Hubert Ripoll : « Les Français ne sont jamais les premiers »

Demain, au CREPS d’Ile-de-France, Hubert Ripoll participera à une conférence sur la préparation mentale des jeunes sportifs à haut potentiel. L’occasion de s’interroger sur l’évolution de cette pratique dans le sport français. Entretien avec le célèbre psychologue, fondateur du premier laboratoire français de psychologie cognitive appliquée au sport…

 

Hubert Ripoll, un premier mot sur le Mondial 2018. L’équipe qui remportera le trophée sera-t-elle la mieux préparée mentalement ?

Elle sera très bien préparée, c’est évident. Après, je ne dis pas que ce sera celle qui aura le plus travaillé dans ce domaine. Quelle que soit la discipline, et plus encore pour les sports collectifs, les trois premiers se tiennent. Après, la différence se fait sur d’autres points, et notamment au niveau du mental.

La préparation mentale est un phénomène assez récent en France. Qu’en pensez-vous ?

J’ai été président de la Société Française de Psychologie du Sport pendant dix ans. Je n’ai cessé de solliciter le Ministère des Sports, le CNOSF, les DTN ou encore le groupe des entraîneurs nationaux. Alors que j’étais déjà très impliqué dans le sport et assez connu, dès lors que j’arrivais avec cette étiquette et mes propositions de mettre en œuvre une réflexion sur ce thème, je n’ai jamais eu de réponse. Les Français ne sont jamais les premiers, et en l’occurrence, ils ne sont pas loin d’être les derniers sur ce thème.

De nombreux sportifs, à l’image de Teddy Riner, ont pourtant rapidement compris l’importance de cet enjeu…

Il n’y a quasiment pas un sportif de haut niveau qui n’a, de manière régulière ou épisodique, travaillé avec un préparateur mental. Il arrive même que parfois, ils aient un préparateur à l’insu de leur propre entraîneur. Le problème, c’est qu’à partir du moment où le système n’est pas balisé, qu’il n’y a aucune garantie sur qui fait quoi, il peut se passer tout et n’importe quoi. On peut se retrouver avec le meilleur et le pire, et malheureusement, ce sont les athlètes qui en font les frais.

Quelles sont les pistes de travail ?

La première chose, c’est qu’il faut qu’il y ait une véritable prise de conscience sur l’importance de la préparation mentale. Les athlètes en ont conscience, ils savent que c’est important pour eux. Les entraîneurs le pensent aussi mais pour certains, ils ont un peu plus de réticence. Maintenant, il faut quelque chose qui vienne d’en haut et qui place la préparation mentale au même titre que la préparation physique.

Comment pourrait se matérialiser ce travail ?

Tout d’abord, par une prise de conscience ainsi qu’une définition claire des plans de pratique. Et puis, aussi, par la mise en place d’un comité d’accréditation. J’en avais créé un lorsque j’étais président de la Société Française de Psychologie du Sport, il a tourné pendant pas mal d’années mais, avec l’absence de réponse du mouvement sportif, cela n’a pas abouti comme je le souhaitais. En tout cas, il faut veiller aux bonnes pratiques ainsi qu’à une sélection correcte et efficace des bons intervenants.

Il y a quelques semaines, pendant les Internationaux de France de tennis, de nombreux observateurs ont expliqué les mauvais résultats tricolores par un problème mental. Qu’en pensez-vous ?

Il faut faire attention. Si vous allez voir votre médecin, qu’il vous fait tous les bilans et que ces derniers sont négatifs, il va vous dire que vous avez un problème psychologique. Il faut rester nuancé, même s’il peut effectivement y avoir un problème psychologique dans certains cas. Après, pour ce cas précis de la FFT, que je connais bien, quand un sport a des résultats aussi décevants individuellement, il faut se poser des questions sur le mental du système, et pas forcément du sportif. Il faut essayer de comprendre pourquoi le système génère des joueurs qui ne parviennent pas à aller au sommet. Je pense que le sujet et la problématique, même s’ils rentrent en ligne de compte, sont beaucoup plus vastes que le seul domaine psychique des athlètes.

Demain, vous participerez à une conférence sur la préparation mentale des jeunes sportifs à haut potentiel. Ces événements peuvent-ils accompagner cet effort de développement ?

Oui, cela peut y contribuer car l’initiative vient de plus haut. À partir de là, tout est possible. Il restera tout de même à voir comment ce « plus haut » va concevoir ce fonctionnement. Pour ma part, ma conférence va consister à dire ceci aux entraîneurs : « vous pouvez faire beaucoup plus en termes de préparation mentale que ce que vous faîtes actuellement ». C’est le principal message que je vais leur transmettre, bien évidemment en argumentant. Les entraîneurs doivent soigner, dès le départ, le développement des habiletés mentales de leurs athlètes avec autant de soin qu’ils gèrent le développement des habiletés motrices. On verra bien ce que le mouvement sportif mettra en place, apparemment, il a décidé de ne plus avoir d’œillère. Nous avons des personnes de terrain, Claude Onesta, par exemple, et même s’il n’a jamais travaillé à ma connaissance avec un préparateur mental, est fermement convaincu que c’est nécessaire. Si on lui laisse les rênes jusqu’à 2024, il y aura de quoi faire.

La bibliographie d’Hubert Ripoll :

– Le mental des champions (Payot, 2008) : http://mentaldeschampions.blogspot.fr
– Le mental des coachs (Payot, 2012) : http://mentaldescoachs.blogspot.fr
– La résilience par le sport (Odile Jacob, 2016) : http://laresilienceparlesport.blogspot.fr

S’inscrire à la conférence :

– Rendez-vous sur https://inscriptions.creps-idf.fr/

Bérenger Tournier