Entretien avec Vincent Chaudel, économiste du sport

Vincent Chaudel, expert sport du cabinet Wavestone, s’est confié sur l’économie actuelle du football, et notamment le dernier mercato estival. Entretien…

Vincent Chaudel, ce mercato estival a été marqué par des transferts assez incroyables, inimaginables il y a encore quelques années. Est-ce que vous vous y attendiez ?

Je m’attendais à des sommes importantes, oui, mais pas à ce que la France en soit l’animateur principal, par l’intermédiaire du PSG. Même si, lorsque l’on regarde le total, c’est l’Angleterre qui est en tête. Il n’y a d’ailleurs rien de surprenant à cela, étant donné que les derniers contrats de droits TV domestiques et internationaux britanniques constituaient des records. Ils entraient en vigueur cette saison, le dernier du championnat anglais gagne désormais 130 millions d’euros de droits TV, soit plus que le budget total de l’Olympique de Marseille. Les clubs de milieu de tableau anglais se retrouvent donc avec un pouvoir d’achat bien plus important que nos clubs français, hormis le PSG ou l’AS Monaco. Ils ont la capacité d’attirer des joueurs, par le montant du transfert, mais également grâce à une fiscalité plus intéressante. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que l’OM n’ait pas pu s’aligner pour conserver Bafétimbi Gomis.

Selon vous, cette dérégulation va-t-elle se poursuivre lors des prochaines années ?

Les sommes sont très importantes, peut-être trop pour certains, ce qui peut d’ailleurs se comprendre. Mais je crains que d’ici 2020, le montant du transfert de Neymar soit battu. Aujourd’hui, nous avons plus d’acteurs capables de mettre de l’argent sur la table qu’hier. Quel que soit le championnat, on se retrouve avec des fonds, souverains ou pas, ou des milliardaires. Le football est d’ailleurs devenu un terrain d’expression pour eux. À partir du moment où la surface financière des propriétaires des clubs a changé de dimension, l’action sur le marché des transferts a également évolué. L’autre phénomène, c’est que l’amortissement de ces investissements se fait désormais sur un marché mondial. Avant, il y avait essentiellement un marché domestique. L’économie du football français était donc le reflet de l’économie française avec ses droits TV, ses sponsors, etc. La situation était la même chez nos voisins. Avec la libre circulation des joueurs après l’arrêt Bosman, nous sommes passés dans une ère continentale. En France, les meilleurs joueurs français ont eu la possibilité de partir en Espagne, en Italie et autres. Les clubs ont également eu la volonté de montrer leurs meilleurs joueurs. Dans les années 1980, quand nous n’avions que Michel Platini en Italie, nous n’achetions pas à prix d’or le championnat italien pour voir uniquement Platini. À partir du moment où les deux tiers de l’Équipe de France se sont retrouvés en Italie ou en Espagne, les Français ont voulu voir le Calcio ou la Liga. C’est comme cela que les droits TV se sont internationalisés. Aujourd’hui, grâce au digital, nous sommes capables de regarder des matchs du monde entier, et de proposer des images de notre championnat partout dans le monde. Avec l’arrivée de Neymar, les personnes intéressées par la Ligue 1 sont devenues bien plus nombreuses.

On entend régulièrement dire que la véritable problématique dans le football provenait du coût des joueurs moyens, qui peuvent aujourd’hui valoir plusieurs dizaines de millions d’euros, et dont les salaires sont très élevés. Qu’en pensez-vous, et notamment avec le prisme du football français ?

C’est effectivement un problème. Même si lorsque l’on reprend les déclarations récentes de Jean-Michel Aulas, le PSG n’est en rien à l’origine de l’inflation des salaires dans le football français. Les joueurs qui intéressent le PSG, à part deux ou trois comme Fabinho ou Mbappé, jouent dans d’autres championnats. Le problème, et c’est ce que j’évoquais avec Gomis, c’est que d’autres clubs sont capables de donner de gros salaires en Angleterre ou en Turquie. Nos bons joueurs, et je ne parle pas des très bons qui forment une économie à part, sont recrutés par des clubs étrangers. Ce ne sont pas nécessairement des tops clubs, mais ils jouent dans un championnat intéressant et ont effectivement une capacité à proposer un salaire très élevé.

Retrouvez très prochainement la deuxième partie de l’interview de Vincent Chaudel sur SPORTMAG…
Bérenger Tournier