Badminton – Florent Chayet : « Des résultats que nous n’avions jamais eus »

Jonatan CHRISTIE of Indonesia during the Yonex International Badminton France on October 26, 2019 in Paris, France. (Photo by Michel Brisset/Icon Sport) - Jonatan CHRISTIE - Pierre de Coubertin - Paris (France)

Président de la Fédération française de badminton, Florent Chayet évoque la réussite des Internationaux de France et l’arrivée d’une jeune génération très prometteuse pour les années à venir. Il explique également comment la fédération travaille avec le CNOSF et la nouvelle Agence nationale du sport.

 
Les Internationaux de France ont lieu à Paris la semaine dernière. Ce tournoi a réussi à trouver sa place dans le calendrier international, j’imagine que c’est une fierté…
Lorsque la BWF (Badminton World Federation) a lancé la programmation de sa nouvelle organisation internationale de compétitions, on a tout de suite regardé les choses de près. On s’est tout de suite positionné sur une candidature haute et on a quand même pris le temps de bien mesurer les risques financiers. Il est déjà arrivé à des fédérations de se mettre en difficulté avec l’événementiel. On a fait ce choix de manière très raisonnée, très réfléchie et je ne le regrette évidemment pas du tout. C’est vrai qu’il y a un investissement fédéral conséquent, c’est vrai qu’on aimerait qu’il diminue au fil des années. On pense que c’est ce qui va se passer avec une augmentation régulière de la billetterie, surtout quand on ne sera plus à Coubertin, où nous sommes un peu à l’étroit maintenant. Quand on aura migré vers quelque chose d’un peu plus adapté et qu’on aura des résultats internationaux – il faut reconnaître que ce n’est pas encore le cas actuellement -, on aura un écrin de grande valeur pour les joueurs français capables de briller.
 

« Répartir nos efforts dans tous les domaines »

 
Quelles sont vos attentes, actuelles et futures, concernant les joueurs français ?
On a plusieurs catégories de joueurs. Nous avons les joueurs adultes bien installés, Brice Leverdez, Lucas Corvée, Thomas Rouxel. Ensuite, on a des joueurs adultes, mais qui sont encore jeunes et qui ont donc une grande marge de progression : Thom (Gicquel), Delphine (Delrue)… Derrière tout ça, on a de « vrais » jeunes, qui eux, sont prometteurs. C’est la génération 2024, comme Delphine d’ailleurs. Christo (Popov) aux Championnats du monde Juniors, c’est la première fois qu’on a un Français à ce niveau-là (médaille d’argent, NDLR). C’est intéressant pour l’avenir. Derrière Christo, on a d’autres jeunes qui font des résultats très appréciables. De ce point de vue-là, la fédération a des résultats que nous n’avions jamais eus dans l’histoire. Si on étend un peu plus le champ de vision, tout en gardant les pieds sur terre, on a un champion du monde en Para-badminton (Lucas Mazur, NDLR) et plusieurs médailles lors des derniers Mondiaux, et même une médaille d’or aux Championnats du monde Vétérans, avec plusieurs médailles également. Certes, le niveau de jeu n’a rien à voir avec celui de Coubertin, mais ça montre bien qu’il y a une diffusion de l’exigence du haut niveau, qui s’est faite à la Fédération sur tous les plans. Ça commence à porter ses fruits, puisque dans toutes les catégories, on a des résultats qu’on n’avait pas avant.
 
Comment travaille la Fédération pour aider les joueurs à progresser ?
On veille, en coconstruction avec la Direction technique nationale, à faire en sorte que l’environnement des joueurs qui sont dans le système fédéral soit le plus approprié à une évolution qui leur sera favorable. On aide également les joueurs qui ne sont pas dans le système fédéral, on ne fait pas de discrimination de ce point de vue-là. On participe à leur parcours, même s’il y a des différences entre les deux catégories. Nous faisons aussi des efforts de politique générale sur la détection. On a décidé d’aider un certain nombre de clubs qui revendiquent un label que nous avons appelé Label Club Avenir, en fonction d’un cahier des charges, sur l’entraînement qu’ils procurent à des jeunes. On joue de tous les moyens dont nous disposons, notamment le volet financier. Alors que les temps ne sont pas très faciles, on a demandé à nos licenciés de participer un peu plus au financement de la fédération. Pour la première fois, on a introduit une différence entre les joueurs purement « loisirs » et les compétiteurs, en expliquant aux compétiteurs qu’ils étaient un peu plus consommateurs de ressources fédérales. L’assemblée générale nous a accordés quelques moyens supplémentaires, une bonne partie retourne vers les compétiteurs, mais on a également augmenté le budget du haut niveau. On essaye de répartir nos efforts dans tous les domaines, aussi bien sur le plan financier qu’organisationnel.
 

« J’espère que l’ANS prendra en compte nos remarques »

 
Comment se passe le travail avec le CNOSF ?
Avec le CNOSF, les rapports sont très cordiaux, très fréquents. Le CNOSF consulte les fédérations. Il peut y avoir des points de vue différents qui s’expriment. Moi, j’ai toujours veillé à ce qu’une fois les points de vue différents exprimés et une majorité dégagée, on essaye de soutenir le mieux possible l’unité du mouvement sportif, qui n’est pas facile à obtenir parce que les fédérations sont extrêmement hétérogènes. Il est toujours difficile pour une fédération de faire abstraction de ses intérêts personnels et c’est évident que les fédérations extrêmement puissantes et extrêmement riches n’ont pas les mêmes préoccupations que d’autres. Il ne faut laisser personne au bord de la route, donc ce n’est pas facile. Mais avec le CNOSF, ça se passe très bien.
 
Et l’arrivée de l’Agence nationale du sport (ANS), vous en pensez quoi ?
Avec l’Agence nationale du sport, il y a deux compartiments. Le haut niveau d’abord, qui dépend de Claude Onesta. Ils nous ont critiqués et on s’est défendu, tout en admettant que certaines des critiques à notre égard étaient fondées. Sur la façon dont on gérait les choses, on a bougé, on a tenu compte de certaines de leurs remarques. J’espère qu’ils prendront eux aussi en compte nos remarques, puisque maintenant, par exemple, on ne peut pas dire qu’on n’a aucune chance d’avoir une médaille en 2024 avec un gamin qui est vice-champion du monde 5 ans avant les Jeux. Rien n’est gagné, mais tout est possible. A nous de faire en sorte qu’il soit bien entouré et qu’il y en ait d’autres derrière. Nos jeunes adultes seront aussi à pleine maturité pour 2024. Notre double mixte par exemple, mais on a aussi deux doubles dames bien placés au niveau mondial. Tout ça devrait tourner favorablement.
 

« Une médaille aux JO 2020 ? Je n’y crois pas »

 
Et pour la part territoriale ?
Pour ce qui concerne la part territoriale, c’est un trait de caractère que j’ai, j’ai tendance à faire confiance aux gens. Parfois dans ma vie, ça m’est arrivé de le regretter, mais globalement, je préfère fonctionner comme ça. Pour le moment, j’ai confiance en la bonne volonté de l’ANS. Nous leur avons fait remonter beaucoup de remarques, on leur a dit ce que nous avions sur le cœur. Ils nous ont écoutés, réellement. Ils ont pris note et ils ont assuré qu’ils feraient pour le mieux afin de faire des améliorations pour l’an prochain. Je n’ai pas de raisons, a priori, de croire que ce qu’ils nous ont dit est faux. Lorsque les pouvoirs publics ont proposé aux fédérations qui le souhaitaient d’être précurseurs, la Fédération de badminton était volontaire, cela a été voté à l’unanimité en bureau après avoir réfléchi à la question. Pour nous, c’était incontournable. Résultat des courses : ça nous a donné un boulot absolument énorme. Moi, je considère qu’il y a un côté positif : être en responsabilité vis à vis de nos territoires et entamer un dialogue direct ; avant c’était l’administration, on n’y pouvait rien et on levait les bras au ciel, maintenant on peut engueuler [sic] la fédération en disant « Pourquoi vous ne nous avez pas donné telle ou telle chose ? » C’est un peu plus compliqué, mais c’est plus riche, on est en prise directe sur nos territoires. Du coup, je pense qu’on saura mieux comment on fonctionne. Je pense que le bilan de tout ça sera positif.
 
Nous avons parlé de 2024 mais pas de 2020. Quelles sont vos attentes pour les prochains Jeux ?
Pour les prochains Jeux Olympiques, honnêtement, il faut quand même raison garder. Brice Leverdez, qui est le meilleur Français actuellement, est autour de la 30e place mondiale. Qui peut exclure un miracle ? Personne. Mais ce que nous souhaitons à nos joueurs pour 2020, c’est surtout de prendre de l’expérience. Les jeunes ont du temps encore, il faut qu’ils apprennent. Moi, je ne suis pas un sportif de haut niveau, je suis un sportif acharné mais médiocre, je ne me rends pas du tout compte des enjeux qui existent à haut niveau, mais on m’a bien expliqué et j’ai bien compris que le fait de pouvoir participer à des Jeux olympiques était une expérience irremplaçable. Si je vous disais que j’espérais avoir une médaille en 2020, ça ne serait pas honnête. Je préfère dire les choses. Je n’y crois pas, je ne demande pas mieux que d’être démenti. En revanche, on fait tout notre possible pour que ça devienne envisageable le plus vite possible et dans la durée. Il n’y a pas que 2024, il y a 2028, 2032… Je ne serai plus là, mais ça continuera. Nos joueurs n’ont strictement rien à perdre, on ne sait jamais. Qui me prendrait au sérieux si je disais « On va avoir une médaille ? » Peut-être que, comme je suis très honnête, que je dis ce que je pense et que ça va peut-être énerver certains joueurs, ils vont vouloir prouver que le vieux con dit des conneries [sic]. S’il y a médaille en 2020, je suis d’accord pour passer pour le dernier des cons [sic], il n’y a pas de problème ! En revanche, en Para-badminton, on a un champion du monde, donc si nous n’avions pas de médaille à Tokyo, nous serions très déçus.

Propos recueillis par Simon Bardet