Rugby – Clément Daguin : « Les études sont un moyen de rester connecté »

Clement DAGUIN of Stade Francais before the Top 14 match between Stade Francais and Clermont on September 29, 2019 in Paris, France. (Photo by Sandra Ruhaut/Icon Sport) - Clement DAGUIN - Stade Jean Bouin - Paris (France)

Demi de mêlée au Stade Français, Clément Daguin poursuit ses études en parallèle à la Sports Management School. Pour SPORTMAG, le rugbyman explique ce que lui apporte ce double cursus et dévoile ses projets futurs.

 
Clément, pouvez-vous m’expliquer ce qu’est le MBA Online Sport Business ?
J’ai déjà fait un parcours à la Sports Management School, Licence et Master 1. J’avais en tête de reprendre une petite formation complémentaire tant que je joue au rugby et que, malgré tout, on a un peu de temps libre. Michael Tapiro, le directeur de l’école, m’a mis au courant qu’ils étaient en train de mettre en place un MBA, qui est un grade Master, 100% on line pour les sportifs de haut niveau. Je regardais à droite, à gauche, les opportunités. Il y avait d’autres pistes, comme l’EDHEC et l’EM Lyon, qui ont également ces choses-là établies on line. Ma volonté a été de poursuivre au sein de la SMS, parce que j’avais déjà fait mon cursus là-bas, et que je connais très bien le directeur, Michael Tapiro.
 
Dans quelle optique avez-vous décidé de faire ça ? Vous avez déjà une idée de votre après-rugby ?
Tout à fait, j’ai déjà un projet en cours, qui vise à commercialiser des vêtements sportifs pour tous les sports collectifs. C’est un projet qui est déjà en place, mais qui demande encore pas mal de structuration. J’ai cette volonté de rester dans le monde du sport, pas forcément dans le rugby et dans le monde professionnel. Si possible, si je peux allier l’utile à l’agréable, j’aimerais rester dans le monde du sport, car c’est assez plaisant, et ce sont des émotions particulières.
 
Est-ce que vous vous donnez une deadline pour arrêter le rugby et vous lancer dans une autre carrière professionnelle ?
J’ai déjà un pied dans cette deuxième carrière, mais c’est vrai que pour y mettre les deux et me donner à 100% dans cette activité-là, il faudra que j’arrête ma carrière de rugbyman professionnel. Pour l’instant, ce n’est pas encore très clair dans ma tête. En tout cas, je ne jouerai pas – je pense – jusqu’à 35 ans. Je ne pousserai pas le truc à fond, ça, c’est sûr. Après, dire que je refais deux, trois, quatre ans ou que j’arrête à la fin de la saison parce que je suis en fin de contrat, pour l’instant, je n’ai pas pris la décision. Mais, je vais quand même essayer de voir les opportunités qui s’offrent à moi au niveau du rugby, avant de basculer complètement dans cette partie vie active un peu plus « banale », si on peut dire.
 

« Je n’ai pas peur de l’inconnu »

 
La petite mort du sportif, la fin de carrière, ça ne vous fait pas peur ? 
Honnêtement, je ne l’appréhende pas du tout, parce que j’ai le sentiment de l’avoir bien préparée. Je ressens plus un sentiment d’excitation et d’attente par rapport à ça. J’ai des projets qui m’attirent énormément et j’ai un peu de frustration de ne pas pouvoir me donner à 100% et d’exploiter tout ce potentiel en jouant au rugby. C’est un peu paradoxal, mais je n’ai pas une peur de l’inconnu, du vide après le rugby et de la petite mort.
 
Concernant le e-learning, le danger, c’est qu’on peut facilement se motiver à faire autre chose. Ce n’est pas quelque chose que vous craignez ?
Je commence cette semaine, la rentrée est un peu décalée. Ce sera une première pour moi, mais je sais que le campus est aussi à Paris, pas loin. Il y aura surement des plages horaires où je vais pouvoir aller faire du présentiel et « me dégourdir un peu les jambes » pour aller sur place. Le côté e-learning va être nouveau mais ça ne me fait pas peur. C’est de la visio-conférence, c’est aussi un moyen d’être le soir chez soi après l’entraînement et de pouvoir déconnecter en suivant un cours, un conférencier ou un intervenant qui peut nous intéresser et nous faire un peu déconnecter du rugby. C’est plutôt passionnant et il faut le prendre avec curiosité et engouement, plus qu’avec une appréhension de l’e-learning.
 

« Je ne sais même pas si le Stade Français sait que je fais ça »

 
Est-ce que vous devez demander un emploi du temps adapté au Stade Français pour étudier en parallèle ?
Pas du tout, j’ai rarement pris l’habitude de demander les choses, parce qu’en général, quand on les demande, elles n’arrivent pas forcément. Je me suis toujours débrouillé tout seul là-dessus et c’est ce qui marche le mieux. Je me débrouille entièrement seul, je ne sais même pas s’ils savent que je fais ça et peu importe. C’est une initiative personnelle, c’est à nous, étudiants, de nous adapter. Les cours sont diffusés en direct, généralement en soirée. Si on les rate, il y a un replay. Il a ensuite tout un système d’évaluation et un mémoire à rédiger pendant l’année scolaire.
 
Les études, ce n’est pas un sujet de discussion avec vos coéquipiers ?
J’en ai déjà parlé, il y a quelques joueurs qui l’ont fait ou qui ont essayé de le faire. Ça n’a pas forcément marché. Je sais qu’il y a quelques joueurs qui avaient tenté le cursus de l’école de Toulouse et l’EM Lyon, mais ce n’est pas évident. Il y a des joueurs qui n’ont pas réussi à trouver le rythme et qui n’avaient pas forcément le bagage antérieur : la Licence validée ou le Master. C’est compliqué, quand on n’a même pas le Baccalauréat et que derrière, on vous propose un Master parce que vous êtes sportif de haut niveau et qu’on vous donne un passe-droit. C’est compliqué de suivre le rythme quand vous avez raté un épisode. Il faut s’y mettre, il y a des joueurs qui trouvent que c’est une bonne initiative, mais tous ne sont pas sur la même longueur d’onde. Après, c’est un choix personnel.
 

« S’ouvrir sur le monde extérieur »

 
Est-ce qu’on a le temps de faire autre chose quand on cumule sport de haut niveau et études ? 
Oui, bien sûr. Il faut savoir trouver le temps et s’organiser. C’est une question d’organisation. Même moi, qui ne suis pas très, très bien organisé dans ma vie – j’essaye de l’être du mieux possible – j’ai quand même le temps de faire deux, trois activités à côté, de sortir, de faire un resto et de me régaler, et même de voir ma famille. L’intensité des entraînements et du sport de haut niveau est très haute, mais il y a quand même pas mal de temps libre. Il faut savoir le mettre à profit.
 
Est-ce que les mauvaises performances du Stade Français actuellement pourraient affecter vos études ? Est-ce difficile de séparer les deux domaines ?
C’est une bonne question. Pour ma part, je le prends un peu comme un exutoire. Je vois ça comme une façon de sortir un peu de ce cadre et d’avoir quelque chose d’autre à faire, devenir plus curieux, apprendre quelque chose qui sort de l’univers rugby, qui est quand même hyper inclusif. C’est assez particulier, parce que vous voyez toujours les mêmes personnes, vous êtes toujours avec des gens qui parlent des mêmes sujets, donc ça permet de s’ouvrir, de rencontrer d’autres gens, de faire du relationnel et d’avoir d’autres contacts qui font des choses différentes. C’est sûr que les gens qui ne sont pas dans cet univers-là posent des questions et sont curieux de savoir ce qui se passe. Mais, bizarrement, quand on est dans l’univers du rugby, on demande un peu parfois à en sortir et à s’ouvrir sur le monde extérieur, parce qu’on n’est pas en train de vivre quelque chose qui est banal.
 

« Je n’étais pas très bosseur »

 
J’imagine en plus qu’avec la période difficile traversée par le Stade Français en ce moment, ça doit faire du bien de voir des gens extérieurs au club qui parlent d’autre chose que des résultats…
C’est bien quand ils parlent d’autre chose, comme vous dites. Si c’est pour les voir et qu’ils parlent des problèmes qu’on rencontre chaque jour, c’est un peu embêtant. Mais sinon, c’est tout à fait ça, quand vous allez rencontrer des gens, que vous avez des projets, des idées, que vous êtes curieux de voir autre chose, vous rencontrez forcément des gens qui peuvent vous apporter quelque chose.
 
Après cette année, les études seront terminées pour vous ?
Oui, le cursus sera bouclé, mais je ne m’interdis pas de refaire un petit complément si ça peut me botter. Mais, je crois que j’aurais fait le tour et que j’aurai un bon bagage pour attaquer. Un Bac +5, c’est assez sympa d’avoir pu valider un cursus comme ça en ayant joué au rugby.
 
Si on vous avait dit que vous auriez un Bac +5 au début de votre carrière professionnelle, est-ce que vous ne l’auriez pas cru ou avez-vous toujours aimé les études ?
J’avais des facilités parce que mes parents m’ont donné une éducation où ils voulaient que je valide certains cursus. Je n’étais pas très bosseur comme garçon, j’étais plutôt feignant, j’ai eu mon Bac avec un an d’avance, mais ras les pâquerettes. Ensuite, je ne savais pas trop où aller. Les études, c’était un peu pour me dire, à côté du rugby, qu’il fallait que je pense à ce que j’allais faire après. Et tu ne peux pas penser à ce que tu vas faire après si tu loupes un épisode. En jouant au rugby 5, 10, 15 ans, même seulement 3 ans, on se déconnecte complètement de la vie active et de ce que j’appelle le monde réel, la vie de Monsieur tout le monde. Il faut réussir à ne pas se déconnecter de ce monde-là. Les études sont un moyen de rester connecté et c’est important. Les études que j’ai faites ne sont pas grandioses. Sans dénigrer la Sport Management School, qui est une bonne école, ce n’est pas HEC, Centrale et Polytechnique. Mais la SMS me permet d’avoir un bon carnet d’adresse, un réseau, et des compétences suffisantes pour attaquer sereinement ma vie active.

Propos recueillis par Simon Bardet