhône-Alpes, la Provence-Alpes-Côte-d’Azur ou la Nouvelle-Aquitaine ne sont pas berne. En revanche, certaines sont plus en difficultés comme le Centre-Val-de-Loire où la densité de population est moindre. Le travail de maillage, de création et d’accompagnement des clubs se fait dans tous les territoires mais c’est une réalité pour l’ensemble du mouvement sportif : les territoires où la densité de population est faible ont moins d’adhérents. Il y a aussi un réel enjeu, c’est celui des équipements. On travaille pour densifier et développer l’activité dans les territoires où elle est moins présente.

La savate boxe française n’est pas olympique. Exister à l’approche des Jeux de Paris 2024 est-il compliqué ?

C’est une difficulté et une opportunité. La difficulté, peut-être pas cette année mais pour la prochaine, c’est qu’il sera difficile d’avoir des équipements. L’opportunité, c’est de se rappeler qu’aux Jeux de 1924, déjà à Paris, la savate était sport de démonstration. Cent ans plus tard, on travaille pour exister au sein des Jeux. Pourquoi ne pas être présent sur les évènements à la Tour Eiffel ou lors de la cérémonie d’ouverture avec un tableau autour de la culture et l’histoire de la savate ?

Fin août, vous avez effectué un retour aux sources en étant nommé directeur technique national…

C’est un retour à la maison et en famille. Je baigne dans la savate depuis tout petit. Professionnellement, avant ma nomination comme DTN, j’avais travaillé dix ans à la Fédération. Ce retour n’était pas forcément prévu mais une opportunité s’est présentée. Quand le précédent DTN a pris une autre orientation, le président m’a appelé. On a discuté du projet, de l’équipe et de ce qu’il souhaitait. Je lui ai présenté ma vision des choses et on a convenu qu’on avait envie de travailler ensemble. Cela étant, il y avait toute une procédure de candidatures et de validation par le ministère des Sports à effectuer avant. Ce retour n’est pas un retour en arrière. Je me suis enrichi de mes expériences extérieures pour apporter une vision différente et animer d’autres projets.

« L’école française de savate est reconnue internationalement »

Vu de l’extérieur, votre parcours semble atypique. Y a-t-il des traits d’union entre les fédérations de savate boxe française, de gym volontaire et de badminton ?

Oui. Je suis parti de la Fédération de savate au moment où je travaillais sur le développement. Je suis allé sur une fédération affinitaire non compétitive avec la gym volontaire. Elle avait au cœur de ses préoccupations le développement, la pratique non compétitive et l’impact social. J’y ai grandi professionnellement en passant d’une fédération de 50 000 licenciés à une de 500 000. En termes de management et de gestion, ce n’est pas la même chose. Le trait d’union avec le badminton, c’est d’avoir été directeur de la performance sociale. Il y avait une volonté de porter un message différent dans une fédération olympique cristallisant beaucoup de travail autour de la recherche de médailles. Il y avait aussi l’envie de démontrer que le sport peut servir à autre chose. Enrichi de cette expérience olympique et d’une autre sur les questions de sport santé, cela me semblait logique de revenir dans ma fédération pour porter tout ça.

Quelles sont les premières actions que vous avez voulu initier en tant que DTN ?

Mes premières semaines, encore en période estivale, étaient calmes en termes sportifs. J’ai utilisé ce temps pour rencontrer les gens. J’ai discuté avec des entraîneurs, des dirigeants et des sportifs. Je voulais comprendre comme ils voyaient aujourd’hui la discipline, quels étaient les freins et les contraintes. J’étais parti depuis six ans. Je ne voulais pas arriver avec mes représentations d’avant. Je me suis rendu compte à quel point les habitudes faisaient que chacun travaillait un peu dans son coin. Il fallait recréer ce lien entre tous et redonner de la cohérence au service des athlètes et des structures.

Comment expliquez-vous l’image désuète de la savate boxe française auprès du grand public ?

On est très bien structuré pour l’ancrage territorial, la pédagogie, l’approche grand public, etc. L’école française de savate est reconnue internationalement pour la qualité de son enseignement mais on a un peu mis de côté l’évènementiel et l’aspect médiatique. On a beaucoup communiqué sur la discipline mais peu sur nos athlètes ces dernières années. Je veux replacer l’athlète au cœur du dispositif. On va travailler sur l’image de la discipline, de l’athlète et toute la communication médiatique.

Par Stéphane Magnoux