Hayette Djennane : « Mon imagination n’a pas de limites »

Entretien avec Hayette Djennane, championne handisport de parachutisme.

 

Il y a près d’un an, nous vous avions consacré un portrait dans SPORTMAG. Que s’est-il passé pour vous depuis ?

Depuis un an de nombreuses choses se sont passées. Nous avons réussi à atteindre notre rêve et notre objectif avec l’équipe d’être triple champion de France (2015-2016-2017). Pour la petite anecdote, j’ai débutés ces championnats de France aux côtés de mon équipe habituelle, à savoir Daniel Durand comme moniteur et Marie-Agnès Dizien comme caméraman. Mais comme Daniel Durand est aussi directeur de la zone de parachutisme de Frétoy-le-Château, il a eu un impératif professionnel le contraignant à quitter la compétition en cours de route. J’ai eu la chance d’avoir notre ami Philippe Matonnier, de l’équipe de Cahors, (qui est aussi moniteur tandem et qui participait aux championnats de France aux côtés du performeur Hayri Simsek), comme second moniteur. Il a accepté avec plaisir de poursuivre la compétition à mes côtés. Nous avons dû faire des petites adaptions en cours de compétition car je n’avais jamais sauté avec lui. Mais notre bonne entente et son professionnalisme m’ont permis de me mettre dans les meilleures conditions pour poursuivre l’aventure. Accompagnée par ma caméraman et encouragée par le Team H@ndi-@ltitude (dont mes amis, Jordan Hennequin et Hervé Dizien) ainsi que par l’équipe de Cahors, j’ai réussi à me recentrer sur la performance. La vice-présidente et le président de la Fédération française de parachutisme ont su aussi avoir les mots pour me soutenir dans ce championnat. J’ai alors pu le poursuivre malgré la pression qui était à son paroxysme.
Ce championnat fut spécial pour moi car, pour la première fois de ma vie, je me présentais à une compétition en fauteuil roulant compte tenu de l’aggravation de ma maladie. J’avais un rêve : celui de continuer à performer malgré la situation. Je suis heureuse et fière que nous ayons pu atteindre la performance escomptée. Cette médaille est le travail de toute une équipe, ainsi que d’une bonne dynamique de groupe qui m’ont poussé à atteindre mon rêve. Officiellement les médaillés d’or 2017 sont Daniel Durand, Marie-Agnès Dizien, Philippe Matonnier, moi-même. Ce fut pour moi un moment fort en émotion lorsque je suis montée sur le podium car, pour la première fois de ma vie, j’étais assise sur la photo d’un podium.

Vous souffrez d’une « myopathie des ceintures ». Pouvez-vous nous rappelez ce qu’est cette maladie ?

La myopathie est une maladie dégénérative qui atteint les muscles des bras et des jambes, mais pas les rêves. Pour faire simple, voici ce que j’explique lorsque j’interviens dans les écoles primaires de la ville de Colombes, afin que les élèves puissent avoir une image de cette maladie : « Il y a des petits bonhommes dans mes muscles qui devraient travailler sans se fatiguer pour que mes muscles fonctionnent correctement. Sauf que ces petits bonhommes sont très fatigués et ils ne marchent pas très bien, c’est pour ça que j’ai du mal à courir, à me relever, à marcher… ».

Quels sont vos objectifs cette saison ?

Continuer de rêver toujours plus haut et plus fort pour atteindre mes buts fixés. Atteindre chacun de mes rêves que je m’étais fixés, en m’entourant des personnes que j’aime et qui ont un impact positif sur mon épanouissement. Dans ma tête j’étais plus vaillante que jamais ! Réussir à atteindre de nouveaux rêves et vivre de nouvelles aventures restent mes leitmotiv. Même si la maladie a acté ma situation (passer de la station debout à la position assise), elle n’a pas mis à terre mes rêves car ils sont la propriété de mon imagination. Cette dernière n’a pas de limites hormis celle de réaliser chacun de mes rêves pour m’accomplir en tant que femme athlète.

Vous intervenez parfois pour témoigner dans des établissements scolaires. Quels sont les messages que vous tentez de faire passer ?

J’interviens dans des établissements scolaires de tous niveaux dans le seul but de réveiller le ou les rêves qui sommeillent en chacun de ces élèves, afin de leur faire prendre conscience que lorsque l’on a un rêve on peut le réaliser à force de travail, de persévérance et d’audace, et que je ne suis pas un cas unique. Ce qui me rend heureuse, c’est lorsque j’ai terminé mon intervention de sensibilisation au handisport et que je leur pose la question « Quel est votre rêve ? » et que j’ai une petite fille qui me répond qu’elle souhaite devenir archéologue, une autre hockeyeuse et un jeune petit garçon qui souhaite quant à lui devenir danseur ballet. Ce moment d’échange, j’appelle cela un cadeau car c’est un pur moment de partage et de transmission que je chéris. Je prends alors conscience qu’ils formeront le monde de demain et que si l’on étouffe leur rêve avant même qu’ils n’aient eu la possibilité de le réaliser, alors on entrera dans une société où la fatalité sera devenue une réalité ancrée, et où le pessimisme sera devenu une normalité. Et moi mon objectif est de faire en sorte que le rêvant ne devient plus pensant mais acteur de son destin, car il est le seul à détenir les clés pour pouvoir ouvrir ces portes qui le mèneront à son chemin de vie ainsi qu’à son épanouissement. J’essaie à mon échelle de les aider là-dessus.

Où en êtes-vous dans vos études ?

En ce qui concerne mes études, j’ai validé mon BTS Notariat au sein du lycée Erea Toulouse Lautrec. Actuellement, je suis en fin de CDD au sein du cabinet Deloitte en tant que chef de projet fondation et mission handicap. La fondation chez Deloitte a deux axes : celui de l’éducation et du développement solidaire. La mission handicap a quant à elle pour objectif de sensibiliser et de mener différentes actions en lien avec le handicap, l’inclusion… A côté de cela, grâce à mon club parrain le Rotary Paris La Défense Courbevoie, j’ai la chance de pouvoir participer à la formation du RYLA (Roath Your Leadership Awards), dont l’objectif est de créer du lien et de se former à différentes thématiques (dont l’inclusion…).

Quels sont les sports que vous suivez le plus ?

Je ne suis pas de sport en particulier, mais plutôt des athlètes qui m’inspirent tels que Lindsey Vonn, Maya Kuczynska (athlète de parachutisme indoor – soufflerie), Rafael Nadal, Martin Fourcade, Tessa Worley, Teddy Rinner, Mickaela Shiffrin, Alex Ferguson, Roger Federer, les Soul Flyers (deux athlètes parachutistes et base jumpers), qui véhiculent pour moi des valeurs qui prennent tout leur sens et qui impactent la société dans laquelle nous vivons.

La rédaction