Gouren : L’histoire d’une lutte pour exister

Fédération de Gouren

L’histoire de la lutte bretonne, appelée Gouren, remonte au IVᵉ siècle. Un sport, inscrit dans le patrimoine breton, aujourd’hui à l’épreuve de la modernité.

En vous renseignant sur le Gouren et en discutant avec les pratiquants, vous y découvrirez l’importance du patrimoine, de l’histoire et de la culture. Pour continuer à exister face à l’essor de l’olympisme et la professionnalisation du mouvement sportif, le Gouren cherche à revendiquer son identité de lutte traditionnelle bretonne. Une position compliquée pour se projeter dans le futur.

Un petit point sur le Gouren

Le Gouren fait partie de la grande famille des luttes traditionnelles. Amené par les Celtes au IVe siècle, il se rapproche des luttes traditionnelles écossaises, irlandaises… Pratiqué et réglementé par les Nobles pendant le Moyen-Age, le Gouren perd de sa notoriété avec la Révolution française. La pratique perdure grâce à quelques paysans qui se sont appropriés le sport. En 1930, les lutteurs s’organisent et créent la FALSAB (Fédération des Amis des Luttes et Sports Athlétiques Bretons) sous l’impulsion du docteur Charles Cotonnec de Quimperlé.

Et pour le pratiquer ? Le Gouren se pratique debout, le but est de marquer un Lamm, c’est-à-dire de faire tomber son adversaire sur le dos. Les lutteurs accrochent leurs mains sur la chemise au-dessus de la ceinture et les attaques de jambes ne peuvent se faire au-dessus de celle-ci. Sport très codifié, les lutteurs prononcent un serment en breton puis en français avant le combat.

Une pratique en difficulté 

Si le but de la Fédération de Gouren, officiellement créée en 1980, est de promouvoir et développer la pratique du Gouren, cela reste compliqué. Aujourd’hui, la Fédération de Gouren rassemble une quarantaine de clubs présents dans les cinq départements de la Bretagne historique, et compte 1500 licenciés. Une pratique bien plus dense dans le Finistère, où est implantée la moitié des clubs.

Reconnu par le ministère de la Culture comme patrimoine culturel immatériel de la France, le Gouren n’est pas officiellement reconnu par le ministère des Sports. Aux yeux du ministère, la Fédération de Gouren dépend de la Fédération française de lutte. Un manque de reconnaissance préjudiciable pour le développement de la pratique selon Christian Pelé, président de la fédération de Gouren. Il voit un désintérêt de l’État français pour les sports traditionnels régionaux “Tout ce qui est langue et culture régionale n’est pas reconnue comme il devrait l’être au niveau national”. Une relation compliquée entre la Fédération et le Ministère qui a tendance à isoler le Gouren, rendant difficile son développement.

Pour Christian Pelé, il y a un désaccord culturel “Nous n’avons pas voulu renier nos traditions, notre langue, ni nos termes d’arbitrage et nos termes techniques, on considère qu’il n’y a pas de raison que les judokas et les karatékas puissent parler japonais et que nous ne puissions pas utiliser notre langue dans la pratique de notre sport”. Mais difficile aussi pour le Gouren de s’imposer dans le paysage sportif de l’olympisme à la recherche de médailles qui a tendance à s’opposer “au respect des traditions populaires”.

Des projets pour l’avenir 

Malgré le poids de la tradition, la Fédération de Gouren tente de construire pour l’avenir. Cela passe par une redéfinition des statuts avec la Fédération française de lutte. Une décision qui doit être prise en septembre prochain par l’Assemblée générale de la Fédération de Gouren et qui pourrait permettre au Gouren d’être reconnu par le Ministère des Sports à travers cette reconnaissance par la Fédération française de lutte. Un accord institutionnel, mais qui pourrait changer concrètement beaucoup de choses pour la Fédération de Gouren. “Ces changements permettront une visibilité au niveau national. Avoir une commission au sein de la Fédération française de lutte, c’est avoir des licences reconnues par la FFL. Ensuite, cela permettra que la formation de nos animateurs soit soutenue financièrement, mais surtout logistiquement par une plus grande fédération. Nous pourrons aussi bénéficier de ce soutien pour les compétitions nationales et internationales. Enfin, cela permettra à nos formateurs de participer à des stages pour découvrir d’autres types de lutte, mais aussi de faire découvrir le Gouren aux autres formateurs”. Autant de défis à relever pour la Fédération de Gouren avec une idée en tête : redynamiser la pratique du Gouren, ralentie par la covid et la pérenniser

Solenn Ravenel