Dora Tchakounté, une revanche à prendre à Paris

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Quatrième aux Jeux olympiques de Tokyo, Dora Tchakounté est passée à un tout petit kilogramme d’une médaille olympique. La Française compte bien revenir encore plus forte à Paris, dans deux ans. La revanche, une vieille habitude pour celle dont le parcours en est parsemé, et ce depuis ses premières barres. Championne d’Europe cet été, la cheffe de file de l’haltérophilie tricolore fonce vers 2024.

Un goût doux-amer. Entre l’immense joie de s’être surpassée et la frustration d’être passée à côté de quelque chose de grand, très grand. Ces Jeux olympiques à Tokyo laissent encore un sentiment mitigé à Dora Tchakounté. Une barre réussie après l’autre, l’haltérophile signe la meilleure performance de sa vie, éclatant les records de France. Sa marque à l’arrivée : le total exceptionnel de 213 kilogrammes, après l’arraché et l’épaulé-jeté. Pourtant, il aura encore manqué un tout petit kilo. La Francilienne termine 4e, à un souffle d’une médaille de bronze. « C’était une grosse, grosse déception. Sur le coup, je me suis dit que tout ce que j’avais fait jusque-là n’avait servi à rien, se souvient l’haltérophile. Pendant le concours, je ne savais pas que je jouais une médaille. C’était une surprise que je me retrouve dans cette position. Je l’ai su après, et j’ai cette sensation d’inachevé… » Désormais, elle ne pense qu’à une chose : prendre sa revanche aux prochains Jeux, à Paris, en 2024. La revanche, une volonté qui a suivi Dora Tchakounté toute sa vie.

Premières barres et premiers titres

Née à Yaoundé, au Cameroun, celle qui deviendra plus tard championne d’Europe des moins de 59 kg arrive en France à l’âge de 10 ans. C’est au même âge qu’elle découvre l’haltérophilie, au centre de loisirs du Blanc-Mesnil. « Au début, c’était une initiation, avec des petits ateliers pour développer des capacités physiques et techniques en lien avec l’haltéro’. C’était très ludique, et c’est cet aspect «jeu» qui m’a plu. Ce n’était pas vraiment de la musculation, mais des exercices de sauts, de force, du travail de mouvement avec la barre », se rappelle la championne. Tous les mercredis, elle s’amuse et impressionne les entraîneurs. Dès ses 11 ans, elle se lance sur des compétitions. Ses premiers championnats de France, en catégorie minimes, sont une déception : « J’avais perdu, en terminant deuxième. Ça m’avait beaucoup attristée, et je voulais vraiment revenir pour faire partir cette sensation de défaite. C’est là que j’ai vraiment pris goût à la compétition, mais aussi au travail et à l’entraînement, par lesquels il faut passer pour progresser et devenir toujours meilleure. » Les années suivantes, la jeune Dora finit le travail bien comme il faut, en s’adjugeant trois titres de championne de France cadette consécutifs. La première de ses revanches sur l’haltéro’, et certainement pas la dernière…

« Une médaille à Paris, j’y crois à fond »

Avec de telles performances, la suite logique s’écrit avec l’Equipe de France. « Je n’aurais jamais imaginé que ce sport devienne aussi sérieux pour moi. Faire de grandes compétitions, voyager, porter le maillot bleu-blanc-rouge… C’était inattendu », avoue l’haltérophile. 12e sans forcer, pour ses premiers championnats d’Europe cadets, elle en veut plus : « Mon classement ne m’avait pas plus du tout ! Alors je suis revenue l’année suivante, et j’ai fait podium. » Rebelote sur les championnats de France Elite. Après de premières déceptions, elle remporte deux titres, en 2016 et 2018. Depuis, Dora Tchakounté n’est pas revenue défendre sa couronne nationale, pour privilégier les compétitions internationales. Bien lui en a pris, puisqu’elle a frôlé une médaille olympique, et a ajouté plusieurs médailles européennes à son palmarès. En 2021, la Française termine sur la deuxième marche du podium continental. On connaît la musique : piquée, elle de retour sur la compétition cet été, et la Francilienne s’empare cette fois-ci de l’or. Désormais, la recordwoman de France ne pense qu’à une chose : glaner une breloque olympique. A Paris, dans deux ans, Dora Tchakounté sera comme à la maison. Depuis son Val-de-Marne d’adoption, le déplacement sera de courte durée : « je serais d’autant plus attendue… C’est clairement une petite pression supplémentaire ! Mais je suis gonflée à bloc. Et surtout, j’y crois à fond. Je suis convaincue que j’en ai les moyens, et que je vais tout donner d’ici là. ».

« Partager mon expérience aux jeunes, c’est rendre ce que le sport m’a donné »

Ancrée dans son territoire, l’haltérophile a signé une convention d’insertion professionnelle avec le Conseil départemental du Val-de-Marne, et ce depuis 2019. « La signature de ce contrat était un immense soulagement, raconte la sportive. J’avais désormais une garantie pour avoir mon propre appartement, payer mon loyer et avoir un filet de sécurité. Cette convention m’a apporté une grande stabilité. Dans mon sport, ce genre de soutien est essentiel. ». Sa mission avec le département : intervenir auprès des jeunes, dans les collèges et lycées, pour partager son quotidien de sportive de haut niveau et sa passion pour son sport. « C’est un honneur pour moi de pouvoir transmettre aux jeunes. Partager mon expérience, participer à les motiver et les encourager, c’est très gratifiant, et c’est cet aspect qui m’intéresse. Le sport m’a beaucoup apporté, alors c’est aussi une manière pour moi de rendre ce que l’on m’a donné. Je trouve que les jeunes sont beaucoup moins investis dans le sport aujourd’hui. Rien que pour une question de bien-être, c’est important de les motiver ».

Pour Dora Tchakounté, il est important de souligner que l’haltérophilie porte une vraie dimension sport-santé, « contrairement aux préjugés autour du mal de dos qu’on entend », sourit la championne. Et la sportive en connaît un rayon : en parallèle de sa carrière sportive, elle suit une formation à l’ENKRE (Ecole Nationale de Kinésithérapie et de Rééducation), à Paris. « C’est quelque chose qui me sert au quotidien avec l’haltérophilie. Pour comprendre les entraînements et les soins qu’on nous propose. Bien connaître mon corps, éviter les blessures. Quand j’ai mal, je peux mieux reconnaître s’il y a un problème, ou bien si c’est musculaire et que je peux y aller. » En attendant, peut-être, d’avoir un jour son propre cabinet, la future kiné se verrait bien sur un podium en 2024. Portée par sa volonté de revanche, Dora Tchakounté compte bien faire de ce rêve une réalité.