BMX : Tatyan Lui-Hin-Tsan, programmé pour gagner

Double champion de France, d’Europe et du monde de BMX en catégorie cadets, Tatyan Lui-Hin-Tsan est déjà un petit phénomène de la discipline à deux roues. Mais à 17 ans, le Réunionnais ne veut pas s’arrêter à ses deux incroyables triplés chez les jeunes. Il fonce droit sur les Jeux olympiques.

 
Tâcher de perpétuer la tradition familiale. C’est peut-être là où réside le secret de la réussite de Tatyan Lui-Hin-Tsan. Son père, Didier, est un passionné et champion de motocross. Jacky, son grand-père, a lui construit la piste de la Ravine à Malheur sur son île natale, tandis que sa grand-mère Josiane a longtemps été présidente du club local de la Possession. Et le petit dernier le leur rend bien : au cours des trois dernières années, le jeune phénomène du BMX, cette discipline où huit coureurs font la course sur des pistes cabossées, rafle absolument tout sur son passage. « Le BMX, c’était un peu le passage obligatoire chez moi », s’amuse celui qui s’est aussi essayé au motocross. « Mon père m’a rapidement mis sur un vélo, à mes cinq ans. Même quand j’ai changé de club pour aller au Bicross Club Oméga de Saint-Paul, parce que la Possession fermait, il me faisait travailler en plus de mes entraînements classiques. J’étais fait pour faire du BMX, je suis tombé dedans dès que je suis né ! »

« Est-ce que ça valait vraiment le coup ? »

Depuis un premier doublé championnat de France et d’Europe en minimes en 2016, l’adolescent de 16 ans enchaîne les victoires sur tous les terrains de jeu. Lors de ses deux dernières saisons en cadets, Tatyan Lui-Hin-Tsan enregistre une performance sensationnelle, et inédite, en réalisant coup sur coup deux triplés champion de France, d’Europe et du monde, en 2017 et 2018. Un palmarès naissant à faire envie aux plus grands coureurs de la discipline. « Petit, je suivais beaucoup le Letton Māris Štrombergs, double champion olympique de la discipline (2008, 2012). Il y avait aussi le Réunionnais Moana Moo-Caille, qui a participé aux Jeux olympiques de 2012 – une performance loin d’être anodine – et terminé troisième aux Championnats du monde de Birmingham (2012). Mon but, c’est de suivre cette voie-là. » Et le Réunionnais se donne les moyens de ses ambitions. Depuis tout petit, Lui-Hin-Tsan s’entraîne comme un forcené pour atteindre l’excellence dans sa discipline, qui fait partie des disciplines olympiques depuis 2008. « J’ai remporté mon tout premier titre de champion de France en poussins deuxième année », se souvient-il. « Et ça, c’est parce que je m’entraînais. Je n’avais pas que du talent. » Pourtant, malgré ce destin qui lui semble déjà tout tracé, tout n’a pas été simple pour le jeune homme. Lors de la rentrée de 2016, il plaque tout et s’envole pour la Métropole où il s’installe afin d’intégrer le lycée sports-études de Saint-Étienne. Seul, sans sa famille, il parvient à trouver sa place dans sa famille d’accueil, mais admet avoir connu quelques moments difficiles. « Être à 14 ans loin de sa famille et de sa maison, ce n’est pas évident. On se pose des questions : Est-ce que ça valait vraiment le coup de vivre sans mes parents, aussi loin ? Finalement, vu où tout ça m’a mené, je ne regrette pas du tout d’être parti. »
 

 

Jambes solides et tête bien faite

Toujours en section sports-études, le champion du monde en titre juniors de BMX est également capable de troquer son vélo pour ses habits de lycéen, lui qui est désormais en Terminale S où des cours lui sont aménagés. « Mon but, c’est d’arriver à vivre du BMX. Mais comme ce n’est pas encore le cas, je suis toujours logé par mes parents d’accueil », admet Tatyan Lui-Hin-Tsan, pragmatique. « Je gagne quelques cachets, parfois, lors de compétitions que je remporte. Certains coureurs arrivent à en vivre lorsqu’ils sont au-dessus du lot, c’est sûr, et ça peut devenir mon cas. Mais, je sais que ça ne pourra pas durer toute la vie et qu’après ce sport il faudra que je trace une autre voie. » C’est pourquoi il a déjà dans un coin de la tête de bifurquer vers une formation de kinésithérapeute ou d’ostéopathe. Coaché par Julien Perrier, qui le suit depuis son atterrissage à Saint-Étienne dans tous les domaines de sa progression – vélo, nutrition, sommeil, physique, mental -, l’expatrié s’est entiché d’un mentor qui lui sied à la perfection. « Il connaît toute ma vie », admet celui qui a trouvé son rythme de croisière désormais. « Je m’entraîne parfois deux fois par jour lors des périodes les plus fastidieuses. En hiver, ce sont les moments où l’on s’investit le plus, car de toute façon, les pistes sont remplies de neige ! (rires) Le reste de l’année, c’est un peu plus léger et je me préserve davantage pour être prêt le jour J pour les compétitions. »

« J’ai de grandes ambitions pour les années qui arrivent »

Ces compétitions, Tatyan Lui-Hin-Tsan les a enchaînées et dominées à un rythme effréné. Et à chaque fois contre des adversaires plus âgés. « Mon plus beau souvenir, ça reste mon titre de champion du monde obtenu en juillet dernier », raconte-il avec beaucoup d’émotion dans la voix. « J’étais seulement junior première année et je n’avais pas connu des derniers mois très convaincants (5e au championnat de France et 6e au championnat d’Europe un peu plus tôt dans la saison, NDLR). Je ne pensais pas être sacré ensuite, honnêtement… » Pas de triplé cette année, mais qu’importe, la fierté reste énorme pour l’un des coureurs les plus prometteurs de sa génération. « Je n’arrive pas vraiment à réaliser. Mais, je reste encore très jeune et je ne veux surtout pas m’arrêter là. J’ai de grandes ambitions pour les années qui arrivent. Avec les Jeux olympiques en ligne de mire. » L’année prochaine, déjà, l’adolescent de 17 ans sera junior deuxième année et visera pourquoi pas un nouveau triplé France-Europe-Monde, avant d’intégrer la section élite. La suite, Lui-Hin-Tsan la voit également loin de la France, pour un nouveau saut vers l’inconnu à l’autre bout du monde. « J’aimerais partir aux États-Unis. C’est un rêve d’enfant d’aller faire du BMX là-bas. La discipline y est très développée, bien plus qu’en France, et c’est bien plus simple de vivre du vélo aux USA. Les primes de courses y sont beaucoup plus élevées : par exemple, si je gagne une grosse compétition en France, en élite, je pourrais toucher 800 euros. Si je gagne l’équivalent aux États-Unis, on est plutôt sur une prime de 3 500 dollars… Et ça, c’est important pour ma famille. » Après avoir perpétué la tradition familiale sur son île puis en France, pourquoi ne pas prolonger un peu le plaisir par-delà l’Atlantique ?

Trop jeune pour 2020, à fond sur 2024

Avec beaucoup d’assurance et sans se cacher, Tatyan Lui-Hin-Tsan l’assure : son objectif principal, désormais, c’est de remporter des Jeux olympiques dans sa discipline. « Je serai encore trop jeune pour participer aux prochains Jeux olympiques de Tokyo en 2020. Du coup, je me concentre déjà sur ceux de 2024 », se projette-t-il. « C’est mon objectif principal, ce pourquoi je m’entraîne tous les jours. Avec mon coach, on a déjà établi un programme d’entraînement jusqu’à ces JO. Ce serait une fierté d’y participer, mais j’aurai surtout en tête de les gagner ! Si je les fais, c’est pour tout dégommer et remporter la médaille d’or. Tout ça se prépare dès maintenant. »

La bio express de Tatyan Lui-Hin-Tsan :
Par Romain Daveau