Guillaume Moro : « Je me suis fait confiance »

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Le grimpeur lyonnais, licencié au club Vertige (Rhône) et installé au Pôle France de Voiron (Isère), a remporté la médaille de bronze de l’escalade de vitesse la semaine dernière à Munich. Une performance qu’il explique en partie par le changement de méthode décidé le mois dernier. « L’objectif, c’est d’aller chercher la médaille d’or à Paris », affirme-t-il.

Comment vous sentez-vous ?

Je redescends un peu de mon petit nuage (sourire). Cette médaille m’a fait beaucoup de bien. Cela fait pas mal d’années que je m’entraîne avec pour objectif un podium en Coupe du monde, et cette médaille lors de ces Championnats d’Europe est un pas de plus vers cet objectif-là. Cela fait plaisir, cela récompense le travail de toutes ces années. Je suis encore plus motivé pour la suite.

Vous étiez à la recherche d’un podium dans une grande compétition internationale.

C’est vrai que je n’en avais pas fait beaucoup dans ma carrière. J’ai fini 4e aux Mondiaux l’année dernière et j’ai gagné sur une Coupe d’Europe à Innsbruck. J’avais aussi remporté les Jeux mondiaux militaires mais cela remonte à 2017. A part cela, j’ai terminé pas loin sur des étapes de Coupe du monde cette année, 7e à Séoul, 8e à Villars-sur-Ollons où j’ai battu mon record personnel à 5’49, 8e encore aux World Games à Birmingham. Le niveau a considérablement augmenté depuis quelques années, de plus en plus de nations s’ajoutent aux meilleures mondiales, à l’image de l’Indonésie (et son recordman du monde Kiromal Katibin qui a réussi un chrono à 5’00 début juillet à Chamonix) et la Chine.

Comment situez-vous votre performance lors de ces Championnats d’Europe ?

À Munich, il manquait les Asiatiques, c’était une compétition avec moins de niveau que sur les Coupes du monde, mais figurer dans le top 3 européen, c’est quelque chose à prendre. J’ai eu une petite déception en demi-finale, j’ai commis une petite erreur contre l’Ukrainien (Danyil Boldyrev) qui a remporté le titre derrière. Une de mes mains a zippé, c’est-à-dire qu’elle a glissé dans la prise. Ça m’a coupé dans mon élan et m’a sorti de mon run. C’est dur à analyser sur le moment et à dire si c’est une erreur de précision ou un peu de malchance. Dans l’intention, cela aurait pu marcher, je pense que j’avais les moyens pour passer en finale. Mais je n’ai pas tenu compte de cette déception pour la petite finale et je me suis bien ressaisi, c’est positif. J’étais plus relâché, bien concentré, j’étais de mieux en mieux dans les chronos, j’avais envie de bien faire pour aller chercher la médaille. Je réalise un run de 5’55, pas loin de mon record personnel (de 5’49).

Quels autres enseignements tirez-vous de ces Championnats d’Europe ?

En fait, j’ai changé de méthode, il y a un mois, en rentrant de Birmingham où s’étaient déroulés les World Games. Je ne prends plus les mêmes prises aux mêmes endroits dans le run. C’est une méthode que les Chinois maitrisent bien et qui me paraissait plus pertinente pour moi. Elle est prometteuse, le but c’est d’aller chercher des chronos plus bas et de concurrencer les Asiatiques.

Vous avez pris cette décision juste avant un grand rendez-vous ?

Oui, c’était un pari risqué car cela aurait pu prendre 3 mois pour maîtriser cette nouvelle méthode, et là en 3 semaines j’ai réussi à l’optimiser. J’aurais pu faire le choix de changer en octobre pour avoir plus de temps pour la caler. J’ai vu que ça marchait assez vite, en une semaine à l’entraînement. Je me suis fait confiance. D’ailleurs, dans la vitesse, il y a une grosse partie mentale qui joue aussi : je sais que la séance réalisée la veille de la compétition avec mon préparateur mental a été bénéfique. En qualification, je finis 6e en 5’80. Je savais que j’étais capable d’aller plus vite. Donc je n’étais pas inquiet et je savais que le changement de méthode allait payer.

Vous disiez que votre motivation est encore plus forte désormais.

Oui, j’ai gagné en expérience et en motivation. Je suis capable de tenir la pression. C’est bien d’avoir marqué le coup, maintenant il faut enchaîner derrière en Coupe du monde. Il reste deux étapes, à Édimbourg le 9 septembre puis à Djakarta le 25 septembre. L’objectif, c’est de faire un podium sur les deux étapes. Je n’ai jamais fait mieux que top 5 en Coupe du monde.

J’imagine que l’autre perspective, ce sont les JO 2024…

Effectivement, je nourris de grosses ambitions. L’objectif, c’est d’aller chercher la médaille d’or à Paris. J’ai deux ans pour progresser, passer un cap en termes de résultats et donc remporter des compétitions pour se qualifier. L’idéal, c’est de finir 1er aux Championnats du monde pour se qualifier directement. Au moins un Français participera à Paris 2024 même si personne ne se qualifie directement et au maximum deux Français seront présents.

Racontez-nous ce qui vous a fait choisir la vitesse ?

En fait, quand j’ai commencé l’escalade, à 12-13 ans au collège puis en club, j’ai commencé avec de la difficulté, un peu de bloc (j’ai été champion de France cadet de bloc). La vitesse, c’était un peu le début en France : dans notre club à Arnas, ils ont prévu une voie de vitesse sur 13 m, il manquait donc 2 m mais j’ai essayé la voie et sur les entraînements ça m’a plu. Il fallait être assez explosif et j’aimais bien ça dans l’escalade. Je me suis pris au jeu, j’ai essayé d’améliorer des chronos, j’ai participé à des Coupes de France de vitesse et ça a bien marché. J’ai bien aimé l’ambiance, j’ai performé et l’année d’après, j’ai été appelé en équipe de France pour aller en coupe d’Europe et petit à petit j’ai délaissé la difficulté et le bloc pour me consacrer entièrement à la vitesse en séniors à partir de 2013.

Avez-vous une activité professionnelle à côté ?

On n’a pas de salaire en escalade, uniquement des primes de compétition mais qui ne nous font pas vivre. Après un DUT génie thermique et énergie à Grenoble puis une licence professionnelle bâtiments performants et énergie, je bossais à temps partiel pour des bureaux d’études mais cumuler les deux, c’était trop intense. J’ai donc arrêté mon activité pour passer un DE (diplôme d’État) en escalade l’an dernier et cette année. Cela me permet de me dégager plus de temps pour m’entraîner. L’an prochain, je vais consacrer 100 % de mon temps à l’entraînement dans l’optique de Paris 2024. Depuis quelques semaines, j’ai intégré le dispositif de l’armée de champions. J’ai un statut de soldat, je représente l’armée sur les compétitions internationales en contrepartie d’un salaire. J’ai un contrat de 2 ans. J’ai des aides de la fédération mais l’armée est aujourd’hui mon employeur principal.

Sentez-vous un engouement autour de votre discipline ?

Oui, au fil des années, j’ai vu l’évolution de l’escalade, l’ouverture de salles privées, et de plus en plus de grimpeurs à s’intéresser à la discipline. En France, il y a un passé historique avec de grands « falaisistes ». Pour ma part, j’étais moins intéressé par la pratique de ce sport en extérieur. Je me suis rapidement investi dans le projet de compétition et j’ai penché pour la vitesse. Une discipline qui aujourd’hui trouve sa place, elle impressionne le grand public. Assister à une course en duel, ça parle aux gens et ça marque. A Munich, avec les live de France Télévisions, c’est la première fois qu’on connaissait une telle médiatisation, une telle mise en lumière. Des membres de mon entourage sont tombés dessus un peu par hasard et m’ont envoyé un message, ils ont trouvé ça hyper spectaculaire. Le fait que ça passe à la télé, cela crée quelque chose.

Propos recueillis par Sylvain Lartaud